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VI

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Morgain a la fièvre. Il nous a demandés pour mettre sur son front de la neige éternelle.

Nous avons relâché devant une île où se dressait une montagne très élevée. Nous sommes descendus ; Nathanaël, Ydier, Alain, Axel et moi, nous avons marché vers les neiges. Longtemps après, nous pensions encore à cette île, car elle était calme et charmante ; à cause des glaciers descendus jusqu'en la vallée, un air presque frais circulait. Nous marchions, joyeux de nous sentir si pacifiques.

Nous étions parvenus au pied du glacier translucide, une fontaine claire s'est montrée. Elle stillait doucement de sous la glace : un quartz poli, qu'elle avait creusé en calice, la recueillait. Nous en remplîmes notre fiole de cristal pour en rapporter à Morgain.

Eau de glace, qui pourra dire ta pureté ! Dans les gobelets où nous en bûmes elle était encore azurée. Elle était si limpide et si bleue qu'elle avait toujours l'air profonde. Elle restait fraîche toujours ainsi que les eaux hiémales. Elle était si pure, qu'elle grisait comme l'air très matinal des montagnes. Nous en bûmes, et une allégresse séraphique nous ravit ; nous y avons trempé nos mains ; nous en avons mouillé nos paupières ; elle a lavé la flétrissure des fièvres, et sa délicate vertu a glissé jusqu'à nos pensées, comme d'une eau lustrale. La campagne, après, nous a paru plus belle, et nous nous étonnions de toute chose.

Vers midi, nous avons retrouvé la mer et nous marchions suivant le rivage. Nous récoltions des cailloux d'or dans le sable, les coquilles rares que le flot avait laissées, et les buprestes couleur d'émeraude sur les tamaris de la plage.

Il poussait près de la mer une plante qui portait sur ses fleurs des papillons toujours posés. Les papillons étaient indistincts des pétales, la fleur en paraissait ailée. – Nous savions que les papillons de printemps, les premiers papillons de mai sont blancs et jaunes comme les primevères et les aubépines ; les papillons d'été diaprés comme toutes les fleurs, et les papillons de l'automne de la couleur des feuilles mortes ; mais ceux-ci, sur des fleurs rosées, avaient les ailes transparentes des papillons des hautes cimes, et les corolles des fleurs se voyaient à travers leurs ailes.

Nous avons rencontré, sur le bord de la mer, un enfant mystérieux qui songeait, assis sur le sable. Il avait de grands yeux, bleus comme une mer glaciale ; sa peau luisait comme les lys et ses cheveux étaient comme une nuée que le soleil à l'aube colore. Il cherchait à comprendre des mots qu'il avait tracés sur le sable. Il parla ; sa voix, de ses lèvres, jaillit, comme s'envole l'oiseau du matin en secouant la rosée ; nous lui eussions volontiers donné nos coquilles, nos insectes et nos pierres, volontiers tout ce que nous avions, tant sa voix charmante était douce. Il souriait avec une tristesse infinie. Nous voulions l'emmener jusqu'au navire, mais s'étant penché sur le sable il reprit sa méditation tranquille.

Nous partîmes. La promenade dans cette île nous avait donné de grandes forces, et quand l'Orion remit à la voile, en regardant la mer ouverte devant nous, nous sentions notre cœur tressaillir.

Nous ne nous baignâmes pas ce jour-là.

Oeuvres complètes de André Gide: Romans

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