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ENVOI
ОглавлениеMadame ! je vous ai trompée : nous n'avons pas fait ce voyage. Nous n'avons pas vu les jardins ni les flamants roses des plages ; ce n'est pas vers nous que les mains des sirènes se sont tendues. Si je n'ai pas mordu les fruits, ni dormi sous les avenues ; si je n'ai pas baisé les mains d'Haïatalnefus parfumée ; si je croyais aux lendemains ; si j'ai raconté ces courages ; c'est que ce n'était que mirages, c'est que ce n'était que fumées. Je crois que j'eusse résisté ; j'attendais ; Mais les tentations ne me sont pas venues. Ellis ! pardonnez ! J'ai menti. Ce voyage n'est que mon rêve, nous ne sommes jamais sortis de la chambre de nos pensées, – et nous avons passé la vie sans la voir. Nous lisions. Vous veniez au matin toute lasse de vos prières. Madame, je vous ai trompée : Tout ce livre n'est que mensonge. Au moins n'y ai-je pas crié ; Mais c'est qu'on est calme en un songe. Un jour pourtant, vous le savez, j'ai voulu regarder la vie ; nous nous penchâmes vers les choses. Mais je les ai comprises alors si sérieuses, si terribles, si responsables de toutes parts, que je n'ai pas osé les dire ; je m'en suis détourné – ah ! Madame – pardon ; j'ai préféré dire un mensonge. J'avais peur de crier trop fort et d'abîmer la poésie si j'avais dit la Vérité, la Vérité qu'il faut entendre ; préférant de mentir encore et d'attendre, – d'attendre, d'attendre...
La Roque. Été 1892.