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1. LE PRINCIPE DE PROTECTION ADÉQUATE DU TRAVAILLEUR

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Alors qu’il y a quelques décennies, l’un des rares cas de mobilité imaginables était celui des “représentants de commerce français embauchés en France par une société française pour exécuter un travail à l’étranger”21, le besoin d’une règle de conflit de lois spécifique à la mobilité des travailleurs s’affirme plus que jamais. Pour ne citer l’exemple français, la Cour de cassation élabore le lien de rattachement du lieu d’exécution du travail22. Les systèmes nationaux de droit international privé consacraient traditionnellement le principe de protection de la partie dite faible. Or, cette “notion cadre” est parfois jugée “sans définition précise y compris en droit interne”23. Ceci n’empêche pas certains auteurs de la théoriser pour en tirer des leçons générales pour le conflit de lois: “la partie est considérée comme étant faible, dans une relation contractuelle par exemple, puisque les deux personnes se trouvent dans des positions économiques ou sociales déséquilibrées”24. Notre objectif consiste à nous intéresser spécifiquement au principe de protection du travailleur en tant qu’il entre dans le conflit de lois.

Face à la mobilité accrue, les inconvénients de ce que chaque Etat applique sa règle de conflit de lois apparaissent évidents, tellement la diversité des législations au niveau de l’Union européenne est grande. Ainsi, il a fallu une règle de conflit de lois spécifiquement européenne. Son principal fondement était à inscrire dans le droit de l’Union européenne, à travers le principe de protection du travailleur. Il conviendra de décrire le principe de protection du travailleur du droit de l’Union européenne tel qu’il entre également dans le droit international privé25.

Issu du droit des libertés de circulation, le principe de protection du travailleur reçoit une lecture régulatrice comme étant inscrit dans le concept de marché intérieur26. Se présentant initialement sous l’habillage d’une raison impérieuse d’intérêt général justifiant une entrave aux libertés de circulation27, le principe de protection du travailleur, en tant qu’un principe plus largement admis en droit de l’Union européenne, doit interroger. Nous partons du constat que ce n’est pas l’existence de droits du travail nationaux qui pose des obstacles à l’intégration européenne, mais l’éventuelle divergence de ceux-ci. Autrement dit, les confrontations aux libertés de circulation naissent du fait que l’un des droits du travail des Etats membres protège davantage le travailleur ou, dit autrement, que les autres Etats membres ne le protègent pas assez. En effet, la diversité des législations se présente comme un obstacle a priori à l’harmonisation du droit matériel des Etats membres, d’une part. Mais d’autre part, elle constitue une raison pour l’harmonisation des règlementations des Etats membres, dans la mesure où l’application d’une règlementation plutôt qu’une autre crée des obstacles aux libertés de circulation. Notons à ce stade que l’objectif du droit du marché intérieur est de combattre les obstacles aux libertés de circulation. Ce contexte de l’encouragement de la mobilité par le biais des libertés de circulation ne se retrouve pas de la même manière à l’échelle globale. Ainsi, il y a un certain intérêt à décrire le principe de protection du travailleur spécifique de cet espace régional28.

Alors que nous observons l’harmonisation progressive du droit du travail de l’Union européenne, celle-ci reste limitée. Le droit du travail de l’Union européenne comprend évidemment aussi les règles de conflit de lois régissant spécialement le cas du travailleur franchissant les frontières au sein même de cet espace. A défaut d’un droit du travail matériel européen, les règles de conflit de lois prennent le relais. Elles sont ainsi imprégnées du principe de protection du travailleur qui se manifeste, dans ce contexte spécifique, sous l’appellation de principe de protection adéquate du travailleur.

Quel est le contenu de ce principe de droit international privé? Le principe de protection du travailleur est à distinguer des principes existant dans les droits du travail matériels29. Cela ne signifie pas qu’il ne s’y appuie. Nous pouvons certainement juger de l’effectivité du principe de protection du travailleur dans la règle de conflit de lois spécifique en partant des objectifs du droit du travail. C’est comme cela que Mme Moreau explique l’incidence des spécificités de la matière du droit du travail sur la fonction substantielle des règles de conflit30. Néanmoins, d’un point de vue théorique, il ne nous semble pas que le principe de protection du travailleur corresponde, par exemple, au “principe de faveur” tel qu’il est appelé en droit du travail français. Quelques rapprochements ont toutefois été faits. M. Rodière affirme que “[l]es impératifs de faveur ont conduit à l’élaboration de règles de conflit particulières, dites parfois à coloration matérielle, en ce sens que le choix entre les différentes lois en présence ne sera pas neutre mais orienté autour de l’idée de protection”31. Or, il n’est pas certain que cet auteur affirme aussi la portée du principe de faveur connu en droit interne français lorsqu’il analyse la règle de conflit de lois européenne spécifique au contrat de travail. Ainsi, il développe: “[l]e principe de l’application de la loi plus favorable est constitutif d’une règle de droit matériel international que le juge français fera prévaloir. Les textes des articles 6 de la convention de Rome et 8 du règlement Rome I ne vont-ils pas eux aussi en ce sens, en visant la protection des dispositions de la loi applicable à défaut de choix? L’idée de protection imprime celle d’un minimum qu’il convient de satisfaire, mais qui ne peut s’opposer à l’application d’une norme plus protectrice”32. Du point de vue de la portée, il est ainsi moins certain qu’il s’agisse d’une reproduction à l’identique du principe de faveur.

En conséquence, le principe de protection adéquate du travailleur est un principe propre au droit international privé qui veut que le travailleur soit protégé (“protection principle”33). L’affaire Schlecker constitue notre transition vers cette problématique34. Du point de vue du principe de protection du travailleur, elle nous apprend que la disposition en cause “doit garantir qu’est appliquée, au contrat de travail, la loi du pays avec lequel ce contrat établit les liens de rattachement les plus étroits. Or, cette interprétation ne doit pas nécessairement conduire […] à l’application, dans tous les cas de figure, de la loi la plus favorable pour le travailleur”35. Cette interprétation signifie que ce n’est pas l’intervention du principe de protection seul qui fait que soit désigné le lieu d’intégration économique et sociale du travailleur36. Une telle intégration résulte finalement de la prise en compte d’autres principes.

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