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II : La dame en robe blanche

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Cette fois, Bonaparte n’avait pas hésité.

Mû par cet élan irrésistible qui précipite instantanément tout vrai soldat à l’endroit où l’on se bat, il avait atteint, en quelques rapides enjambées, l’entrée principale du palais.

De toutes parts, retentissaient le crépitement des fusils et le choc des armes…

Bonaparte, au milieu de la populace délirante, escaladant les marches du grand escalier, qui ruisselait du sang des gardes et des Suisses, va pénétrer, pour la première fois, dans le palais des rois.

Il arrive au vestibule du premier étage, où plusieurs vieux gentilshommes, armés de leurs frêles épées de cour, s’efforcent de défendre les appartements où sont réfugiées les dames d’honneur de la reine et de Madame Elisabeth.

En un clin d’œil, ils sont abattus : les massacreurs, brisant à coups de hache les portes aux moulures dorées, se précipitent dans les salles, semant partout la terreur.

Bonaparte, pâle, frémissant, tourmentant la poignée de son sabre, pénètre dans les appartements du roi…

Le voilà dans le cabinet de travail, dont le parquet est jonché de parchemins, de feuilles de papier, de livres écartelés sur lesquels dansent frénétiquement des énergumènes.

Il passe dans la chambre à coucher. Là, le pillage est à son paroxysme. Une pendule, renversée de son socle, gît devant la cheminée… Le buste de la reine est ignominieusement souillé… Le portrait de Louis XVI a les yeux crevés… Des forcenés démolissent, à coups de pics, un secrétaire, dont les tiroirs, qui renferment des rouleaux d’or, des brevets de l’ordre de Saint-Louis, des titres de noblesse, des lettres de cachet, sont immédiatement vidés.

Cette fois, c’en est trop !… Bonaparte, malgré son empire sur lui-même et sa volonté de rester impassible, sent une nausée de dégoût lui monter à la gorge.

Et il va s’éloigner, lorsque, soudain, un cri atroce le cloue sur place :

— Grâce !… Pitié… ! A moi !… A moi !

Poursuivie par une bande d’insurgés, une jeune femme, d’une radieuse beauté, toute vêtue de blanc, ses magnifiques cheveux dénoués sur ses épaules, en proie à une frayeur inexprimable, se précipite vers le jeune officier en implorant :

— Défendez-moi !… Sauvez-moi !…

En un geste d’instinctive protection, Bonaparte lui a ouvert tout grands ses bras où elle se jette, éperdue… Des massacreurs cherchent à lui arracher leur proie.

Mais à peine l’un d’entre eux, un colosse débraillé, au torse et aux bras nus, a-t-il posé sa main énorme sur l’épaule de l’infortunée, que Bonaparte, l’œil enflammé, s’écrie :

— Citoyen, je te défends de toucher à cette femme !

— D’abord, toi, qui es-tu ? grincent plusieurs voix courroucées.

— Je suis un soldat au service de la France, clame Bonaparte, d’une voix métallique, qui résonne comme un appel de trompette. Croyez-vous donc, poursuit-il, servir la cause de la liberté en assassinant des femmes ?… Etes-vous des hommes libres ou des bêtes féroces ?

Un silence profond accueille ces paroles.

Les fauves sont domptés… Bonaparte vient de remporter sa première victoire ! Mais, comprenant qu’il ne faut pas donner à la haine assoupie le temps de se réveiller, il souffle à l’oreille de la dame en robe blanche, qui semble prête à défaillir :

— Venez, citoyenne !

Et, ouvrant brusquement une petite porte pratiquée dans la boiserie, il entraîne la jeune femme qui s’est accrochée à son bras… Puis, poussant rapidement un verrou extérieur, il scande :

— Et maintenant, madame, remettez-vous et guidez-moi.

Tandis que, revenus de leur stupeur, les tigres se jettent sur la porte et cherchent à l’enfoncer, la jeune femme, stimulée encore plus par la voix de son sauveur que par les affres du danger, lui dit :

— Lieutenant, suivez-moi !…

Tous deux, après avoir longé l’étroit couloir de service qui dessert les appartements du roi, atteignent le palier d’un escalier qui conduit au rez-de-chaussée du palais.

Rapidement, ils descendent les marches et se trouvent en face d’un étroit boyau à peine éclairé par de minuscules ouvertures grillées.

La jeune femme, qui semble connaître à merveille tous les tours et les détours du château, s’y engage aussitôt… Mais, à mesure qu’ils s’avancent, une fumée âcre, irritante, les prend à la gorge.

Suffoquée, la malheureuse chancelle. Bonaparte, qui la soutient, va rebrousser chemin, lorsque des cris menaçants lui annoncent que les massacreurs ont retrouvé leur trace.

Bonaparte saisit sa protégée dans ses bras et, continuant à marcher à travers le nuage qui s’épaissit de plus en plus, il arrive jusqu’à l’intérieur d’un bâtiment où un violent incendie s’est déclaré.

A travers une fenêtre, il aperçoit une petite cour déserte, Où tombent de grosses flammèches.

Sans hésiter, Bonaparte s’y élance, aidant ensuite la dame du palais à le rejoindre… De là, ils gagnent en courant une porte qui donne sur la rue de 1’Echelle…

Avisant un cabriolet de place qui passe à vide, l’officier fait signe à l’automédon de s’arrêter… Puis, emportant dans ses bras la dame en robe blanche, qui s’est évanouie, il l’installe sur les coussins et lance au conducteur :

— A l’hôtel de Metz… et au galop !

L'Aiglonne

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