Читать книгу Globalización y digitalización del mercado de trabajo: propuestas para un empleo sostenible y decente - Lourdes Mella Méndez - Страница 53

I. INTRODUCTION

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La loi applicable au contrat de travail est d’une grande importance en tant qu’elle est l’expression de la protection que l’on accorde au travailleur. Gamillscheg, à son époque, attirait l’attention sur l’importance du droit du travail international (“Internationales Arbeitsrecht”)1. L’étude des rapports de travail internationaux implique nécessairement que l’on s’intéresse aux exigences de justice sociale internationale2 telles qu’elles résultent des textes fondateurs de la matière. Au sein du droit international privé, l’étude des rapports de travail internationaux fait écho au besoin de “régulation de marchés de masse”3, alors que la matière est née pour “forge[r] le droit applicable aux happy few”4.

Déterminer la loi applicable, c’est un sujet qui est devenu crucial dans les régions frontalières et dans les espaces intégrés, comme celui de l’Union européenne, où la libre circulation des travailleurs fait partie de l’une des libertés fondamentales. Consubstantielle à la mise en place du marché intérieur5, la libre circulation des travailleurs6 favorise la création d’un marché du travail européen qui se traduit institutionnellement par l’installation du Portail européen sur la mobilité de l’emploi (EURES) et l’Autorité européenne du travail. Dès le Traité de Rome, il est affirmé que les travailleurs sont les bénéficiaires d’intention du marché intérieur7. Le modèle social européen est prolongé –au-delà du marché intérieur– par la proclamation, dans le Traité de Lisbonne, de l’ “économie sociale de marché”8 comme une finalité de l’Union européenne.

Malgré l’accent mis sur l’article 45 TFUE, le détachement, lui, s’exerce dans le cadre de la libre prestation de services de l’article 56 TFUE9. Le travailleur détaché n’est ainsi que l’objet de l’opération et est considéré comme se déplaçant avec son entreprise10. Le recours au détachement de travailleurs est encouragé depuis les arrêts Webb11 et Seco, Desquenne et Giral12 de la Cour de justice qui autorisent les entreprises à faire exécuter une prestation de services sur le territoire d’un autre Etat membre par leur personnel détaché13. Cet ancrage est solidifié par la jurisprudence Rush Portuguesa14. Le travail détaché a ainsi été inscrit dans un régime à part. L’opposition des travailleurs détachés aux travailleurs est née de la recherche d’un équilibre entre l’encouragement de la libre prestation de services et la garantie des droits des travailleurs. Si le détachement de travailleurs intervient à l’exclusion du régime de la libre circulation des travailleurs, la directive dite détachement concède que “le détachement doit s’effectuer en respectant une concurrence loyale et des mesures garantissant le respect des droits des travailleurs”15. Au sens de la directive dite détachement, les travailleurs n’intègrent pas le système des relations professionnelles du pays d’accueil. Il n’en demeure pas moins que des infléchissements ont lieu qui tendent vers un rapprochement de la figure du travailleur détaché à la libre circulation de travailleurs.

En revenant sur la question de la loi applicable aux travailleurs au sens large, nous soutenons que la solution du conflit de lois ne peut ignorer l’intégration du marché intérieur de l’Union européenne. Non seulement est-il affirmé que la solution du conflit de lois ne saurait heurter la logique des libertés de circulation, mais encore retient-on que les règles de conflit de lois elles-mêmes ont été influencées par le concept de marché intérieur. C’est ainsi que ce dernier marque la règle de conflit de lois: la règle de conflit de lois exerce une fonction régulatrice16 laquelle est spécialement caractérisée par la logique du marché intérieur. Cela implique que la règle de conflit de lois s’imprègne, entre autres, de considérations protectrices du travailleur qui sont inscrites dans ce dernier17. Afin d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, il est effectivement nécessaire de garantir au travailleur qu’il ne perde sa protection à cause de la mobilité qu’il est en train d’exercer.

C’est cette lecture qu’il convient d’adopter en étudiant les règles de conflit de lois concernant la relation de travail. Celles-ci sont nécessairement matérielles en ce qu’elles comprennent des considérations relatives à la protection du travailleur. Nous identifions plusieurs règles de conflit de lois qui portent sur la relation de travail: l’article 8 du règlement Rome I 18 concernant la loi applicable au contrat individuel de travail, l’article 9 du règlement Rome II19 relatif à la loi applicable à la responsabilité du fait de grève ou de lock out ainsi que les articles 9 du règlement Rome I et 16 du règlement Rome II concernant les lois de police. Ajoutons l’article 3 de la directive dite détachement prévoyant les domaines des lois de police. Enfin, il convient de citer l’article 10 du règlement nº 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, devenu l’article 13 du le règlement nº 2015/848 du 25 mai 2015. Toutes ces dispositions contribuent à un émiettement du conflit de lois, en raison des différents liens de rattachement qu’elles retiennent. Alors que cette observation pourrait aussi conduire à des réflexions sur une règle de conflit de lois unique qui partirait de la relation de travail en tant que telle, nos développements doivent, ici, s’arrêter à la règle de conflit de lois de l’article 8 du règlement Rome I.

Rappelons avant toute chose que cette règle de conflit de lois à rattachements multiples prévoit l’encadrement de la loi d’autonomie, dès lors qu’il s’agit d’appliquer des “dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi” objectivement applicable. La loi objectivement applicable, elle, se détermine de trois différentes manières. Le lien de rattachement principal est celui du pays du lieu d’exécution habituel du travail selon lequel “le contrat de travail est régi a) par la loi du pays où ou à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail”. Existent aussi des liens de rattachement subsidiaires, comme celui du pays du lieu d’embauche auquel incombe un rôle secondaire. Enfin, le règlement Rome I réserve les deux premiers liens de rattachement “à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays”. L’intervention respective des liens de rattachement a été clarifiée au fil des arrêts. Néanmoins, des doutes subsistent dans certains cas spécifiques où leur définition ou leur articulation suscite des problèmes. Parmi ces exemples, l’on cite ceux des chauffeurs routiers qui traversent l’Union européenne, des salariés qui exercent leurs activités dans plusieurs pays sans qu’il ne soit a priori prévu par le contrat dans lequel des pays ils ont leur lieu d’exécution habituel du travail et, enfin, des travailleurs détachés.

Dans toutes ces hypothèses, la solution du conflit de lois ne conduit pas nécessairement au lien de rattachement du pays du lieu d’exécution habituel du travail alors qu’au regard des principes qui régissent la règle de conflit de lois en matière de contrat de travail, celui-ci serait le plus adapté, ce qui lui a valu l’appellation de lien de rattachement primordial. Partant de ces difficultés pratiques, notre présentation vise simplement à proposer quelques réflexions sur les solutions actuelles du conflit de lois. L’importance d’une telle remise en question est évidente, dans la mesure où la libre circulation renforce l’autonomie des acteurs. Du point de vue du droit international privé, cela signifie que l’une des deux parties peut, en déplaçant les éléments de rattachement dans un autre pays, influencer la loi applicable, plus favorable pour elle. Alors que nous reconnaissons, dans le droit privé français, par exemple, le lien de subordination du salarié, ce dernier serait sans intérêt si, au moment de la décision sur la loi applicable, l’on ne tenait pas compte de considérations de protection. C’est ainsi que s’explique le principe de protection adéquate du travailleur dans les règles de conflit de lois européennes qui, de surcroît, repose sur le principe de protection du travailleur ancré dans le concept de marché intérieur.

L’articulation des principes sous-jacents à la règle de conflit de lois conduit à favoriser le lien de rattachement du pays du lieu d’exécution habituel du travail (I). Des exemples d’actualité démontrent qu’il convient de réaffirmer le rôle du lien de rattachement au pays du lieu d’exécution habituel du travail (II).

Globalización y digitalización del mercado de trabajo: propuestas para un empleo sostenible y decente

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