Читать книгу Histoires belles et honnestes - Armand Silvestre - Страница 26
VI
ОглавлениеAvez-vous vu quelquefois, par une belle nuit d’été, la lune, en son cours majestueux, effleurer la surface d’un grand lac aux eaux calmes et rêveuses? C’est un des plus admirables spectacles de la nature, et je n’hésite pas à croire que c’est lui qui a inspiré la fable charmante de Diane descendant dans la profondeur transparente des eaux, à l’heure où l’indiscret Actéon épiait les moindres mouvements du corps lumineux de la divine chasseresse. A l’instant où l’astre semble toucher l’eau, jaillit de celle-ci un microcosme d’étincelles, et, de petites vagues de clarté courent, comme des feux follets, sur les rides insensibles jusque-là du flot. Ainsi, le beurre en ébullition salua, par un petit feu d’artifice, la descente des bas-reins à nu de Mme la comtesse dans la poêle rouge qu’elle n’avait pas vue, tant elle s’était pressée de retrousser ses jupes pour s’asseoir sur le siège libérateur. Un grand cri retentit, non pas dans Ramah, mais dans la maison, et la malheureuse femme, horriblement brûlée au derrière, s’étant élancée au travers de l’appartement, y courait comme une insensée, tandis que les fines dentelles de son pantalon, ayant pris feu au fer incandescent, lui grillaient les cuisses avec une suave odeur de rôti. M. le comte éperdu avait couru au bouton électrique. Mais il n’y avait pas encore posé le doigt, que déjà un pompier, coiffé de son casque et sanglé de sa ceinture à anneau, éteignait dans ses bras l’incendie des faux-filets de dame Hildegarde. C’était le généreux Lancelot qui avait résolûment bravé le danger de signaler sa présence pour obéir au mâle appel du devoir. Bien lui en prit. M. de Ratafoison, enthousiasmé, signala à l’attention de ses supérieurs le militaire précieux qui devançait le signal pour s’élancer au combat, ce pompier intelligent qui devinait le péril avant qu’il lui fût signalé. M. de ltatafoison a le bras long et Lancelot sera caporal cette année. Il arrosera ses galons avec Odile, n’en doutez pas. Et la pauvre comtesse? Eh bien, depuis ce jour-là, par ordonnance du médecin, elle porte une culotte de purée de pommes de terre et de confiture de groseille. Ce sont deux choses que j’aime infiniment, mais pas ensemble, et présentées sur un autre assiette.
Mes excuses aux gens sérieux.