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CONCLUSIONS

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Table des matières

Notre chevauchée à travers le XVIesiècle est terminée, avec une rapide incursion dans les deux siècles voisins. Comme conclusion, nous reproduisons ci-dessous en les rapprochant, les tableaux qui figurent en tête de nos périodes, pour y jeter un coup d’œil d’ensemble.

TABLEAU N° 1.

Valeur intrinsèque, Pouvoir de l’Argent,

Pouvoir d’achat de la livre, par Période.


L’examen de ce premier tableau montre que, pour déterminer le pouvoir de l’argent et le pouvoir d’achat de la livre, je me suis servi de tous les prix de denrées et de toutes les indications que j’ai pu recueillir; mais il en ressort également, que le prix du froment et celui des bestiaux ont été la base, de mes calculs et que les données qui proviennent des autres séries ne sont intervenues que comme un complément.

Ce tableau peut aussi nous donner, si nous nous attachons à chacune de ces séries prise en particulier, des renseignements qui ne manquent pas d’intérêt sur le rapport qui a existé à différents moments du XVIe siècle entre les prix des différentes denrées.

Considérons, par exemple, la marche du pouvoir d’achat de la livre que nous tirons du prix du froment: Très voisine du pouvoir d’achat moyen pendant notre première période, ce qui indique que le froment ne s’écartait guère alors du niveau moyen des prix, nous la voyons s’en séparer nettement dès la seconde (1473-1486). Le pouvoir d’achat tiré du prix du blé est alors beaucoup au-dessous du pouvoir d’achat moyen (28 fr. 15 contre 55 fr. 40). Cette situation s’accentue à partir de la 4e période (1515-1554): le prix d’achat qu’il nous fournit à ce moment est en effet de 16 fr. 71, tandis que le prix d’achat obtenu en faisant la moyenne de tous ceux que nous donnent les diverses denrées est de 38 fr. 25. L’écart est encore plus grand dans la période qui suit (1555-1575): 5 fr. 85 contre 23 fr. 30. Il s’atténue, il est vrai, à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe, mais il n’en persiste pas moins. — Le froment est, en résumé, tout le long du XVIe siècle, la plus chère, et de beaucoup, de toutes les denrées.

Toute différente est la note que nous donne cette même marche du pouvoir d’achat de la livre si c’est au prix des bestiaux que nous la demandons. Ceux-ci se classent parmi les marchandises à très bas prix pendant nos deux premières périodes (de 1461 à 1472 et de 1473 à 1486): ils donnent encore un pouvoir de 71 fr. 12 c. entre 1487 et 1514 (troisième période) tandis que, l’ensemble des denrées, ne fournit au même moment que 57 fr. 95 c. Leur prix tend ensuite vers la moyenne entre 1515 et 1554 quatrième période), il s’en rapproche encore plus entre 1555 et 1575 (cinquième période), et finit par coïncider complètement avec cette moyenne dans la sixième période de 1576 à 1589. On peut ensuite les classer de nouveau, parmi les marchandises d’un prix un peu inférieur à la moyenne pendant les soixante dernières années de notre étude.

En somme, de 1555 à 1640, c’est-à-dire pendant 85 années sur les 180 que nous avons étudiées, le prix des bestiaux donne très approximativement, la moyenne du Pouvoir d’achat de la Livre si, de ces 85 années, nous distrayons une période de 8 années tout à fait exceptionnelle, de 1590 à 1598, pendant laquelle ce pouvoir d’achat subit un véritable effondrement. De sorte que, pendant la dernière moitié du XVIe siècle et la première moitié du XVIIe, il suffirait presque, sans avoir à faire de nombreuses recherches et de longs calculs, de tabler uniquement sur le prix des bestiaux pour obtenir presque exactement, le Pouvoir d’Achat de la livre. Cet état de chose se poursuivit-il pendant la fin du XVIIe siècle et pendant le cours du XVIIe? C’est là une question qu’il serait intéressant de vérifier.

En continuant l’examen du tableau qui précède, nous trouvions les loyers à assez bon compte jusqu’en 1575. Leur prix s’élève brusquement entre 1576 et 1589 et il se tient alors au niveau de la moyenne. Il va décroître et les loyers vont redevenir à bon marché pendant les périodes suivantes.

Les autres marchandises et les salaires ne nous ont pas fourni des données assez suivies pour que nous essayions de caractériser leurs prix dans l’ensemble du XVIe siècle.

Nous passerons maintenant au tableau qui figure sous le n° 2 dans chacune de nos dix périodes.

TABLEAU N° 2.

Pouvoir d’achat de la Livre par Denrée et par Période.


Ce tableau n° 2, qui nous fait embrasser d’un regard les variations de la Valeur Intrinsèque, du Pouvoir de l’Argent et du Pouvoir d’Achat de la Livre pendant les 180 ans sur lelsquels se sont étendues nos recherches, peut s’interpréter en quelques mots.

La Valeur Intrinsèque, qui est allée constamment en diminuant, sauf pendant les 25 ans ou est restée en vigueur l’ordonnance de 1577, accuse en fin de compte une perte totale de 66 p. 100. Mais le Pouvoir d’Achat de la livre, que nous prenons à 61 fr. 80 c. à l’avènement de Louis XI, pour le laisser à 11 fr. 50 c. à la veille de la mort de Louis XIII a perdu 81 p. 100 de sa valeur pendant le même laps de temps. La courbe de cette dernière baisse assez continue dans son ensemble, accuse deux irrégularités intéressantes: entre 1487 et 1514, sous les règnes de Charles VIII et de Louis XII, le pouvoir d’achat de la livre se relève légèrement, passant de 55 fr. 40 c. à 57 fr. 95 c.; de 1590 à 1598 au contraire, la crise, de la Ligue l’abaisse violemment de 16 fr. 65 à 9 fr. 85, et la perte atteint, un instant, 84 p. 100 par rapport au chiffre de 1461. Revenu à 12 fr. 50 c. dans la période suivante, le pouvoir d’Achat de la Livre se chiffrera en terminant par 11 fr. 50 c.

Quant au Pouvoir de l’Argent, si nous partons de la période 1487-1514, où il atteint le chiffre de 10.570, le plus élevé que nous ayons rencontré, et si nous nous arrêtons à la période 1590-1598 où il est tombé à 3,130, c’est-à-dire si nous le considérons pendant tout le XVIe siècle et sans sortir du XVIe siècle, nous voyons qu’il s’est affaibli de 70 p. 100. Mais il commencera dès la période suivante, (1599-1602), le mouvement ascensionnel qu’il poursuivra ensuite, croyons-nous, pendant tout le cours du XVIIe siècle.

A ces deux tabeaux, qui résument tous les résultats de mon travail, j’en joindrai un troisième dans lequel j’ai réparti par règne le Pouvoir d’Achat de la Livre tel qu’il nous a été fourni par chacune des dix périodes, mais en faisant cette répartition par divisions d’une courte durée et ces divisions n’ont pas été faites au hasard, mais bien en tenant compte d’abord des variations de la valeur intrinsèque de la livre et ensuite des indications qui m’étaient fournies par les documents que je possède sur chaque époque. De là l’irrégularité que l’on constatera dans la durée de ces divisions.

TABLEAU N° 3.

Pouvoir d’Achat de la Livre Tournois par règne.


Ce troisième tableau m’a paru un complément utile pour faciliter les recherches de ceux qui voudront, dans le cours de leurs travaux, transformer aussi exactement que possible, la Livre du XVIe siècle en Francs de notre époque (Franc or de 1914).

Pour compléter enfin le coup d’œil d’ensemble que nous venons de jeter sur la valeur de l’argent dans le Poitou au XVIe siècle, je dirai un mot du taux de l’intérêt pendant cette même période, en utilisant toujours des observations tirées des minutes de notaire et, tout particulièrement, des actes de prêts. de constitution et d’amortissement de rentes. Il y aurait tout un chapitre, et des plus intéressants, à écrire sur ce sujet.

Le loyer de l’argent en Poitou peut être fixé en moyenne, à 10 p. 100 à la fin du XVe siècle. Il était tombé à 5,65 p. 100 sous François Ier. On le voit remonter à 7,60 p. 100 sous Henri II: ce mouvement qui commença à se manifester pendant les dernières années du règne précédent, fut très probablement déterminé par la création de la Banque de Lyon par François Ier, où l’intérêt de l’argent fut fixé à 8 p. 100. On le trouve à 7,12 sous Charles IX, à 7,05 sous Henri III, à 6,11 sous Henri IV, et nous le revoyons, pendant les dix premières années du règne de Louis XIII, à 5,68 p. 100, c’est-à-dire au niveau où il était vers le milieu du règne de François Ier. Un prêt consenti à 5 p. 100 en 1617 est même dit être fait au taux de la rente courante. Sous Henri II, Charles IX, Henri III et pendant la première moitié du règne d’Henri IV, tous les banquiers et tous les gens de finance ne prêtent, qu’au denier 12, c’est-à-dire à 8,33 p. 100 .

En cherchant à fixer le pouvoir de l’argent et le pouvoir d’achat de la livre je me suis efforcé de n’employer que des documents fournissant des données certaines et j’en ai laissé de côté un assez grand nombre qui me semblaient intéressants mais dont l’interprétation pouvait donner lieu à quelque hésitation. On trouve par exemple dans le recueil de Don Fonteneau une requête datée de 1762, dans laquelle le Présidial de Poitiers demande que la limite de sa compétence soit étendue, prétextant que le chiffre de 250 livres, auquel cette limite avait été fixée en 1551, correspondait à 3,000 livres de l’année 1762. Je n’ai pas étudié le XVIIIe siècle au point de vue du pouvoir d’achat de la livre, mais je ne serai pas taxé d’exagération, en avançant que les 3,000 1. de 1762 valaient bien 10.000 francs de notre monnaie (toujours franc or d’avant-guerre), d’où il résulterait que le pouvoir d’achat de la livre devrait être fixé à 40 fr. en 1551, puisque 250 francs X 40 = 10.000 francs. Le chiffre de 28 francs sous lequel ce pouvoir d’achat figure dans mes tableaux pour l’année 1551, serait donc ainsi bien au-dessous de la vérité si nous en croyons le présidial; mais jai soupçonné nos magistrats, dans le but d’obtenir plus facilement satisfaction, de s’être laissé entraîner à exagérer quelque peu, et je n’ai pas fait état de ce document. J’en ai laissé de côté beaucoup d’autres de même nature lorsque je l’ai cru nécessaire pour l’exactitude de mon travail.

Je dirai en terminant que mes calculs qui donnent, j’en ai la conviction, satisfaction pour le Poitou, ne seraient probablement plus aussi exacts si on les appliquait à d’autres provinces plu ou moins éloignée de la nôtre. De nos jours où la multiplicité des transports et leur rapidité, devraient avoir unifié les prix dans la France entière, on constate quotidiennement que le coût de la vie est bien plus élevé dans tel département que dans tel autre, dans telle ville que dans telle autre; se représente-t-on alors, ce qu’il devait en être au XVIe siècle? en ùn temps où les grandes voies de communication faisaient à peu près complètement défaut, ou une notable partie des transports se faisaient encore à dos de cheval et de mulet, et cela sans parler des arrêtés des Intendants qui, dans certaines années de disettes, interdisaient le transport des blés et autres denrées d’une province à une autre! De tout cela il est facile de conclure que mes calculs, alors même qu’ils sont exacts pour le Poitou, pourraient bien être erronés si on les appliquait à la Normandie ou à là Bretagne, ou même à la Touraine qui est cependant bien plus rapprochée de nous.

Là se bornera ce travail sur le Pouvoir d’Achat de la Livre à l’une des époques les plus mouvementées de notre histoire. Pour être complet il eût exigé de longs développements mais, tel que, j’espère qu’il atteindra le but que je me suis proposé qui est, ainsi que je l’annonçai au début, de faciliter et de rendre plus profitable la lecture de l’étude économique et agricole sur le Poitou au XVIe siècle qui va suivre et dans laquelle seront largement cités et longuement analysés, tous les documents qui viennent de servir de base à mes calculs.

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