Читать книгу Thermidor: d'après les sources originales et les documents authentiques - Ernest Hamel - Страница 8
III
ОглавлениеAprès être allé passer quelques semaines dans son pays natal, qu'il n'avait pas revu depuis deux ans, et où il fut également l'objet d'une véritable ovation, il revint à Paris qu'il trouva en proie à une véritable fièvre belliqueuse. Les Girondins, maîtres de l'Assemblée législative, y avaient prêché la guerre à outrance, et leurs discours avaient porté au suprême degré l'exaltation des esprits.
Au risque de compromettre sa popularité, Robespierre essaya de calmer l'effervescence publique et de signaler les dangers d'une guerre intempestive. La guerre, dirigée par une cour évidemment hostile aux principes de la Révolution, lui semblait la chose la plus dangereuse du monde. Ce serait, dit-il, la guerre de tous les ennemis de la Constitution française contre la Révolution, ceux du dedans et ceux du dehors. «Peut-on, raisonnablement, ajouta-t-il, compter au nombre des ennemis du dedans la cour et les agents du pouvoir exécutif? Je ne puis résoudre cette question, mais je remarque que les ennemis du dehors, les rebelles français et ceux qui passent pour vouloir les soutenir, prétendent qu'ils ne sont les défenseurs que de la cour de France et de la noblesse française.» Il parvint à ramener à son opinion la plus grande partie des esprits; les Girondins ne le lui pardonnèrent pas, et ce fut là le point de départ de leur acharnement contre lui.
La guerre se fit néanmoins. Mais ses débuts, peu heureux, prouvèrent combien Maximilien avait eu raison de conseiller à la France d'attendre qu'elle fût attaquée avant de tirer elle-même l'épée du fourreau.
On vit alors Robespierre donner sa démission d'accusateur public, aimant mieux servir la Révolution comme simple citoyen que comme fonctionnaire. Il fonda, sous le titre de Défenseur de la Constitution, un journal pour défendre cette Constitution, non pas contre les idées de progrès, dont il avait été à la Constituante l'ardent propagateur, mais contre les entreprises possibles de la cour, convaincu, dit-il, que le salut public ordonnait à tous les bons citoyens de se réfugier à l'abri de la Constitution pour repousser les attaques de l'ambition et du despotisme. Il mettait donc au service de la Révolution son journal et la tribune des Jacobins, dont il était un des principaux orateurs, se gardant bien, du reste, d'être le flagorneur du peuple et n'hésitant jamais à lui dire la vérité.
Cela se vit bien aux Jacobins, le 19 mars 1792, quand le ministre girondin Dumouriez vint, coiffé du bonnet rouge, promettre à la société de se conduire en bon patriote. Au moment où, la tête nue et les cheveux poudrés, Robespierre se dirigeait vers la tribune pour lui répondre, un sans-culotte lui mit un bonnet rouge sur la tête. Aussitôt il arracha le bonnet sacré et le jeta dédaigneusement à terre, témoignant, par là, combien peu il était disposé à flatter bassement la multitude.
Dès le mois de juillet, il posa nettement, dans son journal et à la tribune des Jacobins, la question de la déchéance et de la convocation d'une Convention nationale. «Est-ce bien Louis XVI qui règne? écrivit-il. Non, ce sont tous les intrigants qui s'emparent de lui tour à tour. Dépouillé de la confiance publique, qui seule fait la force des rois, il n'est plus rien par lui-même.»
«… Au-dessus de toutes les intrigues et de toutes les factions, la nation ne doit consulter que les principes et ses droits. La puissance de la cour une fois abattue, la représention nationale régénérée, et surtout la nation assemblée, le salut public est assuré.»
Le 10 août, le peuple fit violemment ce que Robespierre aurait voulu voir exécuter par la puissance législative. Il le félicita de son heureuse initiative et complimenta l'Assemblée d'avoir enfin effacé, au bruit du canon qui détruisait la vieille monarchie, l'injurieuse distinction établie, malgré lui, par la Constituante entre les citoyens actifs et les citoyens non actifs.
Dans la soirée même, sa section, celle de la place Vendôme, le nomma membre du nouveau conseil général de la commune. Élu président du tribunal institué pour juger les conspirateurs, il donna immédiatement sa démission en disant qu'il ne pouvait être juge de ceux qu'il avait dénoncés, et qui, «s'ils étaient les ennemis de la patrie, s'étaient aussi déclarés les siens».[3]
[Note 3: Lettre insérée dans le Moniteur du 28 août 1792.]
Nommé également membre de l'assemblée électorale chargée de choisir les députés à la Convention nationale, Il prit peu de part aux délibérations de la Commune. Le bruit des affreux massacres de septembre vint tardivement le frapper au milieu de ses fonctions d'électeur. A cette nouvelle, il se rendit au conseil général où, avec Deltroy et Manuel, il reçut la mission d'aller protéger la prison du Temple qui fut, en effet, épargnée par les assassins.[4]
[Note 4: Procès-verbaux du conseil général de la commune de Paris. Archives de la ville, v. 22, carton 0.70.]
Jusqu'ici, rien de sanglant n'apparaît ni dans ses actes ni dans ses paroles. Maintenant, jusqu'où doit aller, devant l'histoire, sa part de responsabilité dans les mesures sévères, terribles que, pour sauver la Révolution et la patrie, la Convention allait bientôt prendre ou ratifier? C'est ce dont le lecteur jugera d'après ce récit, écrit d'après les seules sources officielles, authentiques et originales.