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Notre recueil des Conférences de l’Académie n’a-t-il d’autre objet que de remettre en lumière des travaux oubliés, d’une recherche difficile, sans doute, mais qui cependant n’était pas de nature à décourager les hommes d’étude?

Tel n’a pas été notre but.

Nous avons fait choix des discours académiques entre tant d’études signées de noms d’artistes, parce qu’ils diffèrent essentiellement, quant au fond, de la plupart des livres qui les ont précédés.

En effet, l’Italie, l’Espagne, la Hollande, les Flandres, l’Allemagne, la Suisse, l’Angleterre et la France comptent principalement, nous l’avons vu, parmi les écrits de leurs artistes, des grammaires ou des essais théoriques. Vasari et Palomino de Castro font exception. Tous deux ont abordé l’histoire de l’art. L’école française leur donnera plus tard des successeurs. Mais, de tous les artistes dont nous avons parlé, il n’en est pas un qui n’ait été porté, soit à exposer les premiers éléments de l’art, soit à démontrer le beau par des théorèmes.

En art, les livres élémentaires peuvent avoir leur prix; les spéculations purement esthétiques ont moins d’utilité. Elles n’éclairent pas l’esprit, et, le plus souvent, elles le troublent. Les idées abstraites exigent de celui qui les veut rendre saisissables une laborieuse préparation. L’art ne procure pas à ses adeptes les loisirs prolongés qui leur permettraient de devenir théoriciens. Il y a plus, un syllogisme se démontre jusqu’à l’évidence, mais il n’en est pas de même du beau qui, dans la plupart des cas, échappe à l’analyse. Prompt comme la lumière, impondérable comme elle, il interdit à l’homme qu’il tient sous le charme de son rayonnement, de scruter son foyer, de dire sa profondeur, de marquer sa circonférence. Quelques paroles émues sur les lèvres de Michel-Ange, de Rubens et de Canova font naître la sensation du beau. Tout au contraire, les propositions, les règles géométriques dont les théoriciens de l’art ont essayé de former une chaîne ferme et solide, un corps de doctrine irréfutable fondé sur les principes d’Euclide ou d’Hypsiclès, n’ont servi qu’à égarer l’esprit dans la région du rêve. Et, plus l’homme de pensée s’est obstiné à résoudre des problèmes dont il n’est pas donné à l’homme de connaître, plus le voile qui intercepte la vision du beau s’est fait impénétrable.

On lit Euclide, dans sa Théorie de la Musique, on ne lira pas un musicien qui tentera de s’appuyer sur Euclide. Euclide était géomètre: on n’attend de lui que des nombres et des proportions. D’un artiste, on exige qu’il soit artiste. C’est pourquoi la théorie de l’art est un genre de littérature interdit aux artistes écrivains. Le meilleur théoricien, le plus savant, le plus raisonnable s’exposera toujours, il faut le craindre, à s’entendre appliquer le mot du poète sur ce berger qui avait perdu la raison:

Ibi hæc incondita solus

Montibus et sylvis studio jactabat inam.

Au reste, les Conférences de l’Académie offrent, à l’appui de nos paroles, un exemple qui ne sera pas récusé : ce sont les discours de Testelin, «réduits en tables de préceptes.»

Est-ce à dire qu’il faille proscrire des spéculations de la pensée la philosophie de l’art?

Non, assurément.

L’art est une puissance ordonnée; il obéit donc dans sa marche, dans sa progression, dans ses décadences, à des lois supérieures que l’homme de pensée peut s’approprier et traduire à ceux qui l’écoutent. Mais il faut distinguer entre le théoricien et le philosophe. Le théoricien étudie l’art dans ses modes d’expression, et tente d’en dire le fonctionnement technique. Le philosophe observe l’art dans ses résultats sur l’âme humaine, sur une époque, sur un peuple, et il essaye de dégager la loi de cette influence utile ou dangereuse.

Si la théorie de Fart, exposée dans des pages écrites, ne paraît pas relever de l’artiste, par contre, la philosophie de l’art lui sera familière dans la mesure où il aura cultivé son esprit. On peut se rendre compte de cette vérité en lisant dans notre volume certaines pages de Le Brun, Sébastien Bourdon, Louis Boulogne, Antoine Coypel. Il est rare que les hommes de haute intelligence n’envisagent pas les sujets qu’ils traitent par leurs grands côtés. C’est ce qui donne le relief à leurs discours, c’est ce qui élève la critique,

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