Читать книгу Explorateurs et terres lointaines - Henri Méhier de Mathuisieulx - Страница 15
CHERCHELL
ОглавлениеLe soleil se couchait. Sous les teintes vermeilles de la lumière décomposée, la végétation des vignes, des cyprès et des pins en parasol qui s’étagent tout le long des hauteurs avoisinantes, semblait revêtir Cherchell et sa campagne d’une paroi de métal poli, un métal où se fussent confondues toutes les patines du bronze et toutes les rutilances de l’or. Dans cette coulée de verdure aux tons opulents et chauds, les moindres feuilles se détachaient, précoces et brillantes, ainsi qu’en un travail d’orfèvrerie. Mais rien n’était suave, à la crête des collines, comme les cimes rondes des pins, courbés sur l’abîme du ciel crépusculaire, grand miroir verdâtre au rayonnement mélancolique, où, parmi des rousseurs ardentes, vibrait une poussière d’atomes lumineux.
De ces coteaux éclairés par les rayons du soleil oblique, comme d’un espalier d’émeraude, des reflets dorés ruisselaient jusqu’au milieu de la route, sur les arbustes des jardins, les façades des petites villas.
Ces haies fleuries de roses offraient une autre merveille. Elles étaient tellement alourdies de corolles, de boutons en grappes, qu’on eût dit une double file de reposoirs drapés de mousseline et surchargés de bouquets. Des pétales s’envolaient aux brises.
Nous allions ainsi, parmi les fleurs printanières et les lueurs épanouies du couchant. La glace unie de la mer réfléchissait les couleurs du ciel avec une insolite magnificence. La mer était adorable en cette minute. C’était une étoffe de rêve, une vaste moire miraculeuse qui eût emprunté aux pierres et aux métaux les plus rares leurs scintillations et leurs transparences, et qui eût pris à toutes les aubes et à tous les levers de lune l’enchantement de leurs clartés les plus irréelles. Sur le bord, elle avait le luisant et les phosphorescences de la nacre. Au large frissonnait une nappe diffuse, d’un mauve indéfinissable, où se mêlait le gris tendre des perles et le bleu spectral des lampes électriques au moment où elles s’allument.
Ce paysage, je l’embrassais tout entier, depuis le cap Tenès jusqu’au promontoire du Chénoa, avec sa mer et ses coteaux, ses reposoirs fleuris de roses, ses vignes, ses cyprès et ses pins, toute l’élégante végétation des rivages méditerranéens.
Le lendemain j’errais sur les murs des Thermes, parmi les mosaïques décolorées qui racontent les triomphes des anciens dieux.
Ici même, il y a dix-sept siècles, des jeunes gens élevés par les rhéteurs de Rome songeaient comme moi, les yeux tournés vers le rivage; et leurs esprits, nourris des mêmes poètes, caressaient sans doute des images pareilles. Assis sur les bancs en hémicycle ou sur les cathèdres de marbre qui bordaient la terrasse, ils se récitaient des vers de Virgile.
Timgad (Algérie. — Vue d’ensemble des ruines romaines,prise du haut du théâtre. (Phot. Neurdein.)
Il y a dix-sept siècles, la mer n’était pas plus belle, plus harmonieuse.