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IX

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Table des matières

Si la joie était grande dans Hennebon, le découragement avait gagné les assiégeants; messire Louis d’Espagne appela son conseil:

«Nous perdons notre temps ici, dit-il, la comtesse ne se rendra jamais, et messire Gautier est le plus enragé jouteur qui oncques ait existé. Je l’ai déjà connu en Hainaut, avant qu’il fût au service du roi Édouard, et n’aime point à le voir en face de moi, quand je veux être assuré de la partie. Mieux vaut aller aider monseigneur qui est toujours devant Auray»

Les seigneurs français furent tous de cet avis, et l’ordre fut donné de faire les préparatifs du départ. Il n’y avait point de tentes à lever ni à plier, et les mules du train étaient moins chargées qu’à l’arrivée.

«Pour être demeurés céans si longtemps, nous n’emportons guère de butin, disaient les soldats, et nos seigneurs n’ont pas tant de bagages qu’après Rennes. Quand prendrons-nous une place d’assaut et qu’on livre au pillage?»

Du haut des remparts, toute la population d’Hennebon contemplait avec transport la retraite de l’ennemi, les femmes riaient, les hommes se moquaient, les enfants injuriaient les soldats et les valets du camp: les chevaliers anglais, graves et silencieux, regardaient défiler leurs adversaires; Gautier de Manny se retourna vers la comtesse dont les yeux lançaient des éclairs de triomphe.

«Ci, ils ont bien combattu, dit-il, et plus loin ils seront sans doute plus heureux. Vous devriez être en toutes vos places, madame, nul ne faiblirait devant vous; mais je crains pour les villes où les bourgeois sont riches et en grand nombre, ils écoutent volontiers aux propositions d’accommodement.

— Les bourgeois sont des manants! dit Jeanne avec un mépris hautain, que ne partageait pas le chevalier anglais.

— Nenni, madame, dit-il en riant, mais ils savent compter mieux que nous, et n’ayant point de gloire à acquérir, ils gardent leur bourse et leur corps, ce qui n’est que nature; messire Louis leur va faire payer son échec.»

Gautier de Manny ne s’était pas trompé : Dinan, Guérande, Vannes se rendirent à Louis d’Espagne ou à Charles de Blois; ce dernier faisait le siège de Carhaix lorsque Gautier de Manny dit à la comtesse:

«Or, madame, nous ne sommes pas venus céans pour rester en un château; avec votre grâce, nous pourrions laisser dedans si forte garnison qu’on ne vous pût enlever d’un coup de main et nous irions chevaucher par le pays pour reprendre quelques places et forteresses et faire un peu de mal à l’ennemi. »

Jeanne sourit.

«Si vous en donnerai-je trop volontiers congé, messires, dit-elle, et voudrais pouvoir aller avec vous.»

Odette n’était pas aussi satisfaite que la comtesse; Aubry avait demandé à messire Gautier de l’emmener avec lui dans sa chevauchée; le chevalier anglais l’avait regardé.

«Tu as bonne mine et ton bras doit être solide, avait-il dit; si tu as le cœur bon, tu peux venir avec moi.

— Demandez à mon capitaine,» dit Aubry en rougissant.

Le sénéchal fit l’éloge de l’homme d’armes.

«C’est le meilleur de nos soldats, dit il; si j’étais sage, je ne le laisserais aller; mais il voudrait, pour sa vie, accomplir quelque action d’éclat afin d’obtenir sa franchise, et d’épouser une jeune fille de la suite de madame.»

Gautier de Manny sourit sous sa moustache.

«Nous verrons à l’y aider,» dit-il brièvement.

Et quand Aubry vint le trouver en son logis pour savoir sa décision: «Tâche de te trouver toujours derrière moi, lui dit le bon chevalier, et au retour, c’est moi qui te marierai, homme libre et enrichi, quand ce serait de ma bourse.»

Aubry, tout joyeux, alla annoncer cette bonne nouvelle à Odette; elle l’attendait à la porte d’une église de la ville, où elle avait prié tout le temps qu’avait duré l’entrevue.

«Si Dieu notre Seigneur me fait la grâce de revenir céans, dit-il en riant, messire Gautier m’a promis qu’il me marierait, fût-ce de sa bourse.

— Et si tu ne reviens pas? soupirait Odette; on dit que messire Gautier va toujours aux plus grands coups.

— Il m’a dit de me tenir sans cesse derrière lui, annonça Aubry.

— Et puis quand il reviendra, il aura oublié sa promesse comme madame l’a oubliée tant de fois.

— Les chevaliers n’oublient pas comme les dames, persistait Aubry, et je saurai bien lui faire souvenir; quand je serai derrière lui dans la bataille, au lieu de crier: Bretagne! je crierai: Odette! Odette! et alors je donnerai de si bons coups qu’il sera bien obligé de faire attention à moi!»

Odette souriait à travers ses larmes.

«Si tu ne reviens pas, j’entrerai au couvent,» dit-elle; mais Aubry riait toujours.

«Ne me crois pas trop vite mort, dit-il; si j’étais fait prisonnier, on ne le saurait pas; ce ne serait pas comme pour un chevalier: on ne saurait faire payer rançon à un homme d’armes, et on ne s’inquiète point de ce qu’il devient; je ne veux pas te trouver avec une coiffe noire en revenant. Promets-moi, si tu vois ma place vide dans la suite de messire Gautier que tu m’attendras cinq ans avant d’entrer au couvent ou.... et il hésitait.... ou avant d’épouser un autre homme!»

Odette leva sur lui des yeux pleins de reproche.

«Je promets,» dit-elle simplement.

Le lendemain, pendant que la comtesse, debout sur le rempart, regardait s’éloigner la brillante troupe des chevaliers anglais et bretons, la suivante laissait flotter au vent le voile du hennin de sa dame; elle se soutenait à peine et s’appuyait contre les créneaux, car elle ne distinguait plus Aubry, et il lui semblait déjà que sa place fût vide parmi les hommes d’armes qui chevauchaient derrière messire Gautier. Lorsque Jeanne se retourna pour rentrer au château, elle fut obligée d’appeler une autre suivante pour porter la queue de sa robe, Odette s’était évanouie sur le rempart.

Scènes historiques.... Série 1

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