Читать книгу Thermidor: d'après les sources originales et les documents authentiques - Ernest Hamel - Страница 12

VII

Оглавление

Table des matières

Toutefois, il faut bien le dire, l'effet immédiat de cette sanglante tragédie, fut de faire rentrer sous terre la contre-révolution. L'idée républicaine, loin de s'affaiblir, éclata plus rayonnante que jamais, et se manifesta sous toutes les formes.

Au lendemain de la chute des dantonistes, la Convention, sur un rapport de Carnot, supprimait l'institution des ministères et la remplaçait par l'établissement de douze commissions, comprenant les diverses attributions des anciens ministères. Il y avait la commission de l'instruction publique, si négligée jadis, et qui, pour la première fois, figurait au rang des premiers besoins du pays.

Presque en même temps, dans un accès de sombre enthousiasme, l'Assemblée décrétait que tout individu qui usurperait la souveraineté du peuple serait mis à mort sur-le-champ, et que, dans le délai d'un mois, chacun de ses membres rendrait compte de sa conduite politique et de l'état de sa fortune. C'était là sans doute un décret très austère et personne moins que Robespierre ne pouvait en redouter les effets; il le critiqua néanmoins, parce qu'il craignit que les malveillants ne s'en fissent une arme contre les riches et ne portassent dans les familles une inquisition intolérable. Il était en cela fidèle au système de modération et de bon sens qui, quelques jours auparavant, l'avait engagé à défendre les signataires des fameuses pétitions des huit mille et des vingt mille, que certains énergumènes voulaient ranger en bloc dans la catégorie des suspects.

Jusqu'au dernier jour, il ne se départit pas du système qu'il avait adopté: guerre implacable, sans trêve ni merci, à tous les ennemis actifs de la République, à tous ceux qui conspiraient la destruction de l'ordre de choses résultant des principes posés en 1789; mais tolérance absolue à l'égard de ceux qui n'étaient qu'égarés. Il ne cessa de demander que l'on ne confondît pas l'erreur avec le crime et que l'on ne punît pas de simples opinions ou des préjugés incurables. Il voulait, en un mot, que l'on ne cherchât pas partout des coupables.

Nous le voyons, à la fin de germinal, refuser sa signature à la proscription du général Hoche, qui avait été arrêté à l'armée des Alpes sur un ordre écrit de Carnot et signé par ce dernier et Collot-d'Herbois. Le 22 germinal (11 avril 1794), le comité de Salut public eut à statuer sur le sort du général. Neuf de ses membres étaient présents: Barère, Carnot, Couthon, Collot-d'Herbois, C.-A. Prieur, Billaud-Varenne, Robespierre, Saint-Just et Robert Lindet. Deux étaient en mission aux armées, Jean-Bon Saint-André et Prieur (de la Marne), le douzième, Hérault-Séchelles, venait d'être guillotiné.

Le résultat des débats de cette séance du 22 germinal fut l'arrêté suivant: «Le comité de Salut public arrête que le général Hoche sera mis en état d'arrestation et conduit dans la maison d'arrêt dite des Carmes, pour y être détenu jusqu'à nouvel ordre.» Tous signèrent, tous excepté Robespierre qui, n'approuvant pas la mesure, ne voulut pas l'appuyer de l'autorité de son nom[10].

[Note 10: Ont signé, dans l'ordre suivant: Saint-Just, Collot-d'Herbois, Barère, C.-A. Prieur, Carnot, Couthon, Robert Lindet et Billaud-Varenne.—M. Hippolyte Carnot, dans ses Mémoires sur Carnot, fait figurer Robespierre au nombre des signataires de cet arrêté. C'est une grave erreur. Nous avons relevé nous-même cet arrêté sur les catalogues de M. Laverdet. Nous avons fait mieux, nous avons été consulter—ce que chacun peut faire comme nous—l'ordre d'écrou du général aux archives de la préfecture de police, et nous l'avons trouvé parfaitement conforme au texte de l'arrêté publié dans le catalogue Laverdet.]

Hoche n'ignora point qu'il avait eu Robespierre pour défenseur au Comité de Salut public, et, le 1er prairial, il lui écrivit la lettre suivante que nous avons révélée à l'histoire: «L. Hoche à Robespierre. Le soldat qui a mille fois bravé la mort dans les combats ne la craint pas sur l'échafaud. Son seul regret est de ne plus servir son pays et de perdre en un moment l'estime du citoyen qu'il regarda de tout temps comme son génie tutélaire. Tu connais, Robespierre, la haute opinion que j'ai conçue de tes talents et de tes vertus; les lettres que je t'écrivis de Dunkerque[11] et mes professions de foi sur ton compte, adressées à Bouchotte et à Audoin, en sont l'expression fidèle; mais mon respect pour toi n'est pas un mérite, c'est un acte de justice, et s'il est un rapport sous lequel je puisse véritablement t'intéresser, c'est celui sous lequel j'ai pu utilement servir la chose publique. Tu le sais, Robespierre, né soldat, soldat toute ma vie, il n'est pas une seule goutte de mon sang que je n'ai (sic) consacré (sic) à la cause que tu as illustrée. Si la vie, que je n'aime que pour ma patrie, m'est conservée, je croirai avec raison que je la tiens de ton amour pour les patriotes. Si, au contraire, la rage de mes ennemis m'entraîne au tombeau, j'y descendrai en bénissant la République et Robespierre. L. HOCHE.» Cette lettre ne parvint pas à son adresse[12]. Hoche était certainement de ceux auxquels Robespierre faisait allusion lorsque, dans son discours du 8 thermidor, il reprochait aux comités de persécuter les généraux patriotes[13].

[Note 11: Ces lettres ont disparu. C'est encore là un vol fait à l'histoire par les Thermidoriens.]

[Note 12: Cette lettre de Hoche à Robespierre a été trouvée dans le dossier de Fouquier-Tinville, accompagnée de celle-ci: «Je compte assez, citoyen, sur ton attachement aux intérêts de la patrie pour être persuadé que tu voudras bien remettre la lettre ci-jointe à son adresse. L. Hoche.»—Fouquier garda la lettre. On voit avec quel sans façon le fougueux accusateur public agissait à l'égard de Robespierre. (Archives, carton W 136, 2e dossier, cotes 90 et 91).]

[Note 13: On lit dans les Mémoires sur Carnot, par son fils, t. I, p. 450: «J'avais sauvé la vie à Hoche avec beaucoup de peine, du temps de Robespierre, et je l'avais fait mettre en liberté immédiatement après Thermidor.» C'est là une allégation démentie par tous les faits. Hoche ne recouvra sa liberté ni le 11, ni le 12, ni le 13 thermidor, c'est-à-dire au moment où une foule de gens notoirement ennemis de la Révolution trouvaient moyen de sortir des prisons où ils avaient été enfermés.

Hoche n'obtint sa liberté, à grand peine, que le 17. Voici l'arrêté, qui est de la main de Thuriot: «Le 17 Thermidor de l'an II…. Le comité de Salut public arrête que Hoche, ci-devant général de l'armée de la Moselle, sera sur-le-champ mis en liberté, et les scellés, apposés sur ses papiers, levés…. Signé Thuriot, Collot-d'Herbois, Tallien, P.-A. Lalloy, C.-A. Prieur, Treilhard, Carnot. (Archives, A. T. II, 60.)]

Ce fut surtout dans son rapport du 18 floréal, sur les fêtes décadaires, que Robespierre s'efforça d'assurer le triomphe de la modération et de la tolérance religieuse, sans rien diminuer de l'énergie révolutionnaire qui lui paraissait nécessaire encore pour assurer le triomphe de la République.

C'était Danton qui, le premier, avait réclamé, à la Convention, le culte de l'Être suprême. «Si la Grèce eut ses jeux Olympiques, disait-il, dans la séance du 6 frimaire an II (26 novembre 1793), la France solennisera aussi ses jours sans-culottides. Le peuple aura des fêtes dans lesquelles il offrira de l'encens à l'Être suprême, le maître de la nature; car nous n'avons pas voulu anéantir la superstition pour établir le règne de l'athéïsme.»

On voit combien, sur ce point, il marchait d'accord avec Robespierre, et l'on ne peut que déplorer qu'il n'ait plus été là pour soutenir avec lui les saines notions de la sagesse et de la raison.

Dans la reconnaissance de l'Être suprême, qui fut avant tout un acte politique, Robespierre vit surtout le moyen de rassurer les âmes faibles et de ramener le triomphe de la raison «qu'on ne cessait d'outrager, dit-il, par des violences absurdes, par des extravagances concertées pour la rendre ridicule, et qu'on ne semblait reléguer, dans les temples, que pour la bannir de la République».

Mais, en même temps, il maintenait strictement la liberté des cultes, maintes fois déjà défendue par lui, et qui ne sombra tout à fait qu'après le 9 thermidor. «Que la liberté des cultes, ajoutait-il, soit respectée pour le triomphe même de la raison.» Et l'article XI du décret rendu à la suite de ce rapport, et par lequel la Convention instituait des fêtes décadaires pour rappeler l'homme à la pensée de la Divinité et à la dignité de son être portait: «La liberté des cultes est maintenue, conformément au décret du 18 frimaire.»

Il fut décidé, en outre, qu'une fête en l'honneur de l'Être suprême serait célébrée le 2 prairial, fête qui fut remise au 20, et à laquelle Robespierre dut présider, comme président de la Convention.

C'étaient donc la liberté de conscience et la tolérance religieuse qui triomphaient, et c'est ce qui explique pourquoi le rapport du 18 floréal souleva, dans la France entière, des acclamations presque unanimes.

Thermidor: d'après les sources originales et les documents authentiques

Подняться наверх