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ОглавлениеMais si la critique est du domaine de l’artiste, l’histoire de l’art se réclame de sa plume plus naturellement encore.
C’est, à notre sens, dans ce genre d’écrits que le témoignage du peintre, de l’architecte, du statuaire, du musicien, est d’un prix sans égal. Vasari peut défier tous les critiques du monde: il était peintre et il a voulu être historien de peintres; sa gloire est assurée. «Les peintres, a dit Charles Blanc, ne savent pas toujours parler d’eux, mais il est rare que, par le récit, même le plus décousu, ils ne parviennent pas à nous intéresser beaucoup plus vivement que ne le ferait un biographe exercé dans son art. De là, le prix qu’on attache aux autographes des peintres.»
André Félibien n’était pas peintre, il était architecte, mais sa qualité d’artiste donne un grand intérêt à ses Entretiens sur les vies et les ouvrages des plus excellents peintres.
A l’exemple de Félibien, de nombreux artistes parleront de leurs confrères. De Piles publie son Abrégé de la vie des peintres et ses Dissertations sur les ouvrages des plus fameux peintres, que complète une Vie de Rubens.
Jean-Baptiste Descamps est moins connu par ses tableaux que par l’histoire des Peintres flamands, allemands et hollandais, en partie traduite de Karel Van Mander, peintre et poète, et de Arnold Houbraken.
Descamps rend d’ailleurs pleine justice à Van Mander, dont il a laissé cet éloge: «Van Mander fut bon peintre, bon poète, savant éclairé, sage critique et homme de bien.» C’est à Van Mander que Descamps emprunte les vies des peintres flamands et allemands. Houbraken, également peintre, poète et historien, fournit à l’artiste français les biographies des peintres hollandais: «Houbraken dessinait assez bien, nous apprend Descamps, ses compositions sont d’un homme d’esprit, son pinceau est délicat; mais sa couleur est outrée, souvent trop rouge et en général peu vraie. Ses draperies, pliées avec noblesse, présentent une variété de tons qui fatigue l’œil. Cependant, ses fonds sont riches et il règne un bon goût dans son architecture.» Ces lignes permettent de juger Descamps comme critique.
Desportes rédige la vie de Charles le Brun; Charles Coypel, celle d’Antoine Coypel; Caylus, celles de Pierre Mignard et de François Lemoyne; Watelet, celle de Louis Boulogne, et Lépicié rassemble ces curieux ouvrages sous le titre de Vies des premiers peintres du Roi. Charles-Nicolas Cochin raconte ses souvenirs personnels sur Slodtz et Deshays; Dandré Bardon laisse des Anecdotes sur la mort de Bouchardon en même temps que les biographies de Carle Van Loo et de Jean-Baptiste Lemoyne.
Mais les artistes écrivains ne se renferment pas, durant un siècle entier, dans l’histoire de l’art. Catherine Perrot, de l’Académie de Peinture, dédie à la princesse de Guémené ses Leçons royales sur la miniature. Sébastien Leclerc écrit son Traité de géométrie, Soufflot traduit en vers les plus belles compositions de Métastase, et laisse sa propre épitaphe débutant par le vers devenu célèbre:
Pour maître dans son art, il n’eut que la nature.
Rondelet, l’élève de Soumet, écrit un Mémoire historique sur le dôme du Panthéon français, ouvrage qu’il fait suivre de son Traité de l’art de bâtir. Rouquet, le miniaturiste, est l’auteur de la Lettre de M*** à un de ses amis pour lui expliquer les estampes de M. Hogarth, et d’un livre sur l’État des arts en Angleterre.
Le sculpteur Falconet, irascible et subtil, effleure de sa plume rapide plusieurs livres de Pline, deux peintures dePolygnote, le tableau deTimanthe, des ouvrages de Phidias, la statue de Marc-Aurèle, la Vénus de Médicis, Michel-Ange, Rubens et Voltaire critique d’art. Plus modeste que Falconet, Jacques Saly laisse une notice sur la statue colossale de Fréderic V, roi de Danemark, sortie de ses mains.
Le peintre Bachelier, le fondateur de l’École gratuite de dessin, aujourd’hui l’École des arts décoratifs, publie, à l’âge de cinquante ans, un proverbe en un acte, le Conseil de famille; mais ce n’est là qu’une fantaisie du peintre académicien, dont le Discours sur l’utilité des écoles élémentaires en faveur des arts mécaniques, l’étude historique sur la Manufacture nationale de porcelaine, le Mémoire sur l’éducation des filles, sont des titres plus sérieux à la reconnaissance des ouvriers d’art.
Le 8 août 1793, les Académies furent supprimées. L’homme qui réclama leur suppression à la tribune de la Convention nationale était un artiste. Il appartenait lui-même, depuis le 23 août 1783, à l’Académie de Peinture, ce qui ne l’empêcha pas de dire dans son discours sur la nécessité de supprimer les Académies: «Je m’attacherai plus particulièrement à l’Académie de Peinture et Sculpture: en parlant d’une Académie, c’est parler de toutes.» Que les toiles de l’artiste aient trouvé place au Louvre, ce n’est que justice, car ce peintre est un maître et un chef d’école; mais l’Académie des Beaux-Arts a fait preuve, selon nous, d’une grande mansuétude, en permettant que le portrait d’un tel maître décorât, à Paris, le palais Mazarin, à Rome, la villa Médicis.