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V

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Cinq années se passèrent,

J’étais en Afrique, je venais d’être décoré, j’étais sergent-major, lorsque deux lettres m’arrivèrent presque simultanément… deux lettres cachetées de noir.

La première m’annonçait la mort du père Penhoël, la seconde celle de mon oncle Kerkadec. J’étais riche maintenant, je pouvais être libre.

Je m’empressai de retourner à Saint-Malo. Oh! comme le cœur me battait en rentrant dans la maison d’Yvonne!

Sous son vêtement noir, elle était plus belle encore; elle m’accueillit avec un sourire plein de tendresse, mais dont cependant la grave mélancolie me frappa.

–Ma promise, lui dis-je en m’agenouillant devant elle,–ma fiancée… ma femme!

Pour toute réponse, elle me montra sa robe noire.

–A l’expiration de votre deuil, répondis-je, nous nous marierons, Yvonne?

–Je l’ai promis à mon père expirant, murmurat-elle, et je tiendrai ma promesse.

Les jours suivants, elle me renouvela la même assurance. Et cependant il y avait dans son regard, dans son attitude, quelque chose de plus en plus étrange.

On eût dit que son âme se détachait des choses terrestres, que ses yeux cherchaient à l’horizon comme un monde invisible. Elle avait la pâleur et presque l’immobilité d’une statue de marbre; elle semblait plongée dans une sorte d’extase.

Etonné, inquiet, je lui fis l’aveu de mes craintes, je la suppliai de s’expliquer franchement.

–Ce n’est rien…, rien, dit-elle, j’ai l’âme encore tout attristée.

–Mais, répondis-je, il sera bientôt temps de reparler mariage.

Et, lui prenant la main, j’y mis un baiser.

Au contact de mes lèvres, elle frissonna. Un douloureux pressentiment m’étreignit le cœur, je m’écriai:

–Yvonne… ah!… vous ne m’aimez plus, Yvonne!

Elle me regarda tout étonnée, Puis, voyant que je pleurais à ses genoux, elle m’embrassa au front, elle s’enfuit.

Tout.cela devenait de plus en plus alarmant, de plus en plus incompréhensible. Une fiévreuse angoisse, un morne chagrin, s’emparèrent de moi. Yvonne s’en aperçut; elle s’efforça de redevenir ce qu’elle était autrefois, affectueuse et souriante.

Le dernier mois de son deuil s’écoula ainsi.

–Faut-il faire publier nos bans? demandai-je enfin.

–Ami, répondit-elle, attendons qu’il m’arrive une lettre de mes deux frères qui sont là-bas, en Chine… Voici plus d’une année que je n’ai reçu de leurs nouvelles.

–Cependant, murmurai-je, si ce retard devait se prolonger longtemps encore…

–Non! intorrompit-elle avec un accent convaincu, ne craignez pas cela, eu sera bientôt..; quelque chose me le dit là. un de ces pressentiments du cœur qui ne trompent jamais.

J’insistai néanmoins. Yvonne me supplia de ne pas lui refuser ce délai suprême, elle me le demandait avec des larmes dans les yeux, à mains jointes. Je me résignai. Hélas! je n’attendis pas longtemps. Le lendemain soir, comme j’arrivais à la maison d’Yvonne, j’en vis sortir un auguste prélat, l’évêque de Rennes-

J’entrai vivement, j’aperçus Yvonne agenouillée non loin du seuil, et pâle comme une morte. A plusieurs reprises je voulus l’interroger, mais vainement; elle semblait ne pas m’entendre. Enfin, je lui touchai l’épaule.

Elle releva les yeux, me reconnut, se redressa lentement, me fit asseoir dans le grand fauteuil du père Penhoël et me dit:

–Ecoutez… ce que je viens d’apprendre et ce que j’ai résolu. J’espère que vous me comprendrez, mon ami… je l’espère.

Voici, ou du moins à peu près, ce qu’Yvonne me raconta.

La loi de Dieu

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