Читать книгу Conférences de l'Académie royale de peinture et de sculpture - Henry 1841-1913 Jouin - Страница 35
XXXI
ОглавлениеAinsi, l’histoire et la critique forment le double filon que les artistes écrivains au XIXe siècle exploitent sans l’épuiser. Et, dans cet ordre d’activité, l’Académie des Beaux-Arts donne l’exemple du savoir et de la mesure. Nous estimons, pour notre part, que la littérature d’art aux mains des artistes a trouvé, de nos jours, sa voie naturelle et définitive.
On sait ce que nous pensons du livre didactique et élémentaire. Il relève de l’artiste, lorsque celui-ci se sent pressé de l’écrire. Il va de soi que nul n’est plus compétent qu’un graveur sur le travail du burin; nul n’enseignera mieux l’art du métal qu’un fondeur.
Mais, au-dessus de l’écrit élémentaire, se place l’écrit théorique ayant l’art pour objet. Nous avons dit. notre opinion sur les ouvrages de théorie mi-partie didactiques, mi-partie philosophiques. Ces livres seront le plus souvent écartés, d’où qu’ils émanent.
Auprès de l’écrit théorique apparaît le livre philosophique. Hégel, Schelling, Jouffroy, Cousin, Lamennais, pour ne citer que des hommes de ce siècle, ont laissé des pages instructives sur la philosophie de l’art. Mais aucun d’eux n’est praticien, tous sont des philosophes. Il est vrai, notre XIXe siècle abonde en dissertations philosophiques sur l’art écrites par des artistes: nous ne les avons jamais ouvertes sans inquiétude. Un coloriste est malaisément désintéressé quand il envisage le rôle de la couleur; le dessinateur incline à faire résider l’art dans le dessin.
Il y a environ vingt ans, Viollet-le-Duc écrivant à Vitet, à propos de l’Enseignement des Arts du dessin, laissait échapper ces paroles où perce une pointe d’humeur:
«Il en est un peu des arts comme de la politique: tout le monde en parle, excepté peut-être les artistes et les hommes d’État Que Léonard de Vinci écrive un traité sur la peinture, c’est pour le mieux; mais quel cas ferait-on d’une grammaire éditée par un peintre sachant passablement l’orthographe?»
La réponse est aisée.
Une grammaire éditée par un peintre, si elle est autre chose qu’un simple traité de peinture, renfermera peut-être quelque erreur. En effet, le peintre n’est pas nécessairement instruit des règles de l’architecture ou des arts plastiques. Par contre, que des hommes ayant le talent de Vitet et de Charles Blanc tentent d’écrire une grammaire générale des arts du dessin, il y a chance pour qu’elle soit plus juste, plus impartiale que si elle émanait d’un artiste, parce que tous les arts sollicitent également l’étude des hommes dont nous parlons, et réclament de leur part l’exposé simple et clair des lois qui les régissent.
Mais, s’il s’agit de l’histoire d’un artiste ou d’un monument, s’il faut analyser et juger une œuvre particulière, l’artiste se retrouve, et personne, dans ce travail délicat, ne peut, à notre avis, prétendre à plus de compétence ou d’autorité qu’il n’en possède.
Ce que nous disons plus haut des notices académiques rédigées depuis quinze années n’est-il pas la preuve de l’intérêt sérieux que présente l’histoire de l’art sous des plumes d’artistes?