Читать книгу La préparation des États-généraux de 1789 en Poitou - H Couturier - Страница 14
§ 3. — Les paysans.
ОглавлениеI. Petits propriétaires. — II. Métayers et journaliers.
I. — L’organisation de la propriété doit-elle être considérée comme quelque peu responsable de cette triste situation économique? La petite propriété n’était pas aussi inconnue en Poitou que voulait bien le dire l’abbé de Moussac . Certains termes des cahiers décèlent son existence. Le cas de Payroux, où, à la suite de mauvaises récoltes successives, certains propriétaires se sont résignés à mendier, est loin d’être isolé. A Brux, s’ «il y a fort peu de propriétaires», il est cependant question de laboureurs «qui ont du bien». A Vaux, les petits propriétaires, réduits à la dernière nécessité, laissent incultes leurs biens fonds. S’il y a «peu de propriétaires» à Thuré, du moins y en a-t-il quelques-uns? A Souvigné, si l’on dit que les deux tiers de la paroisse n’ont aucune propriété, il reste sous-entendu que l’autre tiers jouit de quelques lopins de terre . Il y a une petite propriété en Poitou, et si l’on ne veut pas s’en tenir au témoignage des cahiers, les rôles des vingtièmes conservés permettent de l’affirmer: certains donnent une idée très nette de la proportion des taillables et des privilégiés dans la catégorie des propriétaires ruraux. Au Poiroux, il y a 10 cotes de privilégiés contre 30 de taillables ; à Saint-Valérien, 13 contre 77 ; à Béruges, en 1785, 10 de privilégiés possédant 4.088 livres de revenus contre 39 de taillables possédant 3.818 livres de revenus . Les paroisses situées aux environs de Poitiers, comme Buxerolles, Biard, Croutelle, montrent une propriété bien plus divisée encore.
Mais ce qui est certain aussi, et c’est là un phénomène général, c’est que les paysans ont les plus mauvaises terres . On pourrait en multiplier les exemples . Il faut dire aussi que la situation du petit propriétaire se rapproche à certains égards de celle du fermier. Sa terre est astreinte à des redevances seigneuriales qui ne peuvent être rachetées et dont le poids l’oppresse, en s’ajoutant à la charge des impôts.
II. — Le métayage est, en Poitou, le plus important mode de faire valoir, et la situation du métayer n’est pas meilleure que celle du petit propriétaire . Isolés, ne possédant pas la grande force de l’association, comme les corporations ouvrières, les métayers sont désarmés en face des propriétaires. Ils doivent en passer par la volonté du maître et ne sont guère avantagés par leur bail. Les seigneurs se réservent les vignes, les prés et les bois; ils donnent la culture de leurs terres labourables, moyennant une portion des fruits, toujours au-dessous de la moitié .
Cependant ces petits propriétaires, ces fermiers, forment une aristocratie dans la communauté rurale: ce sont les laboureurs, c’est-à-dire les premiers parmi les paysans. Au-dessous d’eux existe un prolétariat agricole: les journaliers, plus misérables encore, qui n’ont que leurs bras pour vivre, et parfois un tout petit et insuffisant lopin de terre et un cheptel : leurs ressources sont faibles; leur salaire est dérisoire à la campagne, comme à la ville celui de l’ouvrier: six à neuf sous ; ils ont peine à gagner le pain de leur famille. Placés au dernier degré de l’échelle sociale, les pauvres journaliers n’auront que la part la plus minime aux délibérations de l’assemblée rurale; c’est à peine si une dizaine d’entre eux dans le Poitou tout entier pourront se faire élire au sein des assemblées paroissiales.