Читать книгу Histoires belles et honnestes - Armand Silvestre - Страница 6
I
ОглавлениеJe suis, par principe, pour les actualités rétrospectives. La belle affaire que de nous parler toujours du présent! Comme si ce n’était pas assez d’être condamné à le voir, sans qu’on nous en rebatte les oreilles. A la bonne heure le passé dont d’autres que nous ont souffert, puisque le secret des ennuis que l’avenir réserve à nos petits-neveux demeure voilé d’un impénétrable mystère! D’ailleurs, ce qui était vrai hier peut l’être encore demain. Les événements ont leur logique et il suffit de mettre les choses dans le même état et les hommes sous les mêmes impressions pour que d’identiques événements se reproduisent. Ainsi dans la cornue du chimiste le mélange des mêmes éléments aboutit à un invariable précipité. C’est donc, si vous y consentez, en1833, que se passera l’aventure dont je me fais le narrateur. Comme beaucoup d’entre vous, mesdames, étaient encore à l’état de projets, en ce temps-là, je me permettrai de vous rappeler que le roi Louis-Philippe y était assez mal affermi sur son trône, les partisans de l’ancienne monarchie, d’une part, et les partisans d’aucune monarchie, de l’autre, taillant un tas de croupières à son gouvernement. Les environs de Montpellier étaient particulièrement hantés par les conspirateurs du drapeau blanc; mais le plus redouté de tous, au moins dans les rapports de messieurs les sous-préfets, c’était un certain chevalier Godefroid de Gâteux-Courdesac, dont le castel dominait les coteaux de Montélimar, déjà célèbre par ses nougats. Ce Gâteux-Courdesac était un terrible gentilhomme, grand chasseur devant l’Éternel, ayant auprès de lui une vieille sœur ridicule répondant au nom de damoiselle Yolande et deux nièces charmantes, Olympe et Gabrielle. Il vivait très entouré des souvenirs de ses aïeux, lesquels avaient, aux temps féodaux, rendu le pays à peu près inhabitable, ce qui lui permettait de compter sur la reconnaissance populaire pour l’accomplissement de ses pieux desseins.