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Scène II, 2

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Valère

Si vous êtes tous deux en quelque conférence

Où je vous fasse tort de mêler ma présence,

Je me retirerai.

Ascagne

Non, non, vous pouvez bien,

Puisque vous le faisiez, rompre notre entretien.

Valère

Moi?

Ascagne

Vous-même.

Valère

Et comment?

Ascagne

Je disois que Valère

Auroit, si j’étois fille, un peu trop su me plaire,

Et que si je faisois tous les voeux de son coeur,

Je ne tarderois guère à faire son bonheur.

Valère

Ces protestations ne coûtent pas grand chose,

Alors qu’à leur effet un pareil si s’oppose;

Mais vous seriez bien pris, si quelque événement

Alloit mettre à l’épreuve un si doux compliment.

Ascagne

Point du tout; je vous dis que régnant dans votre âme,

Je voudrois de bon coeur couronner votre flamme.

Valère

Et si c’étoit quelqu’une où par votre secours

Vous pussiez être utile au bonheur de mes jours?

Ascagne

Je pourrois assez mal répondre à votre attente.

Valère

Cette confession n’est pas fort obligeante.

Ascagne

Hé quoi? Vous voudriez, Valère, injustement,

Qu’étant fille, et mon coeur vous aimant tendrement,

Je m’allasse engager avec une promesse

De servir vos ardeurs pour quelque autre maîtresse?

Un si pénible effort, pour moi, m’est interdit.

Valère

Mais cela n’étant pas?

Ascagne

Ce que je vous ai dit,

Je l’ai dit comme fille, et vous le devez prendre

Tout de même.

Valère

Ainsi donc il ne faut rien prétendre,

Ascagne, à des bontés que vous auriez pour nous,

À moins que le ciel fasse un grand miracle en vous.

Bref, si vous n’êtes fille, adieu votre tendresse:

Il ne vous reste rien qui pour nous s’intéresse.

Ascagne

J’ai l’esprit délicat plus qu’on ne peut penser,

Et le moindre scrupule a de quoi m’offenser,

Quand il s’agit d’aimer. Enfin je suis sincère:

Je ne m’engage point à vous servir, Valère,

Si vous ne m’assurez au moins absolument

Que vous gardez

pour moi le même sentiment,

Que pareille chaleur d’amitié vous transporte,

Et que si j’étois fille, une flamme plus forte

N’outrageroit point celle où je vivrois pour vous.

Valère

Je n’avois jamais vu ce scrupule jaloux;

Mais, tout nouveau qu’il est, ce mouvement m’oblige,

Et je vous fais ici tout l’aveu qu’il exige.

Ascagne

Mais sans fard?

Valère

Oui, sans fard.

Ascagne

S’il est vrai, désormais

Vos intérêts seront les miens, je vous promets.

Valère

J’ai bientôt à vous dire un important mystère,

Où l’effet de ces mots me sera nécessaire.

Ascagne

Et j’ai quelque secret de même à vous ouvrir,

Où votre coeur pour moi se pourra découvrir.

Valère

Hé! De quelle façon cela pourroit-il être?

Ascagne

C’est que j’ai de l’amour qui n’oseroit paroître;

Et vous pourriez avoir sur l’objet de mes voeux

Un empire à pouvoir rendre mon sort heureux.

Valère

Expliquez-vous, Ascagne, et croyez, par avance,

Que votre heur est certain, s’il est en ma puissance.

Ascagne

Vous promettez ici plus que vous ne croyez.

Valère

Non, non: dites l’objet pour qui vous m’employez.

Ascagne

Il n’est pas encor temps; mais c’est une personne

Qui vous touche de près.

Valère

Votre discours m’étonne.

Plût à Dieu que ma soeur…

Ascagne

Ce n’est pas la saison

De m’expliquer, vous dis-je.

Valère

Et pourquoi?

Ascagne

Pour raison.

Vous saurez mon secret, quand je saurai le vôtre.

Valère

J’ai besoin pour cela de l’aveu de quelque autre.

Ascagne

Ayez-le donc; et lors nous expliquant nos voeux,

Nous verrons qui tiendra mieux parole des deux.

Valère

Adieu, j’en suis content.

Ascagne

Et moi content, Valère.

Frosine

Il croit trouver en vous l’assistance d’un frère.

Les Oeuvres Complètes de Molière (33 pièces en ordre chronologique)

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