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CHAPITRE XIV

Table des matières

Il était environ dix heures du matin, lorsque je m’éveillai, grâce à un léger bruit. Levant les yeux alors, j’aperçus une forme humaine sur le seuil de mon habitation.

C’était une femme.

On devinait son origine étrangère au premier abord: sa peau rouge et son costume, annonçaient une Indienne de l’Amérique septentrionale.

Je n’avais jamais aperçu cette femme-là, dont les traits, à peu près réguliers, répondaient avantageusement à l’idée que l’on peut se faire de ce type assez connu: le front fuyant et un peu étroit, surmontait des yeux très-expressifs, quoique petits, le nez était légèrement aquilin et quelque peu fort à sa base, les pommettes des joues, fortement accusées, la bouche, petite et délicate, et le menton ovale. En somme, la tête était fine, la poitrine, robuste, et tout le reste du corps, bien découplé, annonçait à la fois la décence et la résolution.

Un peigne doré, comme en ont les enfants, relevait sa chevelure lisse et noire, traversée par une grosse épingle en métal brillant. Deux perles pendaient à ses oreilles. Sur sa poitrine, se croisaient la corde d’un grand arc et l’attache d’un carquois, effleurant un poignard fixé à sa ceinture, et ses pieds étaient chaussés de mocassins.

Le reste du costume annonçait presque l’opulence. comparé à celui des naturels de l’île, quoiqu’il n’en différât pas essentiellement.

— Good morning, brother, Nancy Wilson, dit-elle en anglais, salue son frère pâle.

— Que demande ma sœur? répondis-je dans la même langue.

— Mon frère reconnaît-il ce poignard?

— Parfaitement bien, il vient de moi.

— Une mère l’a reçu en échange de sa fille qu’elle redemande.

On échange tout, dans ce pays-là, et ma femme se trouvait être échangée trois fois: par le roi, par le prêtre et par sa mère. C’était, comme on voit, beaucoup d’échanges.

— L’homme pâle, répondis-je, ne reprend pas ce qu’il a donné, et ne rend pas ce qu’il a reçu.

— Mon frère semble plongé dans le lac de l’affliction.

— Que ma sœur regarde, et elle en comprendra le motif.

Alors Nancy Wilson se pencha doucement sur le hamac.

— Poor child (pauvre enfant), murmura-t-elle, puis, s’adressant à moi, pourquoi ne l’envoyez-vous pas à sa mère?

— Sa place est ici.

— Ecoutez, poursuivit-elle, comme je suis fort connue de la Fleur-des-eaux et de la Madre-négra, c’est cette dernière qui, après avoir assemblé un conseil, m’envoie vous apporter deux propositions que voici: rendez la Fleur-des-eaux, et je vous laisse ce poignard, c’est la paix; ou gardez votre femme, et je vous laisse cet arc et ces flèches pour vous défendre.; demain vous aurez deux cents Canaques soulevés autour de votre habitation, et c’est la guerre. Réfléchissez. D’ailleurs, on a toujours le temps d’entrer dans la plaine des chasses bleues (le ciel).

— Je n’accepte pas la paix à ces conditions, répondis-je; d’abord, j’ai des armes de feu pour combattre, ensuite une voile viendra me venger, si je dors du grand sommeil.

— La voile est loin, mais l’ennemi est près; que mon frère pâle songe donc à sa défense. Je n’ai plus rien à lui dire.

Et elle s’éloigna.

Une histoire au-dessus du crocodile

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