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III

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–Des Etoupettes, continua le commandant avec gravité, était de la même promotion que moi. Nous avions tout de suite soupçonné quelque chose de particulier dans sa personne, à la persistance qu’il avait mise en demandant à subir à part l’épreuve de la révision qui complète l’examen pour Saint-Cyr. Nous nous étions cependant laissé persuader qu’il n’avait obéi en cette circonstance qu’à un sentiment de pudeur justifié par son éducation cléricale. Jolie, l’éducation cléricale! Il n’y avait pas trois ans que le drôle était au régiment qu’il avait pris une maîtresse comme tout le monde. Nous étions alors en garnison à Valence.

–Je m’en souviens à merveille, fit le général Honoré Leloup; j’y étais lieutenant-colonel.

–Quand je dis: une maîtresse comme tout le monde, je mens. Car tandis que nous aimions franchement et au nez vermillon du soleil les premières gaupes venues, promenant gaiement nos faciles conquêtes par les faubourgs, comme de joyeux hommes d’armes, lui, Guy des Etoupettes, cachait hypocritement son bonheur et ne s’introduisait que mystérieusement chez sa bien-aimée. C’est ce qui nous enrageait, le lieutenant Voiron et moi, les deux plus farceurs du régiment. Car nous en étions toujours sur les hypothèses au sujet de la curiosité physique que notre camarade pouvait avoir intérêt à cacher et que sa maîtresse eût pu nous révéler mieux que personne. Nous avions fait cependant, à ce sujet, une nouvelle remarque, deux remarques même. Le lieutenant des Etoupettes portait toujours des pantalons fort larges; mais ce pouvait être affaire de goût chez lui. De plus, il se courbait beaucoup en montant à cheval: mais cela tenait peut-être à sa haute taille dégingandée. Enfin, nous avions beau chercher, nous supposions toujours et nous ne trouvions pas. Une fois cependant des Etoupettes eut un duel; on se battit nu jusqu’à la ceinture et nous pûmes constater que la partie supérieure de son corps était comme celle de tout le monde. C’était donc plus bas, s’il y avait quelque chose. Cette maudite femme, seule, aurait pu tout nous dire. Mais elle-même semblait se cacher et vivait solitairement dans une petite maison de campagne, à un kilomètre de la ville, sur la route du Dauphiné.

Le commandant s’interrompit pour se moucher bruyamment. Qui eût regardé alors la face ordinairement béate et joviale du général baron Honoré Leloup de la Pétardière y eût remarqué une singulière expression d’inquiétude, de malaise et de curiosité.

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