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Le Béton armé
ОглавлениеLe béton armé est une matière composée d’une ossature métallique noyée dans du béton. Les mots béton armé et ciment armé sont si couramment employés indistinctement l’un pour l’autre, que dans le langage ordinaire ils sont devenus synonymes; il est toutefois bon de rappeler qu’au point de vue technique le béton est du ciment auquel on a ajouté du sable, du gravier, de la pierraille, et qu’en réalité dans tous les travaux c’est le béton armé que l’on emploie; le ciment armé n’est guère employé que dans les cas où la résistance n’a qu’une importance secondaire comme par exemple dans la construction de minces cloisons de séparation de pièces, de bureaux etc.
L’histoire du béton armé et celle du ciment armé se confondent. C’est en 1855 que l’on voit une première application officielle du ciment armé réalisée par Lambot dans la construction d’un figurant à l’exposition de cette date. Auparavant, de ci de là, certains esprits ingénieux avaient formé avec un treillis de barres de fer une carcasse qu’ils recouvraient et empâtaient ensuite avec du ciment. En 1861 François Coignet énonce les premiers principes du béton armé et en indique certaines applications. En 1865 Joseph Monier prend en France un brevet concernant les caisses et bassins mobiles en fer et ciment. Puis en Angleterre Fairbairn, en Amérique Ward, Hyatt, Ransome se livrent à des recherches sur le béton armé ; en 1889 Bordenave crée un système de tuyau avec ce matériau; en 1892 apparaissent deux nouveaux systèmes: ceux de Edmond Coignet et de Hennebique, et enfin en 1895 Hennebique fait breveter un système qui a donné au béton armé son véritable essor en lui permettant d’embrasser tout le bâtiment.
D’autre part le béton armé se développait à l’étranger où en 1880 Monier prenait des brevets en Allemagne et en Autriche; ces pays ont su tirer un profit merveilleux des procédés des inventeurs français; Moller, Wünsch, Molan, Koenen, Rabitz sont ceux qui dans ces pays se sont le plus dévoués à la cause du béton armé.
Les dernières expositions de Paris, Dusseldorf, Saint-Louis, Rome ont été la consécration officielle du béton armé.
Dans le béton armé le béton et le métal doivent former un tout homogène dans lequel le béton travaille à la compression et le métal à l’extension. L’homogénéité est indispensable afin que les forces élastiques se transmettent du béton au métal et que la réunion des deux matériaux fassent réellement un nouveau corps. Le métal emprisonné dans le béton est complètement à l’abri des influences extérieures tout en conservant ses qualités physiques et chimiques. La rouille ne l’altère plus et on a même constaté qu’une barre de fer placée rouillée dans le béton perdait sa rouille au bout d’un certain temps. Les changements brusques de température n’ont plus d’action sur le métal. Cependant il faut avoir bien soin pour maintenir ces qualités de n’employer que du fer qui ne soit ni galvanisé, ni peint, et du béton qui ne contienne aucun principe capable de corroder le fer.
Le béton armé perméable au début devient imperméable au bout de peu de temps et d’autant plus rapidement que le ciment entrant dans sa composition est employé en plus grande quantité. Pour les ouvrages destinés à retenir ou contenir de l’eau, on obtient toujours l’étanchéité nécessaire soit en augmentant la quantité de ciment du béton soit en recouvrant le béton d’un enduit au mortier riche. Cette étanchéité du béton le rend très intéressant au point de vue hygiénique dans la construction des hôpitaux où les murs et les planchers ne se laissent plus pénétrer par les germes épidémiques; un simple lavage suffit à entretenir une propreté irréprochable.
Le béton armé est plus sonore que la maçonnerie mais moins sonore que le métal. Il est impénétrable, ce qui constitue une gêne quand on a des travaux à exécuter dans une installation terminée. Aussi adopte-t-on souvent le béton armé pour la carcasse du bâtiment et remplit-on les panneaux de matériaux ordinaires. Par contre l’avantage de cette dureté du béton armé est qu’il est absolument inattaquable par la dent des rongeurs.
Le béton armé a une grande souplesse, ce qui est pour lui une supériorité sur le métal et la maçonnerie; il se moule aisément et se prête aux formes les plus compliquées.
Une des très grandes qualités du béton armé c’est son incombustibilité ; il se comporte admirablement au feu le plus violent alors que le bois est consumé, que la pierre est calcinée et éclate sous l’action de l’eau que l’on jette; et enfin que le fer a un rôle déplorable, les poutrelles de plancher se dilatant et faisant écrouler les murs, et les colonnes de fer se pliant et s’effondrant.
Le béton armé étant mauvais conducteur de la chaleur, s’il est fortement chauffé à sa surface, la chaleur ne se transmet pas dans sa masse et n’arrive pas au métal; sa masse ne prend pas la température élevée que prend dans ces conditions une poutre de fer; la chose est si vraie que dans les expériences on peut mettre la main sur une paroi de 8 à 12 centimètres d’épaisseur dont la face opposée est chauffée au rouge. Voici d’ailleurs les expériences d’incombustibilité auxquelles ont été soumis presque tous les systèmes de béton armé. On construit en béton armé un petit bâtiment que l’on clôture et qui est couvert par une planche que l’on charge au taux maximum prévu; ce petit bâtiment est rempli de matériaux très combustibles; l’incendie est allumé et entretenu de façon à produire rapidement une température intérieure de 1.000 à 1.500 degrés. Cette température est maintenue une heure ou deux, puis le feu est éteint à l’aide de jets d’eau. Lorsque le plancher est refroidi on le décharge puis on le charge à nouveau pour constater la résistance qu’il offre encore. Les résultats de ces expériences ont toujours été satisfaisants.
Pratiquement, de grands incendies comme celui d’une partie de la ville de Baltimore ont démontré que les constructions en béton armé se comportaient remarquablement bien dans de pareils sinistres.
Toutefois il faut bien se pénétrer que le béton armé n’est pas totalement incombustible et qu’après l’assaut du feu il faut soigneusement visiter la construction pour en refaire les parties endommagées.
Un des phénomènes contre lequel le béton armé permet de lutter utilement c’est le tremblement de terre. A ce point de vue les désastres de San Francisco et de Messine ont été concluants. Les constructions en béton, armé ont résisté. Dans les constructions ordinaires, en effet, les matériaux n’ont pas cette cohésion absolue qui caractérise le béton armé et au moment du tremblement de terre chacun d’eux vibre pour son propre compte, ce qui entraîne la dislocation de l’édifice. Le béton armé forme au contraire un tout qui suivra les ondulations du terrain à la façon d’un bloc continu et élastique.
Le béton armé est donc un matériau de construction qui présente de grandes qualités: nous signalions plus haut que les dernières grandes expositions en avaient consacré l’emploi, nous ajouterons qu’il a pris récemment droit de cité, même dans les constructions artistiques: le dernier théâtre construit à Paris, le théâtre des Champs-Elysées, réservé aux représentations les plus élégantes, est construit tout entier en béton armé : cependant il a fallu remédier ici à l’apparence grisâtre et peu agréable du béton armé en revêtant toute la façade du monument par du marbre. Mais les parties intérieures sont restées telles quelles et l’ensemble de l’édifice ne laisse rien à désirer au point de vue esthétique.
Constitution du béton armé.
Les matériaux qui entrent dans la composition du béton armé doivent être choisis avec le plus grand soin: la proportion de ces matériaux entre eux varie avec l’ouvrage que l’on a à construire et il n’est pas possible de donner des règles générales pour cette proportion.
Le béton se compose de ciment, de sable et de gravier.
Le ciment doit être à prise lente et régulière; quelquefois dans des cas tout à fait particuliers on fait usage deciment à prise rapide, comme par exemple lorsqu’il s’agit d’une réparation à exécuter très vite, pour certains travaux hydrauliques notamment: mais il faut alors agir avec beaucoup de prudence.
Le véritable ciment qui convient aux constructions en béton armé est le ciment Portland artificiel à prise lente. Rappelons que le ciment Portland provient de la cuisson d’un calcaire argileux contenant 20 à 25 pour 100 d’argile; les ciments de Vassy, de Pouilly, de Bourgogne sont au contraire à prise rapide et proviennent de la cuisson d’un calcaire argileux contenant 25 à 35 pour 100 d’argile.
Le meilleur sable à employer est le sable propre, à grains anguleux: la grosseur de ces grains varie avec l’épaisseur des pièces et la largeur des mailles de l’armature métallique.
Le gravier doit également être très propre: Les dimensions de ses éléments ne doivent guère dépasser 3 centimètres.
Le dosage du béton a, on le conçoit, une grosse importance: à titre d’indication nous pouvons signaler que dans le système Hennebique on utilise la proportion de 300 kilogs de ciment pour 0m3,400 de sable et 0m3,850 de gravier et pierrailles.
D’une façon générale il est recommandé, quand on a un travail d’une certaine importance à effectuer, de faire un essai préalable pour bien connaître la qualité du ciment, du sable et du gravier que l’on va utiliser.
L’ossature métallique qui au début était exclusivement faite en fer, est souvent maintenant constituée par de l’acier: on emploie ce métal surtout dans les pièces fortement chargées.
La disposition de l’ossature métallique est très variable avec les constructeurs: dans tous les cas elle présente deux sortes de pièces; les pièces principales faites pour la résistance aux efforts, et les pièces secondaires destinées à établir la liaison entre l’ossature et le béton de façon à obtenir un tout bien homogène.
Souvent les pièces principales sont des fers ronds et les pièces secondaires des pièces plates ou «étriers» : elles affectent par exemple la disposition indiquée sur le croquis A; on renforce fréquemment l’ossature en plaçant une seconde barre de fer rond au-dessus de la première et en la pliant de façon à obtenir la forme figurée au croquis B. On peut également adopter la disposition du croquis C. Au lieu de fers ronds et d’étriers on fait souvent usage du métal appelé «Métal déployé », qui est le produit obtenu en étirant les fragments d’une tôle d’acier découpée de façon à leur donner une forme de losanges: ces losanges se placent les uns à côté des autres de façon que leurs parties évidées se superposent comme le montre la figure D.
Fig. 38.
Quelquefois il arrive que le béton devient secondaire et n’est plus utilisé que comme enveloppe protectrice, l’armature métallique assurant par elle-même la résistance, de la bâtisse; dans ce cas l’ossature prend la forme indiquée sur le croquis (système Matrai).
Le béton se prépare à la main ou par moyens mécaniques; cette dernière manière de faire est la meilleure, mais nécessite des frais spéciaux de matériel. La préparation des, fers se réduit à des opérations simples effectuées sur le chantier même sans ouvriers spéciaux quand les différentes pièces de l’ossature métallique de la construction ne demandent aucun assemblage entre elles. Dans certains cas au contraire la construction exige que les différentes pièces métalliques soient réunies entre elles; il faut alors une main-d’œuvre plus considérable.
Pour la constitution définitive de l’ouvrage on emploie deux procédés: ou bien on exécute l’ouvrage tout entier à son emplacement, ou bien certaines parties ou quelquefois même tous les éléments sont moulés à l’avance dans un chantier séparé. Le premier procédé est le plus fréquent dans les ouvrages de quelque importance: le béton mis en place à l’état mou reçoit la forme extérieure de l’ouvrage à construire à l’aide de moules que l’on nomme coffrages; ces moules emprisonnent la masse jusqu’à ce qu’elle soit capable de se soutenir par elle-même; la résistance finale de l’ouvrage est assurée par un «damage» soigné pendant la pose, damage qui consiste à fouler le béton au fur et à mesure qu’on l’ajoute avec l’outil appelé «dame», l’armature doit avoir une disposition telle qu’elle laisse toute facilité pour cette opération. Dans plusieurs systèmes les armatures ne présentent pas par elles-mêmes de résistance et ne peuvent tenir sans le béton qui les englobe. Les fers se placent alors après l’établissement du coffrage au fur et à mesure de la pose du béton. Dans d’autres systèmes l’armature métallique forme une carcasse métallique complète qui peut être établie avant le coffrage.
Après l’enlèvement du coffrage, la construction est en général recouverte d’un enduit qui lui donne un aspect plus agréable, mais rien n’empêche au point de vue résistance qu’elle reste telle qu’elle sort des coffrages. La pose de l’enduit demande des ouvriers spéciaux, car elle exige de grands soins pour obtenir un ton de parement uniforme.
Un des grands avantages du béton armé est la rapidité avec laquelle on l’utilise, rapidité due à ce que l’on utilise seulement des matériaux d’emploi courant sans engins de levage puissants. sans moyens de transports particuliers; l’économie est incontestablement très grande sur les constructions métalliques ou en maçonnerie.
On trouvera dans la circulaire ministérielle relative à l’emploi du béton armé tous les renseignements nécessaires à l’application du béton armé et l’indication des précautions à prendre dans son emploi, précautions rendues obligatoires par cette circulaire.