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IV

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La plante est souvent pour les insectes un vaste établissement où ils naissent et meurent, où surtout ils élèvent de nombreuses générations. La fleur, dans ses frais replis, entre ses brillants pétales, sous le mystère de son humide corolle, loge, comme dans un pavillon embaumé, des insectes qui font presque corps avec elle. Réunis par un mystérieux amour, attachés par des sentiments réciproques qu’il ne nous est pas donné de connaître, mais seulement de pressentir, l’insecte et la fleur vivent l’un avec l’autre, et, pour ainsi dire, l’un pour l’autre. La fleur s’ouvre discrètement pour donner accès à son petit ami qui arrive de voyage; elle lui prête, pour se reposer, son moelleux duvet, l’enivre de ses haleines odorantes, lui sert, au fond de sa coupe, comme un banquet de parfums. Vient-il à pleuvoir? elle forme de ses pétales un gracieux berceau, une tente de quelques heures, dont elle recouvre son protégé jusqu’à ce que le ciel recommence à sourire à tous les deux. L’insecte ne s’éloigne jamais beaucoup de son amie; il lui confie l’éclosion de ses œufs, lui donne sa famille à garder, mêle aux couleurs veloutées de la fleur son éclat métallique et chatoyant; il lui rend amour pour amour!... Rien ne ressemble au pétale comme l’aile de l’insecte, cette fleur qui vole. Si la fleur de la plante n’élabore pas le miel dans son calice tout exprès pour l’insecte, pour qui donc le compose-t-elle?...

Aucun animal, rien de ce qui a vie ne peut se soustraire à cette vaste et active colonisation. Ne voyons-nous pas tous les jours les animaux infimes s’implanter, se caser dans les divers organes des gros animaux! La vie inférieure s’alimente aux dépens d’une autre vie plus développée. Le parasitisme est une loi de la Nature.

L’homme lui-même n’est que trop souvent aussi une proie pour le petit parasite, qui vit et habite à la surface de son corps, qui s’insinue sous son épiderme ou fixe son domicile dans ses entrailles, qui fait de la plus noble créature sa propriété et son domaine. Il n’est pour l’insecte aucun lieu inhabitable, aucune température trop brûlante; l’impossible n’existe pas pour ces êtres minimes lorsqu’il s’agit de s’établir. Le soleil ardent des tropiques, comme le soleil brumeux des pays du Nord, assiste à leurs installations, à leurs jeux, à leurs amours, à leurs travaux industrieux. La terre, dans son sein, voile l’existence de milliers d’insectes qui, quoique engloutis sous d’épaisses et ténébreuses couches, vivent et sentent. On pourrait, en voyant leur immense multiplication sur toute la surface de la terre, penser qu’un rayon de soleil les fait extemporanément éclore du néant et que la nature a abrogé pour eux les lois immuables auxquelles elle a astreint la reproduction.

Devant le spectacle de ce fourmillement universel, de ce prodigieux grouillement, quelques savants modernes on cru à la génération spontanée. Pour moi, mon intelligence microscopique et mes études encore bien peu avancées dans l’histoire naturelle me défendent expressément de porter le moindre jugement sur cette grande question. Cependant, il me semble que je puis bien dire ici mon sentiment sans prétendre l’imposer à qui que ce soit. Il m’est impossible d’admettre la génération spontanée, parce qu’elle serait une étrange exception à la règle universelle de la génération et de la multiplication de tous les êtres d’une certaine grosseur que nous pouvons suivre des yeux dans leurs évolutions. Tout ce qui naît vient d’un autre être semblable à lui; toute vie émane d’une autre vie. C’est un prolongement sans fin de l’animation. La nature n’agit jamais par brusques écarts, par bonds soudains; elle procède méthodiquement. Ne lui prêtons pas les coups de baguette magique qui plaisent tant à notre imagination rêveuse. La nature ne les aime pas; elle ne s’en sert jamais dans ses ouvrages.

Études d'histoire naturelle

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