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XX

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Un fanatisme nouveau, sans foi.

Je vous trouve plaisant de m’accuser de ne plus croire. Vous me plaignez, comme si c’était là une infirmité ; et après m’avoir plaint, vous me condamnez, comme si c’était un crime. Je suis, dites-vous, un sceptique, un libertin, un impie, parce que je ne crois pas en Jupiter, en la bonne déesse, ni au bœuf Apis. De ma condamnation vous passez à celle du siècle. Vous déclarez qu’il est perdu, car il n’a plus de piété pour Sérapis, pour Hercule.

Mais n’est-ce pas la faute des dieux, si les hommes ont perdu la piété ?

Pourquoi m’ont-ils laissé voir les absurdités de l’Olympe? Quoi! parce que les absurdités sont palpables, je suis un malheureux de ne plus les vénérer? Vous m’annoncez que je resterai sans repos, aussi longtemps que je n’inclinerai pas ma raison devant les douze dieux?

La pierre philosophale de notre temps: accord du dogme et de la philosophie.

La Belgique, aux trois quarts hérétique au seizième siècle, n’a pu être ramenée à notre divine religion que par la force sanctifiante du fer, du feu, de la corde et de la fosse. Quand on eut noyé dans le sang tout ce qui prétendait avoir une pensée, que les hiboux peuplèrent les villes et que les hommes en eurent disparu, ce fut bien force à l’hérésie de se taire et de s’humilier aux. pieds de notre auguste orthodoxie.

Comment l’homme a-t-il pu revenir à la légende dorée? Est-ce une chute, un dégoût, un accès d’humeur contre le bon sens? Est-ce peur? Tous. ces beaux fils qui maudissent la raison!

Quel effort immense pour rétrécir le cerveau, le déformer!

Comment, après avoir ébloui et gouverné le monde, l’esprit français, d’hypocrisies en hypocrisies, en est-il venu à se traîner à plat ventre devant toutes les momeries d’Egypte?

Dernière phase des religions. On ne dit plus le Christianisme, mais le Catholicisme. Non plus Dieu, mais le Pape. Qu’est-ce en somme? La haine divinisée de la Révolution française. Dans cette nouvelle théologie fanatique, je retrouve toujours la peur divinisée de la Révolution.

Comme le monde fatigué, usé se jette dans la servitude politique, il se jette de même dans la servilité religieuse.

La France rentre dans le système des peuples du midi de l’Europe et de l’Amérique: Espagnols, Napolitains, Italiens de la décadence.

Frères, il faut mourir!

Hommes qui n’ont plus la foi et qui pourtant ont gardé le tempérament du fanatisme.

Jusqu’à présent l’esprit a commencé à souffler sur les eaux, avant qu’il en sortît un monde. Aujourd’hui nous avons l’air d’attendre une création qui sorte du néant, sans que l’esprit ni le corps s’en mêlent.

Depuis l’évanouissement de l’esprit français, le monde marche-t-il à cette affreuse simplification annoncée par les poëtes: une Europe russe, un continent américain resté libre?

Epreuve. L’esprit achèvera de mourir sans phrases, ou il renaîtra dans sa magnificence première.

Le livre de l'exilé, 1851-1870

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