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CHAPITRE VI
JARDINS ÉGYPTIENS

Table des matières

LES Égyptiens prétendaient être les premiers-nés de la création. Ils avaient cela de commun avec tous les autres peuples de l’Orient. Leurs annales font remonter leur origine à une antiquité prodigieuse et certainement exagérée. On ne peut cependant se refuser à admettre qu’ils s’étaient constitués en corps de nation, qu’ils s’étaient donné des lois, une religion et des arts, à une époque extrêmement reculée. Leur civilisation est donc une des plus anciennes; c’est aussi une des plus originales, des plus complètes et des plus homogènes que l’on puisse citer. Les Égyptiens semblent d’ailleurs avoir eu grand souci de l’avenir. Ils savaient que la vie des peuples n’est pas éternelle, et ils voulaient qu’après qu’ils auraient disparu de la face du monde, les races qui leur succèderaient ne pussent ignorer ce qu’ils avaient été. C’est sans doute dans cette vue qu’ils ont élevé des monuments énormes, capables de défier les atteintes du temps, et qu’ils y ont gravé ou sculpté les faits de leurs annales et le tableau de leurs rites sacrés, de leurs mœurs publiques et privées; et cela, non en mots écrits, que, faute de connaître leur alphabet, on n’aurait pas su lire, mais sous forme de figures: les unes représentant immédiatement ce qu’ils voulaient transmettre; les autres emblématiques, formant une sorte de langue universelle qu’il suffirait d’étudier avec attention pour parvenir sûrement à les interpréter.

Si tel fut, en effet, le but qu’ils se proposaient, ce but a été atteint. Grâce à la persévérance et à la sagacité de savants investigateurs, la civilisation de ce peuple, qui n’a laissé que fort peu de documents écrits, nous est aussi bien connue que celle des nations beaucoup moins anciennes, telles que les Grecs et les Romains, dont les traditions se relient, pour ainsi dire, sans interruption à l’histoire des peuples modernes, et dont les langues et les littératures sont la base de notre enseignement classique. Aussi n’aurons-nous pas besoin, pour édifier nos lecteurs sur l’horticulture des anciens Égyptiens, de recourir à l’analogie et à l’induction. Nous n’avons qu’à puiser directement aux sources qui nous sont ouvertes, et nous pouvons même donner, d’après les images retrouvées sur quelques monuments, deux dessins assez exacts, croyons-nous, de jardins du temps des Pharaons.

Ces jardins étaient de deux sortes: les jardins sacrés et les jardins particuliers. Il faut ranger dans cette seconde catégorie les jardins royaux, ceux-ci étant uniquement réservés pour l’usage du monarque. Les jardins sacrés entouraient les temples, vastes bâtiments qui servaient, non-seulement de sanctuaires pour la célébration des rites et des mystères religieux, mais aussi de logement aux animaux-dieux et aux prêtres. C’étaient des enclos plantés de palmiers et de sycomores, et contenant de larges bassins en granit et en porphyre, où croissait le lotus, où nageaient les crocodiles sacrés. On y voyait errer l’ibis, l’ichneumon, le najah, serpent redoutable que les prêtres savaient apprivoiser, et le varan ou monitor, grand lézard qui, selon la croyance égyptienne, conservée chez les Arabes de nos jours; avertissait l’homme, par un sifflement, de l’approche des animaux dangereux, et particulièrement de son collègue en divinité, le crocodile.

Les résidences champêtres des Égyptiens de distinction occupaient des espaces très-étendus et comprenaient de grands jardins. Quand elles n’étaient pas situées sur la rive du Nil, elles étaient toujours au moins pourvues d’un canal large et profond, qui recevait les eaux de ce fleuve et alimentait les bassins, souvent très-vastes, qui s’y trouvaient. Le maître pouvait se promener sur ces bassins dans un bateau de plaisance conduit par ses esclaves, ou se livrer au plaisir de la pêche; ce qu’il faisait d’ordinaire en compagnie de sa famille ou de quelques amis.


JARDIN D’UN TEMPLE ÉGYPTIEN.

L’eau était aussi reçue dans des puits et dans des citernes où on la puisait pour arroser les plantations. Il n’est pas de contrée où l’irrigation artificielle soit plus nécessaire qu’en Égypte. Comme il n’y pleut presque jamais et qu’on ne peut songer à laisser envahir les jardins par les inondations périodiques du Nil, l’arrosage dépend entièrement des ressources que l’on sait se créer en emmagasinant l’eau dans des réservoirs à l’époque des débordements.


BARQUE ÉGYPTIENNE

Le mode d’arrosage usité chez les anciens Égyptiens était fort simple. On suspendait les seaux ou les outres à l’extrémité d’une sorte de balancier à contre-poids, disposé au-dessus du réservoir; puis, lorsqu’on les avait remplis, on les accrochait, par couple, à une lanière de cuir ou bien à un joug qui se portait sur les épaules, et l’on allait les vider sur les plates-bandes ou au pied des arbres. La poulie et l’arrosoir étaient inconnus. Les jardins étaient entretenus avec beaucoup de soin; la composition en était très-variée, et le grand nombre de plantes utiles et de plantes d’agrément qu’on y cultivait, témoignait à la fois du goût des Égyptiens pour l’horticulture et de l’étendue de leurs connaissances botaniques. Mais le dessin était simple et peu élégant. La ligne droite et l’angle droit en faisaient tous les frais. Les plates-bandes étaient petites, de forme carrée; elles étaient en contre-bas des allées, et entourées d’un rebord en saillie, à peu près comme les bassins de nos marais salants. Une partie du jardin était occupée par des allées ombragées d’arbres. Au pied de chaque arbre était creusée une cavité circulaire destinée à retenir l’eau et à la faire arriver immédiatement aux racines.


ARROSAGE EN ÉGYPTE

Il est difficile de dire si les Égyptiens s’appliquaient à donner aux arbres de leurs jardins une forme particulière, ou si la figure adoptée par la sculpture était simplement un signe conventionnel destiné à représenter un arbre quelconque. Toutefois. les grenadiers et quelques autres arbres facilement reconnaissables sont ordinairement dessinés avec des branches inégales; ce qui peut faire croire que lès essences à cime volumineuse et à feuillage épais étaient seules taillées en forme de cônes ou de pyramides.

Les grands jardins étaient ordinairement divisés en plusieurs parties ayant chacune leur destination spéciale. Il y avait, par exemple, un enclos pour les palmiers ou pour les sycomores, un autre pour la vigne, un autre pour les plantes potagères, un autre enfin pour les fleurs et les plantes d’ornement, et ce dernier n’était pas le moins étendu. Un grand nombre d’arbustes et de végétaux herbacés de petite taille y étaient élevés dans des pots de terre rouge absolument semblables aux nôtres, et alignés en longues rangées au bord des allées d’arbres et des plates-bandes. Outre le jardin proprement dit, plusieurs grands personnages possédaient, comme dépendances de leurs villas, des étables et des basses-cours, des parcs avec des étangs poissonneux, des enclos réservés pour le gibier. Non contents de chasser dans ces parcs, ils enfermaient souvent de palissades un vaste terrain pris sur le désert, et là ils faisaient poursuivre le gibier par leurs chiens, ou bien ils le tuaient à coups de flèches. C’était, comme de nos jours, la chasse à courre et la chasse à tir, sauf la différence des armes.


CHASSE DANS UN PARC ÉGYPTIEN

Dans les tombeaux ou hypogées de Thèbes et d’autres villes d’Égypte, on trouve de nombreuses sculptures représentant des jardins. Nous citerons seulement un jardin royal, qui devait être entouré de murs bastionnés. Un canal communiquant avec le Nil était creusé devant l’entrée principale, entre le mur et le fleuve et parallèlement à l’un et à l’autre. Cette entrée consistait en un portail élevé, donnant sur une large avenue de grands arbres. Les linteaux et les pieds-droits du portail étaient décorés d’inscriptions hiéroglyphiques, parmi lesquelles se lisait le nom du prince propriétaire de ce domaine. De chaque côté se trouvaient les logements du gardien et des autres serviteurs chargés de l’entretien du jardin, ainsi qu’une salle d’attente où l’on faisait entrer les visiteurs qui ne s’étaient pas annoncés d’avance. Ces bâtiments avaient des portes s’ouvrant sur l’enclos affecté à la culture de la vigne. De l’autre côté s’élevait une maison à trois étages, environnée de beaux arbres verts et offrant une retraite agréable, où l’on venait se reposer et se rafraîchir. A peu de distance et en avant de cet édifice on voyait encore deux kiosques ou pavillons à colonnettes, à demi cachés sous les arbres et ayant vue sur des parterres de fleurs. La vigne occupait le milieu du jardin. Tout autour étaient disposées des plantations de palmiers-dattiers et de palmiers-doum. Quatre pièces d’eau où croissaient des plantes aquatiques, et sur lesquelles s’ébattaient des oies et des canards, fournissaient l’eau nécessaire à l’arrosage. Deux carrés situés de chaque côté de la vigne semblent avoir été réservés pour les plantes dont la culture exigeait des soins particuliers, ou qui donnaient des fruits de qualité supérieure.

Dans les jardins des particuliers, il n’était pas rare que les arbres fruitiers fussent mêlés aux plantes d’ornement; la vigne n’avait pas toujours son compartiment spécial. Ordinairement on la plantait en espalier sur des treillages en bois où ses rameaux s’étalaient en éventail; quelquefois cependant on la laissait croître en buissons; et comme dans ce cas elle n’atteint pas une grande hauteur, on se dispensait de la soutenir. On la disposait aussi en berceaux; mais on ne la laissait point s’enlacer à d’autres arbres, comme faisaient les Romains, qui la plantaient contre des hêtres, des ormes ou des peupliers.

Les deux espèces de palmiers que je viens de nommer tenaient le premier rang dans l’horticulture des Égyptiens, tant à cause de leur beauté que de leur utilité. Les dattes étaient chez eux, comme aujourd’hui chez les Arabes d’Afrique, un aliment populaire. On les mangeait fraîches ou confites dans du miel, ou simplement conservées. On utilisait d’ailleurs toutes les parties du dattier. Son tronc, entier ou fendu en deux, était employé dans les constructions. Ses frondes, ses folioles, son écorce, servaient à confectionner des treillages, des claies, des paniers, des nattes, des balais, des cordes, etc.


VILLA ÉGYPTIENNE

Le palmier-doum, ou palmier de Thèbes, était surtout cultivé dans la haute Égypte. Le bois de cet arbre est plus compacte et plus dur que celui du dattier. Les Égyptiens l’employaient dans la construction de leurs navires. Le fruit est une grosse noix enveloppée d’un tissu ligneux, et renfermant une amande dont la saveur aromatique rappelle celle du gingembre. Mais l’extrême dureté de cette amande la rend peu comestible; aussi ne la recherchait-on que pour la fabrication de colliers et d’autres objets de parure. Les feuilles du doum servaient à peu près aux mêmes usages que celles du dattier.

Après les palmiers, les principales espèces végétales cultivées dans les jardins égyptiens étaient le sycomore, le figuier, le grenadier, l’olivier, le jujubier, l’amandier, le pêcher, le canéficier, le myrte, plusieurs variétés d’acanthes, le chrysanthème, le lotus (nelumbium), le papyrus, le rosier, la violette, etc. Tel était le goût des Égyptiens pour l’horticulture, qu’afin d’augmenter la variété de leurs fleurs et de se procurer des plantes rares, ils exigeaient de certaines nations tributaires qu’elles payassent une partie de l’impôt en graines ou en végétaux de leur pays; et, selon Athénée, les jardins égyptiens étaient cultivés avec tant de soin, qu’on y voyait durant toute l’année des fleurs qui partout ailleurs sont rares, même dans la saison la plus favorable. Les appartements étaient toujours ornés de bouquets; on suspendait aux murailles des guirlandes de fleurs, et quand Agésilas visita l’Égypte, il fut si charmé de la beauté des guirlandes tressées avec les fleurs du papyrus, dont le roi d’Égypte lui fit présent, qu’il voulut emporter en Grèce plusieurs pieds de la plante qui les avait fournies.


Les jardins : histoire et description

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