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CHAPITRE II
LES JARDINS MERVEILLEUX–LES CHAMPS-ÉLYSÉENS –LE PARADIS DE MAHOMET

Table des matières

IL est si vrai que les jardins symbolisent pour l’homme le beau et le bon dans leur plus haute expression et dans leur alliance la plus intime, que lorsque les voyants, les prophètes, les poëtes, les instituteurs des peuples ont voulu donner une idée du séjour de la félicité suprême, ils n’ont jamais imaginé autre chose qu’un jardin paré des merveilles de la nature et embelli par les chefs-d’œuvre de l’art. Toutes les mythologies antiques donnent pour demeure d’outre-tombe aux héros, aux sages, aux justes, des jardins. Les Champs-Élyséens des Grecs et des Latins ne sont pas autre chose. Virgile y fait descendre le pieux Énée, conduit par la sibylle, auprès de son père Anchise, pour s’entretenir avec lui des destinées futures de sa race. Le héros troyen traverse d’abord le sombre Ténare, où les méchants subissent la peine de leurs forfaits; puis il pénètre dans les lieux enchanteurs réservés aux âmes des gens de bien.

Devenere locos lætos et amœna vireta

Fortunatorum nemorum, sedesque beatas.

Là, sur de verts gazons, parmi des bois de myrtes et de lauriers, les Élyséens se livrent aux plaisirs de la palestre, de la lutte, de la danse, de la musique.

Pars in gramineis exercent membra palæstris,

Contendunt ludo, et fulva luctantur arena:

Pars pedibus plaudunt choreas, et carmina dicunt.

Ce sont ceux qui ont conservé leur innocence et servi modestement les dieux; ceux qui sont morts en combattant pour la patrie; ceux qui ont doté l’humanité d’arts agréables et d’industries utiles; ceux enfin qui ont laissé sur terre le souvenir de leurs bonnes actions.

Hic manus ob patriam pugnando vulnera passi,

Qui que sacerdotes casti dum vita manebat,

Quique pii vates et Phœbo digna locuti,

Inventas aut qui vitam excoluere per artes,

Quique sui memores alios fecere merendo.

Une partie du bienheureux séjour est réservée aux âmes qui, après avoir bu avec les eaux du fleuve Léthé l’oubli profond du passé, doivent revoir la lumière du jour et prendre part de nouveau aux luttes de la vie terrestre. Les Élyséens errent d’ailleurs à leur fantaisie dans leur immense domaine, inondé de lumière par un soleil et par dès astres qui lui sont propres;–on sait que, pour les anciens, les astres n’étaient que des flambeaux fixés à la voûte du ciel, et dont l’existence pouvait, par conséquent, se concevoir au-dessous aussi bien qu’au-dessus du sol que foulent les mortels.–A quoi bon des demeures, des abris, là où l’air est d’une éternelle sérénité, là où nul n’a rien à cacher de ses actes à ceux qui l’entourent? Lorsque Énée s’adresse au poëte Musée et lui demande en quel endroit il pourra trouver Anchise, il en reçoit cette réponse:

Nulli certa domus. Lucis habitamus opacis,

Riparumque toros et prata recentia rivis

Incolimus.

Des idées analogues touchant la destinée des âmes vertueuses après la mort se retrouvent chez la plupart des peuples de l’antiquité, et en particulier chez les Égyptiens, à qui les Grecs avaient emprunté leurs principaux mythes. Toutefois des dogmes empreints d’un caractère plus spiritualiste semblent avoir dominé de tout temps dans une grande partie de l’Orient. La métempsycose des Hindous ne présente elle-même les transmigrations des âmes que comme une série plus ou moins longue d’épreuves que le principe immatériel doit traverser, pour se purifier de plus en plus et retourner finalement au sein de la Divinité.


LES CHAMPS-ÉLYSÉENS

Ce que la religion des mages et l’idolâtrie sabéenne, qui étaient, avant la venue de Mahomet, les deux cultes les plus répandus parmi les Arabes, enseignaient de la vie future, était ou trop vague ou trop abstrait pour être goûté par ces barbares ignorants, farouches et sensuels. Aussi le prophète n’eut-il pas de peine à s’assurer leur dévouement en promettant son paradis à ceux qui suivraient sa loi et qui sauraient au besoin combattre et mourir pour elle. Rien, en effet, ne pouvait sembler plus enviable à de pauvres nomades errant à travers les sables arides du désert et sous les feux dévorants du soleil; et l’on conçoit que nul effort, nul sacrifice ne leur coûte pour mériter une telle récompense. On parle si souvent du paradis de Mahomet, que mes lecteurs me sauront peut-être gré de donner ici l’esquisse des félicités qui, d’après le Koran, attendent au delà du tombeau les fidèles musulmans. Je passe sur les festins interminables auxquels ils seront conviés, sur les costumes éblouissants dont ils seront revêtus, sur les prévenances dont ils seront l’objet de la part des légions de serviteurs auxquelles ils commanderont, et je m’arrête seulement aux merveilles du pays enchanté dont ils seront citoyens. La description qu’on va lire est empruntée aux Observations historiques et critiques sur le mahométisme, du savant orientaliste anglais G. Sale.

Selon les musulmans orthodoxes, le paradis est situé dans le septième ciel, immédiatement au-dessous du trône de Dieu; et, pour en exprimer l’aménité, ils disent que la terre en est de la plus fine farine de froment ou du musc le plus pur, eu, selon d’autres, de safran; que ses pierres sont autant de perles et d’hyacinthes; que les murailles de ses édifices sont enrichies d’or et d’argent; que le tronc de tous ses arbres est d’or, et qu’entre ces arbres le plus remarquable est l’arbre appelé Tûba, ou l’arbre du bonheur. Ils disent que cet arbre est dans le palais de Mahomet, mais qu’une de ses branches s’étendra dans la maison de chaque vrai croyant; qu’il sera chargé de grenades, de raisins, de dattes et d’autres fruits d’une grosseur surprenante et d’un goût inconnu aux mortels; de sorte que si quelqu’un désire manger d’un fruit d’une espèce particulière, il lui sera présenté sur-le-champ. Ils ajoutent que les branches de cet arbre s’abaisseront d’elles-mêmes vers les mains de ceux qui voudront cueillir ses fruits, et que non-seulement il fournira aux bienheureux leur nourriture, mais encore qu’ils y trouveront des habits de soie, des animaux sellés et bridés, couverts de riches harnais, pour leur servir de monture, et que cet arbre est si grand que le cheval le plus léger mettrait plus de cent ans à sortir de son ombre, quand il irait au galop.

L’abondance des eaux étant une des choses qui contribuent le plus à rendre un lieu agréable, le Koran parle souvent des rivières du paradis comme en faisant un des principaux ornements. Quelques-unes, dit-il, sont des rivières où coule de l’eau; dans quelques autres coule du lait; dans d’autres, du vin; dans d’autres, du miel. Toutes prennent leur source des racines de l’arbre Tûba. Deux de ces rivières sont l’Al Kanthar et la Rivière de vie; mais de crainte qu’elles ne soient pas suffisantes, le jardin est encore arrosé d’une infinité de sources et de fontaines, doit les cailloux ne sont que rubis et émeraudes, dont les lits sont de camphre et de musc, et les bords de safran. Les plus remarquables portent les noms de Sal-Sabil et de Tasnim.

Mais toute cette magnificence est effacée par l’éclat de ces ravissantes filles du paradis, appelées, à cause de leurs grands yeux noirs, Hûr al oyûn (dont, par corruption, nous avons fait Houris), et qui feront la principale félicité des fidèles. Elles ne sont pas, disent-ils, créées d’argile comme les femmes mortelles, mais de musc pur. Elles sont exemptes, comme le Prophète l’affirme souvent dans le Koran, de toutes les infirmités humaines; leur modestie égale leur beauté; elles ont pour gynécées des pavillons faits de perles creuses de telles dimensions, qu’une seule pourrait couvrir quatre parasanges (mesure de superficie en usage chez les Orientaux), ou soixante milles tant en longueur qu’en largeur. Des tentes de perles, de rubis et d’émeraudes seront aussi la demeure des croyants, dont chacun ne possèdera pas moins de soixante-douze femmes prises parmi les filles du paradis, sans préjudice de celles qu’il aura eues sur terre et qui lui seront fidèlement rendues avec tout l’éclat de la jeunesse.

«Le nom que les mahométans donnent ordinairement à cet heureux séjour, ajoute notre auteur, est al Djannat, ou le Jardin; quelquefois aussi Djannat al Jerdaws, le Jardin du Paradis; Djannat Eden, le Jardin d’Eden, quoiqu’ils interprètent communément le mot Éden, non suivant le sens du mot hébreu, mais selon la signi fication qu’il a en leur propre langue, dans laquelle il signifie: une habitation fixe ou perpétuelle; ils le nomment encore Djannat al Mawa, le Jardin de la retraite; Djannat al Naïm, le Jardin du plaisir; outre plusieurs autres noms semblables.»


Les jardins : histoire et description

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