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PRÉFACE

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M. Paul Raveau m’a fait l’honneur de me demander une Préface à son bel ouvrage, fruit de vingt années de recherches dans les archives du département de la Vienne et principalement dans les minutes de notaires qui s’y trouvent déposées. Agriculteur, il a cru bon sans doute qu’un professionnel de la science économique le présente aux hommes d’étude: convaincu du mérite de l’œuvre, j’ai accepté cette mission sans hésiter.

La vie rurale française au XVIe siècle est à peu près ignorée. On ne pourra la connaître que par des études régionales faites d’après les sources originales; quelques travailleurs ont entrepris cette tâche lourde mais passionnante; M. Raveau prend place parmi eux et c’est sur son pays natal qu’il a fait porter ses efforts, mû, semble-t-il, par le désir de savoir ce qu’étaient et comment vivaient les lointains ancêtres qui l’ont précédé dans la culture de la terre poitevine.

Qu’il me soit permis d’insister un peu sur l’intérêt que présente une telle étude. Elle nous donne, en ce qui concerne le Poitou du XVIe siècle, des précisions certaines sur des faits que nous ne connaissions guère ou que nous ne connaissions que d’une manière très générale: diminution du pouvoir d’achat de l’argent, phénomène dont les conséquences furent si profondes , mouvement des prix des terres, du froment, du vin, des animaux de ferme, de la main-d’œuvre agricole, systèmes d’amodiation (faire valoir direct, fermage et métayage) et systèmes de culture pratiqués, rendements obtenus, autant de questions qui sont d’une importance fondamentale pour l’histoire économique.

Plus haute encore est la portée de l’ouvrage de M. Raveau au point de vue de l’histoire sociale. Nous y apprenons quelle fut au vrai, la situation des ruraux poitevins au XVIe siècle, de ces laboureurs à bras (journaliers agricoles), de ces laboureurs à bœufs (fermiers et métayers) de ces laboureurs non autrement qualifiés (paysans propriétaires) parmi lesquels l’afflux des métaux précieux venus du Nouveau Monde causa une véritable révolution; nous y apprenons comment et pourquoi la propriété foncière jusqu’alors si divisée, entrant désormais dans l’ère capitaliste, tendait en maintes régions à se concentrer aux mains de certains, comment et pourquoi s’accélérait le mouvement plus ancien que le précédent, qui faisait passer les petits et les moyens fiefs des mains de la noblesse dans celles des marchands et de la bourgeoisie; comment et pourquoi se constitua une sorte d’aristocratie rurale ou mi-rurale et mi-urbaine qui, grâce à l’abondance du numéraire suscitant l’esprit de spéculation, s’enrichissait au moyen d’opérations commerciales, financières ou immobilières, en route vers la bourgeoisie, puis la noblesse. Et dans cette élite nous voyons revivre des personnages fortement caractérisés; tels, parmi les marchands ou fils de marchands acquéreurs de terre, d’offices ou de seigneuries, à Plaisance Pierre Baubisson; à Chauvigny François Maurat; à Charroux François Robert qui s’intitule seigneur de Saint-Pierre (sa seigneurie de Saint-Pierre ne consiste encore que dans sa boutique); à Poitiers les Chessé ; parmi les laboureurs: les frères de Champagne à Champagne (paroisse de Lathus), les Mathé à Forges (paroisse de Saint-Georges-les-Baillargeaux), et bien d’autres. On le verra, ce n’est pas sans faire des victimes dont le malheureux sort nous émeut, que certains s’élèvent: la vie et le drame peuvent ainsi surgir, sans le moindre artifice, l’auteur nous en donne la preuve, de la poussière des archives.

Je laisse maintenant aux lecteurs le soin d’apprécier avec quel sens de la réalité pratique, quel souci de l’exactitude et quelle impartialité M. Raveau a conduit son travail. Ils seront unanimes, je pense, à souhaiter qu’il poursuive l’œuvre commencée et que d’autres, dans d’autres provinces, suivent son exemple.

Poitiers, octobre 1925.

A. DUBOIS,

Correspondant de l’Institut,

Professeur à la Faculté de Droit de Poitiers.

L'agriculture et les classes paysannes

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