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I

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Memento ut diem m sabbati sanctifices.

C’était un samedi soir, dans l’un de ces chantiers de construction maritime qui bordent la grève, entre Sainte-Adresse et le Havre.

Les derniers rayons d’un resplendissant soleil d’été, qui bientôt allait disparaître à l’horizon, embrasaient le ciel, empourpraient la mer, et venaient allumer de rougeâtres reflets sur le sable, parmi les galets, jusque dans les vitres flamboyantes des quelques masures voisines. Temps calme, silence profond, délicieuse soirée, bien que la chaleur fût grande encore.

Aussi les ouvriers travaillaient-ils mollement comme au déclin d’une fatigante journée dont le lendemain doit être un jour de repos, sinon de plaisir.

L’un d’entre eux cependant, un charpentier, se distinguait par sa consciencieuse ardeur à la besogne.–

C’était presque un vieillard, mais un vieillard alerte et de joyeuse humeur. Ses cheveux, déjà tout blancs, formaient une sorte de frange à son grand front chauve, et faisaient davantage encore ressortir la teinte bronzée de son mâle visage. Ses bras nus, sa large et musculeuse poitrine, que permettait de voir la chemise entr’ouverte, attestaient la force et la santé; son air de bonh0mie narquoise, son clair regard, son franc sourire, annonçaient un honnête homme, un homme heureux.

Par intervalle, cependant, une certaine inquiétude, mêlée d’impatience, se lisait sur ses traits. Il se redressait un instant, et regardait du côté de la ville. Puis, après un soupir, il se remettait au travail. On eût dit qu’il attendait quelqu’un.

Non loin de là, ses camarades organisaient une partie de plaisir pour le lendemain. et le surlendemain peut-être.

,–Dites donc, père Jaques, questionna tout à coup l’un d’eux, pourquoi donc que vous travaillez toujours le lundi?. Pourquoi donc que vous ne nopcez pas même le dimanche?

–Le dimanche appartient à Dieuu! répliqua le vieil artisan avec une sorte d’austérité naïve.

–Soit! fit l’autre, on sait que vous avez de la religion, monsieur Jacques Renaud; mais le bon Dieu permet les lundis…

–Mes lundis!. se récria le vieillard avec unee expression étrange, oh ! oh !… mes lundis à moi...

Mais, s’interrompant tout à coup comme s’il eût craint de révéler un secret:

–Suffit!… Je m’entends… conclut-il.

–Ce n’est pas une réponse! se récrièrent plusieurs voix.

–Il vous en faut une autre?… Attendez!

Jacques Renaud alla chercher dans la poche de sa veste un lambeau de journal qui, selon toute apparence, avait enveloppé sa frugale collation de l’après-midi.

Il l’avait lu par hasard, et précieusement conservé comme des plus instructifs.

–Tiens!… dit-il en indiquant l’article en question au plus jeune de ses interlocuteurs, tiens… lis cela, Guillaume… et lis tout haut… ce sera ma réponse.

Guillaume était le lecteur du chantier. Sans se faire prier, il prit le fragment, le repassa d’un revers de manche et, doctoralement, commença ainsi:

«L’ouvrier qui ne travaille pas le lundi, indépendamment de sa journée qu’il perd, fait des dépenses inutiles. Pour ne rien exagérer, estimons à quatre francs la porte de temps et les dépenses de ce chômage hebdomadaire. Comme il y a cinquante-deux semaines dans l’année, cela fait208fr. par an, qui, multipliés par quarante,–moyenne ordinaire des années de travail,–donnent pour résultat une perte de 8,520fr. Or, toute somme se double par les intérêts au bout de quatorze ans; cette même somme, placée tous les mois à la CAISSE D’ÉPARGNE, aurait produit à l’ouvrier25,864fr., capital plus que suffisant pour garantir sa vieillesse de la misère et qu’il laisserait après sa mort à ses enfants, comme un souvenir de son affection pour eux et comme un exemple à suivre.»

A la suite de cette démonstration si catégorique, il y eut un silence.

–Voilà! conclut Jacques.

Ce mot, ce seul mot, sembla rompre le charme qui retenait tous les ouvriers béants et pensifs.

–Allons donc! se récrièrent-ils à qui mieux mieux, allons donc! c’est pas possible. Est-ce qu’il ne faut pas se donner un peu de bon temps? Est-ce qu’il ne survient pas toujours une circonstance, une ambition, qui empêche qu’on ne puisse thésauriser ainsi ses économies? Est-ce que toi-même, Jacques, tu n’as pas fondu toutes les tiennes pour éduquer ton garçon, pour en faire un monsieur, un moderne?

–C’est vrai, reconnut le père Renaud. Cependant.

Il s’interrompit pour la seconde fois, et changeant tout aussitôt de Lon, de physionomie, d’allures:

–Parlons plus de ça! fit-il, voici mon fils qui vient là-bas… faut que je lui cause.

Il courait à la rencontre d’un jeune homme qui venait d’apparaître au détour du chemin.

La loi de Dieu

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