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BONNIVET ET L'IMAGE DE CLÉRICE.

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L'IMAGE DE CLÉRICE.

Tu languis, amiral! n'est-ce donc pas pour moi

Que tu fis traverser les Alpes à ton roi?

Si j'en crois les baisers et les mots de ta bouche,

Milan n'eut rien pour toi de plus doux que ma couche.

Moi, folle Italienne, ardente en mon amour,

Je te fis oublier tes Lucrèces de cour:

D'autant plus préférable à ces illustres belles,

Qu'alors qu'on les subjugue on est fatigué d'elles;

Tandis que sans façon me laissant obtenir,

Quand on sort de mes bras, on veut y revenir.

L'abandon inquiet de vos prudes maîtresses

Ne vaut pas les transports de mes vives caresses,

Et leur triste scrupule, et leurs plaisirs gênés

Embrasent moins vos sens que mes sens effrénés.

Mon port a-t-il perdu ses graces attrayantes?

Ai-je les yeux moins vifs, les lèvres moins riantes,

Le col moins blanc, le sein moins ferme et moins poli,

Le bras, le pied, le..... quoi? qu'ai-je de moins joli?

Ah! mon cher Bonnivet! tu brûles, tu soupires,

Et l'ardeur qui t'émeut dit ce que tu desires.....

Viens donc.

BONNIVET.

O ma Clérice! objet aimable et beau!

Déja tu m'apparus vers ce double ruisseau

Qui, mêlant ses tributs pour former la Durance,

Des rocs de Briançon coule avec abondance.

Là, dans ma couche ainsi réveillant mes desirs,

Tu me vins de Milan retracer les plaisirs:

Tes appas demi-nus me ravirent en songe;

Et quand de tes baisers je goûtais le mensonge,

Tu semblas t'échapper comme une ombre sans corps,

Loin du lit qu'en désordre avaient mis tes transports.

L'IMAGE DE CLÉRICE.

J'ai voulu, te laissant le regret de ma perte,

Au sein de l'Italie à tes armes rouverte,

T'attirer doucement par le secret pouvoir

Que j'ai sur tout Français épris de mon œil noir.

Mon orgueil a bien ri, s'il faut parler sans feinte,

Quand, plein de ma mémoire en tous tes sens empreinte,

Au conseil de ton roi, par cent nobles raisons,

Tu poussas son armée à repasser les monts.

Ah! de ton éloquence héroïque, suprême,

Ma flamme était la source inconnue à toi-même.

Tu crus, en confondant les plus sages guerriers,

N'avoir devant les yeux que l'honneur des lauriers;

Tu ne voyais que moi: j'étais la seule envie

Dont l'attrait t'amenât sous les murs de Pavie.

Les peuples ont-ils cru qu'un magnanime roi

Au milieu des périls entraînât, sur ta foi,

Ses soldats, et la fleur des preux de sa famille,

Pour rendre un libertin à l'amour d'une fille?

Tel est le monde! Allons; aux assiégés vaincus

Reprends-moi dans Pavie, et presse le blocus.

(L'image disparaît.)

BONNIVET, s'éveillant.

Que dit-elle?.... Ah! j'entends la trompette qui sonne.

Déja sur l'horizon le jour naissant rayonne.....

Levons-nous..... dans mon camp devançons le soleil.

Quoi donc? à quel objet rêvais-je en mon sommeil?

A Clérice!... Elle-même.... Oh! l'étrange folie!....

Son amour m'aurait fait rentrer dans l'Italie!

Non, non, dans les périls dont je me sens pressé,

Ce lâche sentiment ne m'eût jamais poussé:

Vous n'êtes pas, madame, une seconde Hélène;

Votre Milan n'est pas l'Ilion qui m'amène.

Non, je n'ai point pour vous suivi le roi des rois;

Je n'ai point follement, jaloux de vains exploits,

Pour me reconquérir vos faveurs et vos charmes,

Ebranlé tout-à-coup les Alpes sous mes armes,

Et porté mes canons sur des rocs sourcilleux

Où jamais n'ont tonné que les foudres des cieux.

Qui? moi! pour contenter mes amoureux caprices,

Mettre une armée entière au bord des précipices,

Exposer un grand roi, ses parents, ses soldats;

Les conduire en aveugle à de lointains combats!

Pour qui? pour ma maîtresse offerte à ma mémoire?

Non, mon cœur n'écouta que la voix de la gloire;

Et sans qu'à mes projets un fol amour ait part,

Je vins ici venger nos affronts et Bayard.

La Panhypocrisiade, ou le spectacle infernal du seizième siècle

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