Читать книгу La préparation des États-généraux de 1789 en Poitou - H Couturier - Страница 20
ANNONCE DES ÉTATS GÉNÉRAUX ET MOUVEMENT DES IDÉES.
ОглавлениеI. Souvenir des assemblées antérieures. — II. Publicité donnée aux actes royaux qui précédèrent la convocation. — III. Brochures et publications diverses. — IV. Les questionnaires des assemblées d’élection.
I. — A plusieurs reprises, les paroisses du Poitou avaient été appelées à concourir à la préparation des Etats généraux . Mais en 1789 on ne semble pas avoir gardé de ce passé lointain un souvenir très distinct. Quand l’arrêt du Conseil du 5 juillet 1788 eut décidé la convocation des Etats généraux, et en même temps demandé aux assemblées provinciales de réunir tous les renseignements possibles sur les Etats antérieurs, la commission intermédiaire de l’assemblée du Poitou ne put réunir que des indications très incomplètes.
Appelées à donner des éclaircissements sur les anciennes convocations, les assemblées de département de la généralité de Poitiers ne fournirent que des indications très sommaires sur la préparation des Etats dans les villes, presque nulles sur la participation des paroisses rurales à ces assemblées. Elles ne répondirent même pas toutes. «La commission intermédiaire n’a reçu de mémoires que des assemblées de Fontenay, Niort et Saint-Maixent et de simples extraits du registre du corps de ville de Poitiers qui ne contiennent que les noms des députés à quelques-uns des Etats généraux.» Dans ces conditions, elle avoua humblement son incompétence à dresser un plan sérieux de convocation pour les Etats. Elle ne pouvait faire mieux, étant donné le laconisme des renseignements envoyés. Voici, par exemple, ce qu’il y avait de plus intéressant dans les documents recueillis à Poitiers: c’est un extrait des registres de l’hôtel de ville du lundi 20 août 1588: «Le maire a remontré que, pour obéir à la convocation des Etats (appelés à Blois pour le 15 septembre), le corps de ville était invité à élire deux députés, pour se trouver au Parquet du Palais jeudi prochain 25 août avec les autres députés des villes royales et bailliages du comté et du pays du Poitou.» «.... Ordonné qu’il sera dressé un coffre en forme de tronc en l’église des Jacobins pour mettre, par l’ouverture d’icelui, tous mémoires et instructions pour dresser les remontrances... »
Un mémoire envoyé directement par MM. les députés du bureau du département de Châtellerault le 14 octobre 1788 était un peu plus explicite: «En vertu d’une lettre du Roi de Saint-Germain-en-Laye du 22 janvier 1649, copie collationnée fut envoyée aux curés des paroisses de l’étendue du ressort pour être publiée au prône... pour que tous gens du Tiers-Etat se trouvent à Châtellerault, le 22 février.» Il fut enjoint «à chacun des trois Etats de dresser des vœux».
En définitive, trop de temps s’était écoulé depuis la dernière tenue des Etats pour qu’un souvenir bien vivace en fût resté dans le peuple.
II. — Si les Poitevins n’avaient pas de souvenir bien précis sur les anciennes convocations, leur attention commença à être attirée de bonne heure sur les Etats généraux par l’annonce de la convocation royale et surtout les efforts des publicistes.
A la suite de l’arrêt du Conseil du Roi du 5 juillet 1788, concernant la convocation des Etats, la nouvelle des prochaines assises nationales fut portée à la connaissance de tous les Français. Le 28 juillet 1788, M. de Nanteuil écrivait , à M. le procureur-syndic de la haute ville de Lusignan, pour lui ordonner la lecture de cet arrêt, à l’issue de la messe paroissiale, et son dépôt au greffe de la municipalité. Il dut en être de même dans toutes les sénéchaussées. Cette publicité fut également organisée après l’arrêt du Conseil du 8 août 1788, fixant au 1er mars 1789 l’assemblée des Etats généraux. «L’intention de S. M., écrivait M. de Lamoignon, est que vous donniez connaissance de cet arrêt aux assemblées particulières de districts et de communautés .» Le 18 août, en exécution de l’ordre ministériel, M. de Nanteuil en envoya à la commission intermédiaire cinquante exemplaires. Ceux-ci parvinrent à destination, puisque le 6 septembre les membres de la commission écrivaient à Mgr l’Evêque de Poitiers qu’ils avaient reçu du garde des sceaux, et aussi par l’intermédiaire de M. l’intendant, des exemplaires de l’arrêt du Conseil du 8 août 1788. Peu à peu arrivait ainsi jusqu’aux paroisses les plus reculées l’annonce de l’assemblée si désirée d’une partie de la nation.
III. — Les populations poitevines étaient également préparées aux Etats généraux par une multitude de publications de toute nature. Le mouvement d’idées qui acheminait le pays vers la Révolution prenait comme véhicule, pour parvenir jusqu’aux points les plus reculés du pays, d’innombrables brochures, imprimées chaque jour par centaines à Paris et dans tout le royaume, sous forme, soit d’avis ou d’instructions, soit de modèles de cahiers. Sous l’excitation journalière de ces écrits, la population des villes et de certaines paroisses importantes s’agitait, et tantôt les corps constitués, tantôt des groupes d’habitants, rédigeaient des mémoires et des vœux sur les prochains Etats généraux . On aura l’occasion d’y revenir, en parlant plus spécialement de la préparation des Etats dans les villes. Mais il faut noter de suite l’importance de toute cette littérature à cause de l’influence considérable qu’elle eut sur les assemblées et sur la rédaction des cahiers.
Rencontre-t-on en Poitou cette profusion de brochures violentes qui ont circulé dans la France entière? Assurément la littérature générale de ce genre a pénétré dans la province, et des modèles de cahiers ont été répandus dans beaucoup de paroisses. Mais le nombre des brochures particulières à la contrée et imprimées à Poitiers fut peut-être plus restreint que dans d’autres régions . On citera parmi les plus notables: Réflexions sur les pouvoirs et instructions à donner par les provinces à leurs députés aux Etats généraux; Projet de cahier à fournir par les députés du Tiers; Observations d’un patriote du Poitou , par M. Couturer, ci-devant procureur au parlement de Paris; Extrait du cahier d’un patriote du Poitou, l’un des députés aux Assemblées de l’Hôtel de Ville et l’un des commissaires pour la rédaction du cahier de la ville de Poitiers . Deux écrits surtout ont une importance considérable: le Vœu d’un corps particulier de Poitiers sur les prochains Etats Généraux, devenu celui du peuple, celui des dix-neuf vingtièmes des nobles et de tout le clergé du second ordre, des 16-23 décembre 1788 , et le Vœu des officiers de la ville de Poitiers du 15 décembre 1788. La fortune de ces deux écrits fut diverse. En offrant au public l’écrit de Lamarque, l’éditeur prit le soin d’écrire: «Un magistrat du Poitou, très instruit des principes de notre droit public, et vraiment patriote avait composé un mémoire pour sa compagnie, sur la manière de convoquer les Etats généraux. Il avait cru devoir jeter en avant quelques idées... ses vues trop élevées ont effrayé. J’ai lieu de croire que le corps où il a été lu, a pensé qu’il était plus prudent de se réunir au vœu proposé par les officiers municipaux et de ne pas trop se mettre en avant.» Au contraire, le vœu des officiers de la ville de Poitiers du 15 décembre reçut des adhésions de toutes sortes, dans les derniers jours de l’année 1788. Il fut aussi le point de départ d’une vive polémique. La délibération de l’hôtel de ville fut prise à partie, et M. Pallu, le 26 janvier 1789, répondit par les Réflexions d’un citoyen adressées à l’hôtel de ville de P. Cet écrit a également son importance; on aura l’occasion de reconnaître son influence dans les campagnes du Poitou .
A côté des longues brochures, il faut constater l’existence certaine des modèles de cahiers employés dans plusieurs assemblées de paroisse. Dans l’assemblée bailliagère de Loudun, un modèle fut lu en pleine séance officielle. D’après une lettre de l’intendant de Tours . le second jour, le maire de Loudun fit à l’assemblée lecture d’une brochure intitulée: Instructions et pouvoirs à donner par les villes, bourgs et paroisses à leurs députés.
IV. — Les paysans se trouvèrent encore préparés au travail de rédaction de leurs plaintes et doléances par des circulaires administratives qui leur demandaient d’exposer sur des points précis leurs griefs et leurs vœux. Les assemblées d’élection avaient été chargées par l’assemblée provinciale de faire parvenir aux communautés des questionnaires très détaillés sur la culture, l’industrie pratiquée à la campagne et le commerce. Pour répondre à cette invitation, l’assemblée d’élection de Niort demanda par sa circulaire de 1788 aux municipalités de son département: 1° le genre de commerce qui se fait dans chaque canton de la province; 2° les moyens de l’encourager et de l’améliorer; 3° les causes qui nuisent à son accroissement ou même à son existence, et les obstacles qu’il y a à vaincre; 4° s’il y a des terres en friche et quel parti on pourrait en tirer; 5° quelles sortes d’encouragements on pourrait donner aux cultivateurs. Les procureurs-syndics du département de Thouars étaient plus complets encore, et demandaient si on élevait, si on connaissait les prairies artificielles, comment on pourrait remédier à la disette de bois si effrayante. «Le peuple chez vous est-il aisé ? Languit-il dans la misère? Que faudrait-il pour l’en tirer? Les mendiants sont-ils nombreux?» Le bureau intermédiaire de l’assemblée d’élection de Fontenay expédia également du 24 au 28 janvier 1788 un questionnaire des plus détaillés. Il avait trait: 1° au chiffre des impositions, aux frais de confection des rôles et des contraintes, aux vices de la répartition, aux établissements de charité et aux ouvrages publics à former; 2° aux abus de l’administration, à l’état des édifices publics, à la récolte de l’année, aux secours accordés par le gouvernement; 3” à l’état des chemins publics de toute espèce, et au bordereau de la tâche affectée à chaque communauté ; 4° aux principales productions de la paroisse, à la situation des terres, de l’élevage, des manufactures, des procès de la communauté et de la population.
C’était une vaste enquête, entreprise sur les sujets les plus divers . S’il était possible de comparer les réponses faites à l’enquête avec les cahiers, on pourrait démontrer l’influence de ces questionnaires sur les doléances ultérieurement développées; malheureusement, on ne possède point les réponses des paroisses dont les cahiers sont conservés, et réciproquement, là où les réponses subsistent, tout cahier a disparu. On ne peut nier cependant que ces questionnaires aient exercé une action réelle sur les doléances qu’allaient émettre les assemblées rurales quelques mois plus tard, en orientant leurs préoccupations, et en leur indiquant des chefs de réclamations .
Un rapprochement permettra d’en juger. La municipalité de Thuré, avec le soin et l’ordre qui la caractérisent, consigna soigneusement sur son registre la réponse qu’elle fit à l’assemblée de Châtellerault et, chose curieuse, les termes dont elle se servit sont analogues à ceux qu’elle employa plus tard pour la rédaction de la partie économique de son cahier.