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Du mortier
ОглавлениеOn appelle en général mortier une composition destinée à unir fortement les pierres et à faire corps avec elles, et qui employée molle durcit ensuite. Le mortier est formé de chaux et de sable mélangés au moyen d’eau. Pour des constructions peu importantes, comme hangars, murs d’enceinte, etc., on se sert quelquefois et dans certains pays, d’argile au lieu de chaux; mais cette dernière est toujours préférable dans tous les cas.
Comme le mortier de chaux ne résiste que médiocrement à l’action du feu, qui calcine et décompose la chaux, il faut avoir soin de maçonner les cheminées et leurs tuyaux en mortier de terre argileuse.
Il y a certaines espèces de chaux qui non seulement ne se dureissent pas dans l’eau ou à l’humidité, mais qui se détériorent, tandis que d’autres au contraire font durcir le mortier dans l’eau.
Quant au mortier de terre argileuse, il ne résiste pas à l’humidité et encore moins à l’action de l’eau. A l’exception de la chaux hydraulique, qui durcit dans l’eau, l’air est indispensable à tous les mortiers de chaux, d’abord pour les sécher et ensuite pour les durcir.
La chaux est produite par là calcination du calcaire; cette calcination enlève l’acide carbonique et l’humidité de la pierre à chaux, et la substance qui reste ainsi purifiée par l’action ignée produit la chaux vive propre aux mortiers.
Les calcaires les plus purs produisent ce qu’on appelle la chaux grasse, qui demande beaucoup d’eau pour être éteinte, supporte une grande quantité de sable, et fournit par suite beaucoup de mortier; mais cette chaux est très lente à durcir à l’air, elle n’y prend même jamais une grande consistance, et reste tendre dans les lieux humides.
Les calcaires mélangés de silicates alumineux, et principalement de silicates hydratés, produisent au contraire la chaux maigre ou la chaux hydraulique. Moins productive que la chaux grasse, en ce qu’elle absorbe beaucoup moins d’eau et supporte peu le sable, elle a l’avantage immense de durcir promptement à l’air et dans les endroits humides, et on doit l’employer lorsqu’on tient plus à la solidité qu’à l’économie. La chaux hydraulique durcit même dans l’eau, circonstance qui la rend indispensable pour toutes les constructions hydrauliques, où les mortiers de chaux grasse se délayeraient complètement.
On ne trouve pas partout des calcaires capables de produire de la chaux maigre, ou hydraulique; mais on parvient à en faire artificiellement lorsqu’on peut se procurer de la craie ou des marnes calcaires susceptibles de se délayer à l’eau. On les réduit en bouillie épaisse, qu’on mélange avec des matières argileuses délayées ou des scories volcaniques, des scories de forges, des briques ou des poteries réduites en poudre fine; on en fait alors des pains, qu’on laisse sécher et qu’on cuit ensuite comme le calcaire lui-même. Lorsqu’on n’a pas de calcaire délayable. on peut employer la chaux ordinaire de la localité, qu’on laisse éteindre à l’air: on en mêle ensuite la poussière avec des silicates argileux délayés ou broyés; on fait une pâte du tout avec un peu d’eau, et on forme comme précédemment des pains, qu’on laisse sécher pour les recuire de nouveau. Ce procédé a l’inconvénient de coûter cher, à cause de la double cuisson.
Pour faire de la bonne chaux, il faut choisir les pierres calcaires les plus dures, les plus pesantes, celles dont le grain est fin, homogène, et dont la texture, ou liaison des parties, est la plus compacte. Les cailloux calcaires et les marbres font d’excellente chaux.
La pierre est convertie en chaux au moyen d’un four, qui ne doit être chauffé que par degrés; il faut que le degré de chaleur aille toujours en augmentant, sans interruption. Chaque fournée ne doit contenir qu’une seule espèce de pierre, d’une même carrière, s’il est possible, afin que la chaux qui en provient soit d’une même qualité. Nous n’entrerons pas plus avant dans la fabrication de la chaux, parce que cette fabrication n’est pas du ressort du constructeur amateur, qui emploie les matériaux tels que les livre le commerce. Disons seulement en dernier lieu qu’il est utile d’employer la chaux le plus tôt possible après sa cuisson.
Quand la chaux nouvellement fabriquée est arrosée d’eau, elle pompe cette eau jusqu’à un quart de son propre poids (poids de la chaux), et gonfle pour se réduire ensuite en peu de temps en une poudre blanche et sèche. Dans cette transformation de la pierre à chaux cuite en poudre sèche et facilement triturable (hydrate de chaux), il se dégage une assez grande quantité de calorique, qui forme une vapeur d’une odeur particulière, et qui en s’échappant entraîne de la substance calcaire décomposée. Alors si l’on ajoute une plus grande quantité d’eau à la chaux éteinte, la poudre calcaire se change en une bouillie nommée lait de chaux, qui sert pour faire le mortier destiné à lier les matériaux entre eux dans la maçonnerie.
La chaux éteinte gagne en qualité lorsqu’elle est préservée du contact de l’air et conservée pendant un certain temps dans des fosses humides. Dans beaucoup de localités, on a l’habitude d’éteindre la chaux dans une sorte de caisse carrée en bois, de 2 mètres à 2m,60 en tous sens, et d’environ 60 centimètres de profondeur, afin que le manœuvre puisse broyer ou triturer commodément la masse calcaire avec le croc à chaux. Le fond de cette caisse est un peu incliné vers le côté où l’on a creusé en terre la fosse destinée à recevoir la chaux éteinte. Sur ce même côté on a pratiqué une ouverture destinée à laisser échapper la matière, ouverture qui est fermée au moyen d’une trappe à coulisse.
On met dans la. caisse en bois ou dans tout autre récipient, formé d’un fond de bois entouré d’un bourrelet de terre, par exemple, une quantité de chaux égale au quart du volume du contenant, puis on jette dessus autant d’eau que le chaux peut en absorber: on la laisse ensuite reposer jusqu’à ce qu’elle se fende ou se convertisse en poudre. Alors on y mêle assez d’eau pour produire une bouillie liquide et ayant toujours soin de triturer la masse avec un croc ou rabot. Quand le tout est bien mêlé et qu’on n’y remarque plus de petits morceaux de chaux non dissous, on ouvre la trappe et laisse couler la chaux éteinte dans la fosse disposée à cet effet.
Dans le cas où l’on aurait mis trop peu d’eau, il se trouverait encore des parcelles de calcaire non éteintes; ces grains non encore dissous se dissolvent peu à peu dans la fosse en question.
Quand la chaux qu’on a laissée couler dans la fosse est assez évaporée, il s’y forme des fentes ou gerçures à la superficie; il faut alors la préserver de l’action de l’air, qui serait nuisible, parce que cette action de l’air y introduirait de l’acide carbonique. On peut facilement obvier à cet inconvénient, en couvrant la fosse d’une couche de sable de 40 à 60 centimètres. Le séjour prolongé de la chaux dans une fosse humide et recouverte de sable produit une masse homogène, et la terre calcaire fait intimement corps avec l’eau. Or, le mortier composé avec de la chaux préparée ainsi dans une fosse où elle est restée un certain temps est préférable au mortier fait avec de la chaux éteinte au moment même de son emploi. Le premier est plus compact, plus serré et plus dur.
Il est prudent de ne pas jeter l’eau trop précipitamment sur la chaux qu’on veut éteindre, car il est prouvé que les parties chaudes et non encore dissoutes de la chaux se fondent mal, surtout si l’extinction se fait avec de l’eau froide. Plus cette eau est froide, plus aussi son action est nuisible dans l’opération de l’extinction de la chaux échauffée. La condition de l’eau exerce une grande influence sur le résultat de l’extinction calcaire. Aussi l’eau potable, l’eau de rivière ou d’étang est préférable à l’eau de puits, et dans tous les cas il faut éviter de se servir de l’eau sale qui à la longue produit le salpêtre. L’eau salée a le même inconvénient.
On éteint la chaux maigre dès qu’elle sort du four: on la baigne pendant quelques secondes dans l’eau jusqu’à ce qu’elle semble se réduire en poudre: alors on la sort de l’eau. Si l’on veut l’éteindre complètement, la réduire réellement en poudre, il faut la concasser en petits morceaux de deux à trois centimètres cubes de volume, afin que la vapeur d’eau amenée par le calorique puisse pénétrer la chaux et la dissoudre. Si l’on met la chaux en poudre obtenue par immersion à l’abri de l’humidité, on peut la conserver assez longtemps; mais il vaut mieux l’employer aussitôt qu’elle a été éteinte: le mortier est plus liant, il prend et durcit plus vite.
La bonté du mortier dépend autant de la manière dont il est préparé que de la qualité des matières qui le composent. Il est donc essentiel que cette opération soit faite avec toutes les précautions qu’exigent les qualités de ces matières.
Mais les procédés à suivre peuvent plutôt s’indiquer que se prescrire d’une manière absolue, les doses en quantités dépendant toujours des qualités des matières, qui varient selon les localités.
Ainsi, il y a de la chaux vive, comme celle de Melun, qui absorbe en s’éteignant deux fois et demie son poids d’eau pour former une pâte moyennement liquide, comme il faut qu’elle soit pour faire le mortier ordinaire sans être obligé d’y ajouter de l’eau.
D’autres qualités de chaux ne consomment, pour former une pâte de même consistance, qu’une quantité d’eau égale à son poids. Pour faire un bon mortier avec la première de ces pâtes (chaux de Melun), il faut mêler trois parties de sable de rivière avec une partie et demie de chaux; en faisant usage de la seconde pâte, il en faut deux parties pour trois du même sable. — Dans le premier mortier la quantité de chaux en pâte est moitié de celle du sable, tandis que dans le second elle en est les deux tiers.
Pour la fondation des bâtiments on prendra de la chaux grasse (non hydraulique et éteinte par fusion) dans la proportion de 0m,370 cubés et du sable de rivière 0m,950 cubes.
Pour pavage de cours, chaux grasse un peu hydraulique 0m,340 et 0m,820 cubes de ciment de tuileaux.
Pour réservoirs, etc., chaux grasse un peu hydraulique 0m, 250 cubes, 0m,940 cubes de sable de rivière et 0m,200 cubes de pouzzolane ou matière analogue.
Pour travaux quelconques dans l’eau, chaux hydraulique très énergique 0m,360 cubes, 1 mètre cube de sable de rivière et 0m,040 de pouzzolane.
Pour faire les joints, 2 parties de chaux hydraulique, 2 parties de sable et 1 partie de bon ciment romain.
Lorsque le mortier, le bon mortier hydraulique, est entièrement confectionné, on ajoute, pour faire du béton, la pierraille ou les cailloux qui doivent le constituer, et le mélange s’effectue encore à l’aide de pilons ou de massettes (fixées au bout de manches en bois, et dont nous avons déjà parlé plus haut), en battant avec force et vitesse. Nous revindrons plus tard sur remploi du béton.