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CHAPITRE III

Table des matières

NOTIFICATION AUX PAROISSES RURALES ET PUBLICATION.

I. Formalités de la notification. — II. Retards. — III. Lacunes et erreurs. IV. Publication de la lettre royale et du règlement y annexé.

I. — Il fallait transmettre aux communautés la convocation royale. L’article 22 du règlement portait: «Les baillis ou sénéchaux principaux ou leurs lieutenants feront notifier les lettres de convocation ainsi que le présent règlement par un huissier royal aux officiers municipaux des villes, maires, consuls, préposés, ou autres officiers des paroisses et communautés de campagne, situés dans l’étendue de leur juridiction pour les cas royaux.» Des instructions facilitaient l’accomplissement de cette formalité. Les lieutenants généraux devaient faire imprimer le nombre d’exemplaires de leur ordonnance dont ils auraient besoin pour les faire publier et afficher dans leur ressort. Ils devaient également faire imprimer séparément les modèles d’assignations et les remettre aux huissiers. Enfin ils devaient faire passer aux maires et échevins des villes non comprises dans l’état, ainsi qu’aux fabriciens, consuls ou préposés de paroisses ou communautés, le modèle de procès-verbal.

Nantis des différentes pièces qu’ils avaient à notifier, les huissiers royaux commencèrent à parcourir les paroisses du Poitou. Quelques-uns fournirent des courses considérables. Guillaume Saugé, huissier de l’élection de la ville de Niort, ne fit pas moins de 43 notifications ou significations du 23 au 28 février. Les notifications furent, en général, faites aux syndics ou aux officiers municipaux . A Avon, Allard, huissier royal, fit signification à Pierre Dubreuil-Cham-bardel, greffier de la municipalité, le 20 février, et au début de la réunion du 1er mars, le syndic reçut la pièce des mains de son greffier, et entendit ses explications sur la façon dont il s’était conformé de point en point à ladite signification pour la publication des lettres du roi.

Les huissiers avaient droit à 12 sous par exploit. Ils réclamèrent des avances. M. de Nanteuil leur en donna: «Ils ont eu 100 à 120 livres, en tout 100 pistoles .» Ils devaient rembourser la somme après paiement. Le 22 février, M. de Bazoges écrivait: «Il m’a paru indispensable de faire décerner l’exécutoire d’environ 1.200 livres pour faire des avances aux huissiers chargés des significations et notifications. »

II. — Malgré la diligence de M. de Bazoges, qui écrivait le 18 février qu’il allait faire partir le lendemain les huissiers chargés des notifications dans la partie la plus éloignée de sa circonscription, des retards furent causés par l’étendue du ressort. Cette difficulté spéciale à la sénéchaussée de Poitiers devait mettre des obstacles à l’arrivée à temps de la notification dans les paroisses les plus reculées. L’assignation n’y put parvenir assez tôt pour permettre à toutes les réunions d’avoir lieu de manière que leurs représentants arrivassent au début de l’assemblée préliminaire de Poitiers. Ce fut le cas de l’île d’Yeu, où la notification fut faite seulement après le 1er mars; la publication ne put avoir lieu que le dimanche 7, et les députés nommés dans l’assemblée générale n’avaient pas le temps matériel d’arriver à Poitiers le 9, afin d’y prendre part aux premières opérations de la comparution .

Dans certains sièges secondaires, des pièces manquèrent retardant les notifications. Le 22 février, M. de Bazoges annonce qu’il craint qu’on ne soit arrêté pour les notifications à cause du défaut d’exemplaires des lettres de convocation. «On n’a pas reçu, écrit il, les exemplaires des lettres de convocation que l’instruction annonce devoir être adressées directement.» Pour hâter l’arrivée des paquets de pièces officielles à Civray et Montmorillon, qui ne sont pas desservis directement par la messagerie de Paris, il prie le directeur de la messagerie de Poitiers d’y envoyer les paquets par exprès dès leur arrivée: Mais une crainte lui reste: pour peu qu’il y ait de retard, il sera impossible que les sièges puissent avoir leur assemblée préliminaire assez tôt pour être à Poitiers le 16. Cette crainte ne se réalisa pas, bien que les communautés des sénéchaussées de Civray et Montmorillon n’aient pas reçu toutes les pièces qui devaient légalement leur être notifiées. Après avoir constaté cette lacune sans pouvoir la réparer, leurs chefs-lieux n’ayant pas d’imprimerie, les officiers de ces deux sièges, justement alarmés, prirent des initiatives diverses. Le lieutenant général de Civray perdit patience le premier : «J’ai prorogé jusqu’au 5 mars l’exécution de l’ordonnance dont je vous envoie copie; le retard qu’éprouvent à me parvenir les lettres du roi m’oblige à n’en faire la distribution qu’au moment de l’assemblée de Civray.» Il fit seulement notifier par les huissiers les ordonnances du sénéchal de Poitiers et du lieutenant général de Civray et remettre un modèle de procès-verbal. Cette décision est mentionnée dans un passage d’une lettre de M. de Nanteuil qui indique au garde des sceaux la conduite différente des officiers de Civray et de Montmorillon, et approuve celle du premier .

III. — Les huissiers indiquent dans leurs procès-verbaux qu’ils ont remis toutes les pièces qu’ils devaient notifier. Il semble qu’en général ils procédèrent assez régulièrement à la convocation, et notifièrent bien les divers documents, lettres du roi, règlements, ordonnances, modèles de procès-verbaux. Les assignations, dont les originaux imprimés et complétés par des mentions manuscrites subsistent, indiquent bien la remise: 1° des lettres du roi données à Versailles le 24 janvier 1789 pour la convocation et tenue des Etats généraux du royaume; 2° du règlement y joint; 3° de l’ordonnance de M. le lieutenant général rendue en conséquence, le tout imprimé sur papier libre, collationné et certifié véritable .

Cependant, dans la sénéchaussée de Civray, des lacunes ou des oublis sont signalés; on sait d’ailleurs qu’il manquait des pièces au chef-lieu . Dans leur procès-verbal, les habitants de Paizay-le-Tort signalent qu’ils n’ont pu se conformer aux prescriptions du règlement touchant la lecture des documents royaux: «Les lettres de Sa Majesté et le règlement y annexé n’ayant point été lu, attendu que les habitants ont déclaré qu’on ne le leur avait pas envoyé ni communiqué.» De même les habitants de Salles-les-Aunay se plaignent de n’avoir pas reçu les lettres du roi . Les habitants de Maisonnais n’ont reçu que l’ordonnance du lieutenant général de Civray et se plaignent de n’avoir ni le règlement ni la lettre du roi, qui ne leur ont été ni signifiés ni adressés. Ces plaintes sont d’ailleurs isolées, et même dans les six autres paroisses convoquées par le même Perrain, archer, il semble résulter du procès-verbal que toutes les pièces utiles ont été déposées entre les mains de qui de droit: ceci montre quelle confiance limitée il faut avoir dans tous les procès-verbaux imprimés.

S’ils furent privés dans leurs notifications des lettres de convocation et du règlement annexé, les huissiers de la sénéchaussée de Civray furent certainement munis de modèles de procès-verbaux pour les assemblées de paroisse, puisque plusieurs communautés se sont servies, pour dresser le leur, de ce modèle en y ajoutant seulement des mentions manuscrites . Cet imprimé est-il parvenu dans toutes les sénéchaussées? On s’en est servi à Thuré , et par conséquent dans le ressort de Châtellerault. A Rouillé, à Rocheservière, le procès-verbal est également conforme au modèle. Il est donc avéré qu’il fut distribué dans les ressorts de Civray, Châtellerault, Lusignan et Poitiers. On ne peut être aussi affirmatif pour ceux de Niort et Saint-Maixent. Sans doute, on le retrouve à Saint-Liguaire ; mais le cas est un peu isolé pour permettre de prétendre qu’il a été remis par les huissiers à toutes les communautés de la sénéchaussée de Niort, quand tous les autres procès-verbaux du siège ne rappellent en rien le modèle. A Montigny , on trouve bien un procès-verbal conforme au modèle, mais c’est une exception; la proximité même de la sénéchaussée de Civray suffit à l’expliquer. Quelques erreurs aussi furent commises: quelques paroisses reçurent notification pour le 16 et non pour le 9 dans le ressort de Poitiers. Il fallut leur notifier à nouveau .

IV. — Le dernier acte de la convocation dans les paroisses devait être la publication des lettres et règlement royaux, premièrement au prône des messes paroissiales et deuxièmement à l’issue desdites messes, à la porte de l’église, dans une assemblée convoquée en la forme accoutumée. Les curés habitués à promulguer les actes de l’autorité civile portèrent à la connaissance de leurs paroissiens la teneur des actes qui avaient été notifiés aux syndics et autres officiers de la paroisse, et s’acquittèrent de cette tâche, dès le 1er mars. Quelques-uns, touchés tardivement sans doute par la notification, ne firent leur lecture au prône que le 8 mars . Minot, curé de Fontenille, qui devait donner sa procuration à Jallet, curé de Chérigné, fit mieux que les autres. Dans sa hâte, il publia les lettres de convocation avant la messe commencée . A l’issue de la messe, nouvelle lecture fut faite par le syndic , après un son de cloche qui paraît être la manière habituelle de convoquer l’assemblée. Dans certains endroits la lecture fut faite par le greffier.

Le plus souvent, simple mention est faite dans le procès-verbal des diverses lectures faites par le curé et le syndic. Mais quelques syndics attentionnés ont pris soin de dresser procès-verbal des lectures faites au prône de la messe, et à l’issue «d’ycelle». Ils l’ont fait soit dans le cahier de doléances lui-même , soit dans le procès-verbal . D’autres fois, la publication a été certifiée dans un monument séparé. A Verruyes, 17 signatures attestent la lecture des lettres royales par le curé : «Nous soussignés... certifions que M. Pruet, prêtre, curé de Saint-Martin de Verruyes, a publié...» De même, sur le cahier des délibérations de la municipalité de Thuré, on lit à la date du 1er mars un certificat rédigé par Delaporte, greffier . Ou bien le prêtre lui-même certifie avoir fait la lecture au prône , et remet son certificat au syndic qui pourra prouver ainsi par une pièce que la lecture prescrite a été faite.

La préparation des États-généraux de 1789 en Poitou

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