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Scène 10

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Hippolyte, Célie

Hippolyte

Depuis votre séjour, les dames de ces lieu

Se plaignent justement des larcins de vos yeu,

Si vous leur dérobez leurs conquêtes plus belles

Et de tous leurs amants faites des infidèles:

il n’est guère de coeurs qui puissent échapper

Au traits dont à l’abord vous savez les frapper;

Et mille libertés, à vos chaînes offertes,

Semblent vous enrichir chaque jour de nos pertes.

Quant à moi, toutefois, je ne me plaindrais pas

Du pouvoir absolu de vos rares appas,

Si, lorsque mes amants sont devenus les vôtres,

Un seul m’eût consolé de la perte des autres:

Mais qu’inhumainement vous me les ôtiez tous,

C’est un dur procédé dont je me plains à vous.

Célie

Voilà d’un air galant faire une raillerie;

Mais épargnez un peu celle qui vous en prie.

Vos yeu, vos propres yeu se connaissent trop bien,

Pour pouvoir de ma part redouter jamais rien;

Ils sont fort assurés du pouvoir de leurs charmes,

Et ne prendront jamais de pareilles alarmes.

Hippolyte

Pourtant en ce discours je n’ai rien avancé

Qui dans tous les esprits ne soit déjà passé;

Et sans parler du reste, on sait bien que Célie

A causé des désirs à Léandre et Lélie.

Célie

Je crois qu’étant tombés dans cet aveuglement,

Vous vous consoleriez de leur perte aisément,

Et trouveriez pour vous l’amant peu souhaitable

Qui d’un si mauvais choix se trouverait capable.

Hippolyte

Au contraire, j’agis d’un air différent,

Et trouve en vos beautés un mérite si grand;

J’y vois tant de raisons capables de défendre

L’inconstance de ceux qui s’en laissent surprendre,

Que je ne puis blâmer la nouveauté des feu

Dont envers moi Léandre a parjuré ses voeu,

Et le vais voir tantôt, sans haine et sans colère,

Ramené sous mes lois par le pouvoir d’un père.

Les Oeuvres Complètes de Molière (33 pièces en ordre chronologique)

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