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LETTRE OUVERTE

Table des matières

A MESSIEURS LES MEMBRES DE L’INSTITUT DE FRANCE.

(Les Intellectuels allemands)

26 octobre 1914.

Prenez garde, messieurs! Le vulgaire ne vous comprend pas. Peu vous chaut, me direz-vous. En quoi vous me semblez avoir tort.

Il est des circonstances exceptionnelles où l’union doit être absolue entre la nation et son élite, mieux encore où cette élite doit renoncer à la direction de la masse pour s’appliquer à pénétrer ses sentiments, à se les approprier et à leur fournir une expression définitive, qui emprunterait sa grandeur et sa force à votre célébrité.

Vous êtes l’Institut de France. Vous. rayonnez de haut sur le monde: vous êtes qualifiés pour parler au nom de la science, de l’art, des lettres, mais avant tout pour parler au nom de la France. Vous êtes l’Institut de France.

Or je ne suis pas sûr que vous ayez bien compris ce qu’a ressenti, à la lecture du manifeste des intellectuels allemands, la France des intelligences moyennes et des grands sacrifices, la France qui se bat, la France qui agit, la France qui veut du sol arrosé de son sang arracher le laurier de la victoire, la seule France qui compte aujourd’hui.

Elle a, si vous en voulez croire un humble témoin, éprouvé plus de dédain que d’indignation. Les mensonges cyniques de cette poignée de savants et de littérateurs d’outre-Rhin ont complété la démonstration déjà acquise de la solidarité jusque dans le crime de ce peuple de sauvages, d’incendiaires et d’assassins. Et c’est tout.

Les outrages de ces professeurs et de ces docteurs, dont la France armée connaît à peine les noms et ignore les ouvrages et les titres, venant après la violation des traités, la destruction de Louvain, le bombardement de Reims, la mutilation des enfants et des femmes, l’exécution sommaire des prêtres, etc., c’était si peu! C’était comparable à l’effet que produirait la chiquenaude d’un enfant sur un soldat qui vient de voir tomber un obus de 420.

Mais vous, Institut de France, qui comptez parmi les signataires du manifeste quelques-uns de vos associés et correspondants, vous ne pouviez professer semblable indifférence. Vous aviez des mesures à prendre.

Qu’avez-vous fait?

Vous avez délibéré. Vous avez, dans plusieurs de vos académies, examiné le dossier. Vous avez traité la question en droit et en fait. Vous avez même discuté votre compétence. Vous vous êtes embarrassés d’objections tirées de décrets ou d’arrêtés ministériels et de dispositions statutaires. Vous vous êtes demandé ce que ferait Londres ou ce que ne ferait pas Pétrograd. Une académie a dosé, suivant une formule, la désapprobation et la flétrissure. L’académie voisine a voulu avoir un dosage différent et une formule indépendante. Une troisième a, comme pour les procès épineux, continué son délibéré. C’est ainsi qu’en attendant l’accord, l’Institut de France conserve sur ses listes glorieuses des noms réprouvés par les uns, flétris par les autres et méprisés par tous.

Trop de formes et trop de procédure, messieurs! Laissez aux gens de Palais ces finasseries dont on riait au temps où l’on pouvait rire. Ils n’y ont pas mis tant de façons, vos correspondants et associés, pour commettre leur petite infamie et nous allonger de leur lourde main cette inoffensive taloche qu’ils ont voulu rendre insultante.

Je ne vous conseille pas: ce serait une dérision. Je vous dis ce que nous pensons et voudrions, nous, gens du commun, qui de très bas vous admirons parce que vous êtes très haut et que vous êtes la parure et l’honneur de notre chère patrie.

Nous ne voyons qu’une réponse à faire, et comme nous ne savons ni écrire, ni rédiger, et qu’il faut nous pardonner notre vulgarité, nous faisons tenir la réponse dans un mot et dans un geste.

Le mot: «Par ici la sortie!»

Le geste: Montrer la porte!

(Le Journal.)

De l'arrière à l'avant : chronique de la guerre

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