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I

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Nous sommes au lendemain de la fête de l'Être suprême, à laquelle Robespierre, comme on l'a vu, avait présidé en sa qualité de président de quinzaine de la Convention, et où il était apparu comme un modérateur.

Si le décret relatif à l'Être suprême et à l'immortalité de l'âme avait été reçu par l'immense majorité des Français comme un rayon d'espérance et le gage d'une pacification prochaine à l'intérieur, il avait indisposé un certain nombre d'hébertistes de la Convention; mais, au fond, les ennemis de Robespierre, les Fouché, les Tallien, les Bourdon, les Courtois, se souciaient fort peu de Dieu ou de la déesse Raison; ils faisaient de l'irréligion un trafic, comme plus tard quelques-uns d'entre eux mettront leurs intérêts sous la sauvegarde de la religion restaurée. Ce qui les irrita le plus dans cette cérémonie imposante, ce fut le triomphe éclatant de celui dont déjà ils conspiraient la perte. Aux marques de sympathie de la foule pour le président de l'Assemblée, aux acclamations enthousiastes et affectueuses du peuple, ils répandirent par des cris de haine et de fureur. «Voyez-vous comme on l'applaudit»! disaient les uns en allant de rang en rang pour semer le soupçon contre lui dans le coeur de ses collègues[14]. Il n'y a qu'un pas du Capitole à la roche Tarpéienne, s'écriait celui-ci, parodiant un mot de Mirabeau; et celui-là, irrité des applaudissements qui marquaient sa présence, Je te méprise autant que je t'abhorre[15]. Bourdon (de l'Oise) fut celui qui se fit remarquer le plus par ses grossiers sarcasmes et ses déclamations indécentes[16].

[Note 14: Discours de Robespierre à la séance du 8 thermidor.]

[Note 15: Lecointre a revendiqué l'honneur de cette insulte; il faut le lui laisser tout entier. Ainsi, aux yeux de ce maniaque, le grand crime de Robespierre, c'était «les applaudissements qui marquaient sa présence». (Conjuration formée dès le 5 prairial, p. 3.)]

[Note 16: Notes de Robespierre sur certains députés. Papiers inédits, t. II, p. 19.]

Aux injures vomies par l'envie, Robespierre se contenta d'opposer le mépris et le dédain. N'avait-il pas d'ailleurs une compensation suffisante dans l'ovation dont il était l'objet, et les cris d'amour poussés à ses côtés n'étaient-ils pas assez puissants pour étouffer les discordantes clameurs de la haine? Aucune altération ne parut sur son visage, où se reflétait dans un sourire la joie universelle dont il était témoin. Les chants patriotiques entonnés sur la montagne symbolique élevée au milieu du champ de la Réunion, l'hymne de Chénier à l'Être suprême, qui semblait une paraphrase versifiée de ses discours, et auquel Gossec avait adapté une mélodie savante, tempérèrent, et au delà, pour le moment, l'amertume qu'on s'était efforcé de déposer dans son coeur. Mais quand, à la fin du jour, les derniers échos de l'allégresse populaire se furent évanouis, quand tout fut rentré dans le calme et dans le silence, il ne put se défendre d'un vague sentiment de tristesse en songeant à l'injustice et à la méchanceté des hommes. Revenu au milieu de ses hôtes, qui, mêlés au cortège, avaient eux-mêmes joui du triomphe de leur ami, il leur raconta comment ce triomphe avait été flétri par quelques-uns de ses collègues, et d'un accent pénétré, il leur dit: «Vous ne me verrez plus longtemps[17].» Lui, du reste, sans se préoccuper des dangers auxquels il savait sa personne exposée, ne se montra que plus résolu à combattre le crime sous toutes ses formes, et à demander compte à quelques représentants impurs du sang inutilement versé et des rapines exercées par eux.

[Note 17: Je ne trouve nulle trace de cette confidence dans le manuscrit de Mme Le Bas. Je la mentionne d'après M.A. Esquiros, qui la tenait de Mme Le Bas elle-même.]

Thermidor: d'après les sources originales et les documents authentiques

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