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LOUIS BERTRAND

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La plume de M. Louis Bertrand est un pinceau; ses pages sont des paysages étincelants de lumière, ses livres sont des cartons de peintre harmonieux et coloriste. On chercherait vainement dans ses ouvrages les frais pâturages, comme en Normandie; les neigeuses vallées, comme dans les Alpes. Cet écrivain-paysagiste a adopté exclusivement les chauds rivages de la Méditerranée, mais de toute la Méditerranée. Il promène sa palette de Barcelone à Alger, d’Égypte à Constantinople, de la Palestine en Grèce. Il flâne le long de la mer, les yeux toujours en quête de promontoires dorés sur l’eau bleue, de murailles blanches sous la verdure des palmiers, de ruines dressant leurs silhouettes élégantes sur les sommets, de panoramas aux lointains de gaze. Et soudain il s’arrête, campe son attirail d’artiste et couvre sa toile de couleurs si belles, si exactes, que l’œuvre reflète le modèle, comme l’eau paisible les bords d’un golfe.

Partout il travaille avec cette passion de l’artiste qui comprend l’âme de la nature; mais l’Afrique romaine et la Palestine l’enthousiasment plus que toute autre contrée. Les ruines d’Algérie et de Tunisie lui apparaissent toujours vivantes, alors qu’ailleurs elles lui ont paru de simples pièces de musée. Elles sont vivantes à ses yeux, parce que «le peuple qui circule autour d’elles perpétue, sans le savoir, les gestes et les pensées des hommes anciens qui en ont jeté les fondements, parce que d’elles à lui il y a comme une pénétration réciproque et mystérieuse, une harmonie extérieure et tout de suite saisissable, que le temps n’a pu abolir».

Tandis que dans l’Europe latine il ne reste plus rien des vêtements que portaient les habitants de Carthage, d’Hippone, de Timgad, de Cherchell, de Lambesc, de Tipasa, les nomades drapés de burnous blancs rappellent là-bas la gens togata.Dans les pans de murs à demi écroulés, tout le passé ressuscite et s’agite sous le regard du voyageur. La taverne, l’uncta popina des Satires d’Horace s’orne de guirlandes et répand ses relents de cuisine. La clientèle pénètre dans la boutique du barbier pour écouter les nouvelles des conteurs de carrefours. Les mimes gesticulent leurs bouffonneries dans les rues, dont les dalles sont encore intactes. Sur ces dalles, M. Louis Bertrand entend résonner le sabot de l’âne rusé d’Apulée.

En Palestine, l’aspect désolé et le morne silence deviennent pour ce peintre un sommeil plein de rêves du passé. La mer Morte n’est plus le bas-fond, au renom sinistre, que les voyageurs ont propagé. Le soir où Chateaubriand arrivait sur ses bords, il était trop épuisé de fatigue pour la bien juger. Notre auteur, lui, se laisse bercer par les rêves qui redonnent à cette désolation la fraîcheur et la verdure qui en faisaient un paradis terrestre aux premiers siècles de la Bible; à cette solitude où, bien plus tard, au commencement de notre ère, Hérode bâtissait ses résidences favorites; où Cléopâtre se plaisait, au point de n’en vouloir partir; à ce désert qui fut un lieu de plaisir et qui le redeviendra, sous la charrue des futurs colons.

En examinant tous ces jolis tableaux, nous n’avons eu que l’embarras du choix pour en offrir à nos lecteurs.

Explorateurs et terres lointaines

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