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Imprimer des prologues théâtraux au début du XVIIᵉ siècle. Le cas des recueils du farceur Bruscambille

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Flavie KERAUTRET

Université Paris Nanterre

Dans le premier tiers du XVIIᵉ siècle, alors que l’essor de la publication imprimée du théâtre en est encore à ses prémices, que le statut des écrivains n’est pas stable ni reconnu – et qui plus est celui des dramaturges, contraints de céder temporairement l’exclusivité de leurs pièces à la troupe qui les interprétait –, sont édités massivement les prologues du comédien Jean Gracieux. Ces discours sont rapidement regroupés sous le pseudonyme de Bruscambille, un nom de scène qui va peu à peu envahir les pages de titre de ses ouvrages. Nous connaissons peu de choses de ce farceur qui apparaît par intermittence comme membre des « comédiens ordinaires du roi » dans certaines minutes notariales1. Ses recueils de monologues, qui restent les traces les plus importantes de son activité, le présentent comme un « comédien » adoptant le surnom de « Des Lauriers » pour les rôles sérieux2. Ces prologues se présentent comme des discours destinés aux planches du théâtre, comme des tirades visant à être prononcées pour capter l’intérêt des spectateurs, notamment ceux de l’Hôtel de Bourgogne, avant la représentation de pièces plus longues. Mis en série, sans les pièces qu’ils introduisaient à l’origine, ces monologues sont édités avec succès puisque l’on compte 43 éditions entre 1609 et 1635, date à partir de laquelle les réimpressions se tarissent. Ces harangues aux sujets et tonalités variés abordent volontiers des thématiques telles que le cocuage, l’avarice, la folie…, auxquelles elles réservent un traitement souvent comique, et se nourrissent entre autres des codes de l’éloge paradoxal, du galimatias ou du plaidoyer satirique.

Ce succès de librairie prétend trouver ses racines sur scène en portant encore la marque de ce cadre de production au sein des titres mais aussi des textes eux-mêmes avec les annonces de l’entrée en scène des acteurs de la pièce suivante et surtout à travers l’allure orale et spectaculaire de ces prises de parole couchées sur le papier3. Pouvons-nous, dès lors, considérer ces prologues comme des productions théâtrales, compte tenu de leur formidable réussite dans le domaine de l’imprimé ? Ces écrits cherchent-ils à programmer une consommation et une réception similaire à celle du théâtre imprimé à l’époque ? Si nous considérons, avec Roger Chartier4, que les choix de formats et de mise en page tendent à caractériser les écrits et à programmer leur lecture, la piste de la matérialité est susceptible de nous éclairer sur ce point. Nous pouvons tenter de rapprocher les ouvrages du farceur de ceux que l’on classe communément parmi le théâtre imprimé pour voir s’ils correspondent à ces modèles. Il s’agit ici de reconsidérer les productions de Bruscambille et de se pencher sur le phénomène éditorial qu’ils ont constitué en le replaçant dans une histoire culturelle et dans une histoire du théâtre imprimé5. Pour ce faire, nous comparerons le théâtre et les recueils de prologues de Bruscambille en tant que « phénomènes incarnés6 » et nous tâcherons de voir si ces ouvrages disposent des mêmes réseaux de diffusion. Les observations effectuées permettront sans doute de repenser les classifications et les hiérarchies dans lesquelles sont pris les prologues de Jean Gracieux. L’objectif n’est donc pas de traquer ici une intention auctoriale mais d’analyser un geste éditorial pour le situer dans la sphère de l’imprimé, théâtral peut-être.



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