Читать книгу Études d'histoire naturelle - Romuald Jacquemoud - Страница 18
XIII
ОглавлениеIl est temps de dire un mot de la transformation. On entend ordinairement par métamorphoses d’un animal les diverses formes par lesquelles il passe avant d’arriver à l’état parfait. Les insectes ne sont pas les seuls êtres qui subissent des transformations; mais c’est chez eux qu’elles sont le plus singulières et le plus profondes. Au moment de l’éclosion de l’œuf, chez les insectes ovipares seulement, qui sont les seuls qui se transforment, les petits êtres, en général, n’ont pas l’aspect qu’avaient leurs parents; plus tard, ils deviendront semblables à eux.
C’est presque toujours à l’état d’embryon que l’insecte nous porte le plus de préjudice; c’est alors aussi qu’il se fait le plus remarquer par son activité à jouer le rôle qui lui a été assigné dans le grand œuvre de la Nature. Sa vie est alors intense, il agit beaucoup, consomme beaucoup; et ce sont nos moissons qui, assez souvent, font pour une bonne part les frais de cette consommation. Son état parfait n’est guère qu’un rêve pour lui, rêve séduisant qui se termine par la reproduction et la mort. C’est sous la forme d’une larve qu’il a passé la plus grande partie de sa vie; il ne sort ainsi de l’obscurité que pour rentrer bientôt après dans le tombeau.
Eclosion, existence, mort, ressuscitation, puis transmutation nouvelle: voilà tout autant d’anneaux d’une chaîne mystérieuse dont les deux bouts sont dans la main de l’infini. Je crois que tout ce qui a vie dans la Nature, tout, sans exception, subit, avec des phases diverses selon l’espèce, cette loi souveraine et insondable. Il faut considérer ici, il me paraît, l’ensemble de ces changements successifs, qui constitue la vie générale, la vraie vie en elle-même. Ce que, dans notre langage usuel, nous appelons improprement la vie, n’est qu’un point isolé, un côté passager de l’être vivant. La forme transitoire qu’on nomme, en histoire naturelle, état parfait, ne représente qu’une facette plus brillante, selon notre manière de regarder les choses; c’est là un éclair partiel de vie qui est peut-être moins important que les périodes précédente et suivante qui nous semblent obscures.
Analysée dans ses principaux actes, prise dans ce qu’elle a d’intime et d’essentiel, qu’est-ce, au fond, que la reproduction elle-même? Une transformation. C’est la vie qui passe d’une forme usée et vieillie dans une autre forme nouvelle et jeune. La forme dont la vie est émanée reste comme une enveloppe desséchée. Ce qui le démontre bien, c’est que la transformation reproductive n’a lieu dans les êtres qu’à l’époque où la vie est chez eux dans toute sa plénitude, son épanouissement et son éclat. Cette transmutation d’une forme à l’autre une fois achevée, le premier individu ne garde plus qu’un reste de vie apparente, et marche rapidement vers son extinction totale, tandis que le meilleur de sa vie, ce qui la constituait réellement, a pris une autre forme: celle de l’individu engendré.