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Ta! ra! ta! ta! Ratata! ratata! Ran plan! plan! plan! Ramplanplan! Le clairon sonne et le tambour bat. Le ministre de la guerre a été informé à temps et le capitaine Massepain est arrivé porteur d’ordres énergiques. Il a mis lui-même la compagnie debout, et s’étonne que ni le lieutenant Hautbridé ni le sous-lieutenant Vessencœur ne répondent aux appels du cuivre et de la peau d’âne combinés en un héroïque concert. Un doute affreux lui traverse l’esprit. Le farouche châtelain, leur hôte, les aurait-il fait traîtreusement assassiner? Il heurte. à l’huis du castel, mais rien ne lui répond. Il va faire enfoncer la grand’porte à coups de crosse. Mais soudain une poterne s’ouvre, par laquelle deux chevaliers du moyen âge, assez embarrassés de leur accoutrement de fer, se glissent comme honteux d’eux-mêmes. Ineffable toupet! ils viennent prendre la place du commandement à la tête du premier et du troisième peloton de la compagnie qui attend l’arme au pied.

–Portez armes! dit une voix sortant assez mal d’un casque à grillage.

–Portez armes! répète une seconde voix s’exhalant plus péniblement encore d’un casque à charnière.

–Trahison! arrêtez ces deux rebelles! s’écrie le capitaine Massepain hors de lui et s’imaginant que ce sont deux chefs de la conspiration légitimiste qui essayent d’embaucher ses troupes.

On se précipite sur les deux nouveaux venus.

–Pas de bêtise! c’est moi! hurle le pauvre Hautbridé derrière son treillis.

–Ne me frappez pas! c’est moi! clame le malheureux Vessencœur en se débattant contre les boucles d’airain de sa coiffure.

Le capitaine Massepain est de plus en plus abasourdi. C’était bien simple pourtant. Au moment où la trompette et le tambour les avaient conjointement appelés, le lieutenant et le sous-lieutenant s’étaient élancés de l’appartement occupé par la candide Olympe et par la chaste Gabrielle, pour revêtir à la hâte leurs habits militaires; mais ils avaient trouvé la porte de leur chambre fermée et sans clef. Se rendre en chemise à la tète de leur peloton respectif était terriblement compromettant pour ces dames. Après s’être donnés à tous les diables, ils avaient déniché, dans la salle d’armes, les deux armures du glorieux aïeul Isolin et de l’ineffable grand-oncle Tutu, et, en désespoir de cause, avaient préféré les revêtir que de passer pour déserteurs à l’heure du danger.

Cependant le temps pressait.

–En avant! «Harche!» dit le capitaine Massepain sans demander plus d’explications; et l’on vit le singulier spectacle d’une compagnie de soldats habillés comme ceux d’Horace Vernet dans les tableaux de Versailles et que commandaient deux officiers vêtus comme Bayard et Du Guesclin. Je dis: l’on vit, parce que l’aube était venue. En se trouvant en face de cette mascarade, les pauvres paysans insurgés, ne comprenant rien à ce méli-mélo, se sauvèrent sans coup férir. Ce fut le salut de cette belle contrée, qui vraisemblablement, sans cet accident, eût été ensanglantée une fois de plus par la guerre civile. Seule, damoiselle Yolande ne s’est pas encore bien expliqué la chose et demeure convaincue que, convertis par elle, le lieutenant Hautbridé et le sous-lieutenant Vessencœur étaient partis à la conquête du saint sépulcre et ont été arrêtés en route par des mécréans. Et la candide Olympe? Et la chaste Gabrielle?. Elles se sont mariées tout de même et–chose inattendue de la part de deux personnes si sages–elles ont fait leurs maris cocus. C’est la grâce que je vous souhaite, mes bons amis, si ce récit n’est pas de votre goût.

Histoires belles et honnestes

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