Читать книгу La Panhypocrisiade, ou le spectacle infernal du seizième siècle - Népomucène-Louis Lemercier - Страница 9

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Oui, des corps circulant dans ma capacité,

La pesanteur s'égale à leur vélocité;

C'est par nos seuls avis que l'homme qui te sonde

Sait que ta lune agit sur les reflux de l'onde,

Et connaît que ton pôle en sa nutation

Borne à vingt-cinq mille ans sa révolution:

C'est peu que de prévoir les phases des planètes,

Il suit dans notre sein les retours des comètes,

Trace la parabole où leurs feux sont perdus,

Et prédit aux mortels qu'ils ne les verront plus.

LA TERRE.

Ce petit être-là reçut un haut génie!

LE TEMPS.

Non, le temps éternel, l'étendue infinie,

Où le temps mesurable et l'espace apparent

Emportent l'univers et passent en courant,

Sont pour l'homme des mots qu'il ne saurait entendre;

Son esprit jusque-là ne put jamais s'étendre;

Et n'attachant à tout qu'un sens matériel,

Derrière un ciel franchi n'imagine qu'un ciel.

Il faut que des moments, des lieux et des figures,

Pour être comparés, lui prêtent leurs mesures;

Et le temps fixe et vrai, le vide illimité,

Se cache autant à lui que la divinité.

Que de choses pourtant, véritables mystères,

Que sa science ignore, et nomme des chimères!

Dieu même, à sa faiblesse invisible en tout point,

Parce qu'il est voilé, lui semble n'être point.

L'ESPACE.

Eh! l'homme, qui toujours examine et compare,

Médite peu le fond, et son esprit s'égare.

Par le temps et l'espace il compte les instants,

Et ne sait ce que c'est que l'espace et le temps.

Un an est un long siècle à son impatience;

Un siècle n'est qu'un jour pour sa vaine espérance:

Son orgueil ne voit pas que tout son avenir

Dans le passé rapide est tout près de finir.

Terre, un quart de ton globe, inutile domaine,

Aux mortels couronnés paraît suffire à peine;

Tandis que leurs sujets, n'arpentant qu'un jardin,

S'étonnent des grandeurs de son étroit confin.

Ainsi, toujours trompé sur tout ce qu'il embrasse,

L'homme se croit durable et sans borne en sa place;

La mort vient, le dépouille, et je reprends sur lui

Jusqu'au lieu resserré d'où son corps même a fui:

Car, tout passe en mon sein, emporté par les âges;

Le monde en doit sortir, et même ses images.

LE TEMPS.

Un drame néanmoins va montrer aux démons

Ce que font les mortels pour leurs rangs et leurs noms,

Et l'âge où Charles-Quint, en fatiguant sa vie,

A cru s'éterniser sur ta superficie.

LA TERRE.

Où donc est le théâtre où ses traits sont offerts?

L'ESPACE.

Aux enfers.

LA TERRE.

En quels lieux sont cachés les enfers?

L'ESPACE.

L'erreur se les figure au centre de ton globe:

Une comète au loin dans la nuit les dérobe,

Monde errant, embrasé, plus vaste que le tien;

Car, dans l'immensité, ton orbe entier n'est rien.

Tu le sais: dans le vide il est tant de demeures!

Adieu! poursuis ta route, et roule au gré des heures.

Là finit le prologue, on voit tout s'éclipser;

L'acte, image du siècle, enfin va commencer.

Mais sur la scène encor s'abaisse un second voile:

La fausse renommée y brille en une toile

Où le pinceau traça le triomphe des chars,

Au temple de mémoire entraînant les Césars.

Quelques sages, témoins de leurs superbes rôles,

Soit dédain, soit pitié qui haussât leurs épaules,

Courrouçaient d'un souris les centaures d'acier

Qui de leur sabre nu croyaient les effrayer.

On voyait des grandeurs les cimes orageuses

Sur des remparts en feu, qu'en ses courses fangeuses

Entourait de replis un long fleuve sanglant.

Les noirs torrents du Styx, le Phlégéton brûlant,

Dont l'horreur fabuleuse épouvante les ames,

N'ont rien de plus affreux, dans leurs eaux, dans leurs flammes,

Qu'un cours de sang humain, roulant à gros bouillons,

Où surnagent encor, en proie aux tourbillons,

Des pieds, des corps tronqués, des mains, de pâles têtes.

Cependant le vainqueur, dont les palmes sont prêtes,

Traverse le carnage; et, rougi de ce sang,

L'affreux jour qui s'y plonge en s'y réfléchissant

Fait reluire au passage une pourpre enflammée,

Vêtement du héros cher à la renommée;

Tandis qu'un peuple aveugle entend de toutes parts

Les trompettes, les chants, les cris, et les pétards.

L'enfer se plaît à voir que du sang qui s'étale

La lueur rejaillit en pourpre triomphale.

Le peintre est applaudi par les noirs spectateurs.

La toile enfin remonte, et fait place aux acteurs.

La Panhypocrisiade, ou le spectacle infernal du seizième siècle

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