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Imperfection de l’enfant à la naissance; — son impuissance.

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L’homme n’est pas développé au moment de sa naissance; il l’est moins que la plupart des animaux. Quoiqu’il ait subi un long séjour dans le sein maternel, la durée et l’excellence de cette sorte d’incubation n’a point hâté son développement. Une telle lenteur dans sa marche perfectible ne se comprend que sous le point de vue téléologique; c’est-à-dire qu’en raison du but éloigné, mais certain, de haute perfection qu’il doit atteindre, l’homme coûte plus de temps et d’efforts à la puissance organisatrice de la nature.

En datant notre vie du jour de la naissance, nous laissons hors de compte la vie embryonaire; nous nous donnons ainsi pour plus jeunes que nous ne sommes, de tout le temps passé dans le sein maternel; la vie embryonaire était la première période de notre existence, c’était une préparation à la vie réelle. Mais entre ces deux conditions il y a une grande différence, et, quoique l’organisation y soit préparée, jamais dans le cours de la vie elle n’aura à subir d’aussi brusques et d’aussi grandes métamorphoses que celle qui s’est opérée au moment de naître.

L’enfant est jeté au monde violemment; s’il est passif dans cet acte, cela veut dire qu’il n’unit pas ses efforts à ceux de sa mère, mais il supporte toute la pression du travail de l’enfantement, et la violence qu’il en éprouve serait assez grave pour occasionner sa mort, si elle devait être longtemps prolongée.

A ce moment, des fonctions étrangères à la vie intra-utérine s’établissent dans les cavités viscérales; la respiration se développe dans la poitrine; dans la tête, les organes sensoriels s’ouvrent au monde, et absorbent les aliments de la sensation; l’absorption nutritive va s’établir sur l’estomac et le canal digestif. C’est là sans doute un mouvement de progression, l’effet accompli d’une tendance primordiale préparée d’avance dans l’ombre de la vie embryonaire, mais la réalisation en est brusque, et le reste de la vie n’en offrira pas un autre exemple.

Les caractères que l’enfant présente dans les premiers jours de la vie n’ont rien encore d’arrêté ; ils sont transitoires et tracés dans une direction générale calculée en vue des âges subséquents; c’est ainsi qu’on peut saisir en lui les germes d’une ressemblance plutôt que cette ressemblance elle-même, et que les diverses parties de son corps, quoiqu’identiques à celles de l’homme, offrent un autre ordre de proportion entre elles. Le volume énorme de la tête, la brièveté du cou, l’étendue de l’abdomen et l’exiguïté du thorax, contrastent avec l’harmonie de ces mêmes parties chez l’adulte; enfin l’incurvation du tronc et le peu de développement des membres en font un être si peu avancé qu’on se demande, à son aspect, ce qu’il pourra par lui-même, et ce qu’il attend du secours des autres.

Après la naissance, la vie a besoin d’air, de nourriture, de chaleur et d’abri.

L’enfant est au milieu de toutes ces conditions, mais l’air est la seule chose qu’il puisse s’approprier de lui-même. Ce fait que nous remarquons, et la profusion avec laquelle la nature a répandu l’air sur toute la surface du globe, attestent assez qu’il est la première condition de la vie. L’enfant rencontre dans l’atmosphère une première création en harmonie avec ses organes. Respirer est son premier acte de spontanéité, c’est par là qu’il prend possession du monde extérieur, c’est le premier usage des forces animales développées en lui pour atteindre un but, la conservation de soi-même.

L’air, en pénétrant dans les cavités nasales, et peut-être aussi la lumière, y déterminent des éternuments qui débarrassent le nez des mucosités; l’accès de l’air en devient de plus en plus facile, et l’enfant acquiert dès lors la faculté de téter et de respirer à la fois. Par les efforts des premières respirations, la voussure thoracique se soulève, les poumons se développent, mais le larynx et la trachée-artère attendent un ordre d’excitations plus tardives; leur étroitesse rend la respiration du nouveau-né bruyante; elle reste ainsi marquée d’une sorte d’imperfection qui expose les organes respiratoires à des maladies que l’on ne retrouve pas dans l’âge adulte. Pour le moment, relativement à la condition physiologique, la respiration brûle moins d’oxygène, et la faculté de produire de la chaleur est faible; elle est insuffisante quand l’enfant n’est pas à terme, et, dans toute circonstance, elle laisse l’enfant, sous ce premier rapport, dans la dépendance de sa mère. — C’est donc la mère qui veillera à le réchauffer en le tenant pressé contre son sein; c’est elle qui prendra soin de lui préparer des langes pour conserver sa chaleur naturelle, des drapeaux pour absorber l’humidité de son corps; elle entretiendra autour de lui une douce température qui soit en aide à celle dont il est lui-même le foyer.

Suivant J. Davy, la chaleur d’un enfant nouveau-né n’est d’abord que de 27 à 28 degrés (Réaumur), elle est même de 25 ou 26 chez les enfants débiles et non à terme. Aussi la mortalité est-elle plus considérable en hiver qu’en été, à l’égard des trois premiers mois de la vie.

Dès que l’enfant a triomphé des étreintes du part et du trouble qu’excitent en lui les impressions de l’air et de la lumière; dès qu’il repose dans celle couche molle et tiède que lui a préparée la prévoyance maternelle, il se calme, il s’endort, il retombe dans cet état de vie embryonaire dont il vient de sortir. La respiration seule, fonction toute involontaire, se balance au contact de l’atmosphère, et le nouveau-né manifeste son bien-être par le sommeil.

Cependant l’enfant, en se séparant de sa mère, a cessé de jouir de cette nutrition non interrompue qu’il puisait dans le sang maternel par le placenta et son cordon ombilical. Cette source est perdue pour lui, et l’absorption nutritive s’est transportée sur une autre surface; c’est là qu’après une pause de quelques heures le besoin de se nourrir va se faire sentir pour la première fois. Le sentiment de la faim et de la soif, également nouveau, arrache l’enfant à cet oubli de lui-même, et amène la cessation du sommeil; il s’éveille, il crie. La tendresse maternelle va répondre à cet appel et lui offrir son premier présent. C’est alors qu’il va trouver de la joie à humecter sa bouche d’une liqueur douce et sucrée qu’il puisera au sein sur lequel sa tête reposait mollement; c’est là la première jouissance que la vie lui donne au prix d’un premier besoin. Première peine éprouvée à son début, aussitôt effacée par une douce et première compensation!

L’enfant, rassasié, s’endort de nouveau; au sein de ce sentiment de bien-être que produit la satiété, il semble retourner à cette vie d’isolement qui était son état normal dans le sein maternel, et dont l’organisme n’a point encore dépouillé l’habitude; il en sortira toutes les fois que le besoin de nourriture reviendra troubler de nouveau sa quiétude.

Les premiers jours s’écoulent ainsi: à mesure qu’à plusieurs reprises il revient à satisfaire ce besoin, le sentiment obscur d’un développement de force se révèle à lui, il en distingue le but et le résultat. Les mouvements de la langue et des lèvres indiquent qu’il rêve le sein, il crie pour le demander; le sommeil si prolongé devient plus court; les organes des sens, éveillés à leur tour, supportent mieux le conflit des choses extérieures, et si l’observateur est attentif, il va assister au développement de la vie morale de l’enfant.

Dans les premières semaines, le sommeil dominera; il est coupé par des heures ou des demi-heures de réveil; ce n’est pas avant le sixième mois que l’enfant pourra rester éveillé huit heures à des intervalles divers, et jusque-là il en consacrera toujours plus de seize à dormir; il n’existe encore nulle harmonie entre le repos de la nature et le sien; son long sommeil et les instants de réveil enjambent sur la succession des jours et des nuits; ce désordre, par comparaison avec les habitudes de l’âge adulte, met à l’épreuve le dévoûment des nourrices et des mères trop faibles pour lutter avec la fatigue du nourrissage.

Traité sur l'éducation physique des enfants

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