Читать книгу Thermidor: d'après les sources originales et les documents authentiques - Ernest Hamel - Страница 25
I
ОглавлениеQue reprocha surtout Robespierre à ses ennemis? Ce fut d'avoir multiplié les actes d'oppression pour étendre le système de terreur et de calomnie[87]. Ils ne reculèrent devant aucun excès afin d'en rejeter la responsabilité sur celui dont ils avaient juré la perte.
[Note 87: Discours du 8 thermidor.]
L'idée de rattacher l'affaire de Ladmiral et de Cécile Renault à un complot de l'étranger et de livrer l'assassin et la jeune royaliste au tribunal révolutionnaire en compagnie d'une foule de gens avec lesquels ils n'avaient jamais eu aucune relation, fut très probablement le résultat d'une noire intrigue. Chargé de rédiger le rapport de cette affaire, Élie Lacoste, un des plus violents ennemis de Robespierre, s'efforça, dans la séance du 20 prairial, de rattacher la faction nouvelle aux factions de Chabot et de Julien (de Toulouse), d'Hébert et de Danton.
On aurait tort, du reste, de croire que l'accusation était dénuée de fondement à l'égard de la plupart des accusés; méfions-nous de la sensiblerie affectée de ces écrivains qui réservent toutes leurs larmes pour les victimes de la Révolution et se montrent impitoyables pour les milliers de malheureux de tout âge et de tout sexe immolés par le despotisme. Ni Devaux, commissaire de la section Bonne-Nouvelle et secrétaire du fameux de Batz, le conspirateur émérite et insaisissable, ni l'épicier Cortey, ni Michonis, n'étaient innocents. Étaient-ils moins coupables, ceux qui furent signalés par Lacoste comme ayant cherché à miner la fortune publique par des falsifications d'assignats? Il se trouva qu'un des principaux agents du baron de Batz, nommé Roussel, était lié avec Ladmiral. Cette circonstance permit à Élie Lacoste de présenter Ladmiral et la jeune Renault comme les instruments dont s'étaient servis Pitt et l'étranger pour frapper certains représentants du peuple. Le père, un des frères et une tante de Cécile Renault, furent enveloppés dans la fournée, parce qu'en faisant une perquisition chez eux, on avait découvert les portraits de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Un instituteur, du nom de Cardinal, un chirurgien nommé Saintanax et plusieurs autres personnes arrêtées pour s'être exprimées en termes calomnieux et menaçants sur le compte de Collot-d'Herbois et de Robespierre, furent impliqués dans l'affaire avec la famille Saint-Amaranthe et quelques personnages de l'ancien régime.
Robespierre resta aussi étranger que possible à cet affreux amalgame et à la mise en accusation de la famille Renault, cela est clair comme la lumière du jour. Il y a mieux, un autre frère de la jeune Renault, quartier-maître dans le deuxième bataillon de Paris, ayant été incarcéré, à qui s'adressa-t-il pour échapper à la proscription de sa famille?… A Maximilien. «A qui avoir recours»? lui écrivit-il. «A toi, Robespierre! qui dois avoir en horreur toute ma génération si tu n'étais pas généreux…. Sois mon avocat….» Ce jeune homme ne fut point livré au tribunal révolutionnaire[88]. Fut-ce grâce à Robespierre, dont l'influence, hélas! était déjà bien précaire à cette époque, je ne saurais le dire; mais comme il ne sortit de prison que trois semaines après le 9 thermidor, on ne dira pas sans doute que s'il ne recouvra point tout de suite sa liberté, ce fut par la volonté de Maximilien.
[Note 88: Voyez cette lettre de Renault à Robespierre, en date du 15 messidor, non citée par Courtois, dans les Papiers inédits, t. I, p. 196.]
Il faut avoir toute la mauvaise foi des ennemis de Robespierre, de ceux qui, par exemple, ne craignent pas d'écrire qu'il s'inventa un assassin, pour lui donner un rôle quelconque dans ce lugubre drame des chemises rouges, ainsi nommé parce qu'il plut au comité de Sûreté générale de faire revêtir tous les condamnés de chemises rouges, comme des parricides, pour les mener au supplice. C'était là, de la part du comité un coup de maître, ont supposé quelques écrivains; on voulait semer à la fois l'indignation et la pitié: voilà bien des malheureux immolés pour Robespierre! ne manquerait-on pas de s'écrier.—Pourquoi pas pour Collot-d'Herbois?—Ce qu'il y a seulement de certain, c'est que les conjurés faisaient circuler ça et là dans les groupes des propos atroces au sujet de la fille Renault. C'était, sans doute, insinuait-on, une affaire d'amourette, et elle n'avait voulu attenter aux jours du dictateur que parce qu'il avait fait guillotiner son amant[89]. Ah! les Thermidoriens connaissaient, comme les Girondins, la sinistre puissance de la calomnie!
[Note 89: Discours de Robespierre à la séance du 13 messidor aux
Jacobins. Moniteur du 17 messidor (5 juillet 1794).]