Читать книгу La préparation des États-généraux de 1789 en Poitou - H Couturier - Страница 15
§ 4. — La voirie.
ОглавлениеL’essor économique du Poitou était encore entravé par le très mauvais état de la voirie . La province était fort arriérée pour les voies de communication. D’après M. de Lavergne, la généralité n’avait que 700 kilomètres de routes ouvertes. A l’est et au sud, les routes de Paris en Espagne, de Paris à Bordeaux et de Poitiers à la Rochelle formaient sans doute un réseau utile. Mais le Bocage et la Gâtine, dont les habitants se plaignaient amèrement de voir dépenser ailleurs les contributions qu’ils payaient pour les routes, constituaient une région presque inaccessible et privée de toute route carrossable . Sans doute l’abbé de Moussac exagérait en écrivant le 11 octobre 1787: «A part la route de Paris à Bordeaux et à la Rochelle, aucune autre des routes qui ont été tracées n’est pratiquable .» Mais il est certain que la situation de la voirie était absolument lamentable en dehors des routes royales construites. La suppression de la corvée, par l’édit du 5 février 1776, lui avait porté un coup fatal . M. de Blossac constatait le désarroi causé dans cette branche de l’administration en disant de la déclaration du 11 août 1776: «Le successeur de Turgot a dit: Travaillez ou payez. On n’a fait ni l’un ni l’autre .»
Les mauvaises récoltes, en réduisant à la misère les populations du Poitou, avaient eu également leur contre-coup fâcheux sur la voirie. Emu du misérable état de ses administrés, M. de Nanteuil avait une première fois obtenu de Calonne que les communautés seraient déchargées en 1785 des tâches imposées pour les ouvrages neufs . La décharge avait été renouvelée en 1786 . Pendant deux années donc, il y eut retard aux constructions de routes, cependant bien utiles, et la tâche en face de laquelle l’assemblée provinciale se trouva, après cet arrêt presque complet des travaux, n’en devint que plus difficile. L’état des routes pour l’année 1788 fait connaître les lacunes de la voirie en Poitou. L’assemblée provinciale résolut d’y remédier et de doter la région d’un réseau routier comparable à celui de certaines généralités voisines, comme le Limousin . En 1788, 513.000 livres furent dépensées pour les chemins. L’état général des indemnités dues aux propriétaires de la généralité de Poitiers qui ont éprouvé des pertes par l’ouverture des nouvelles routes ou le redressement des anciennes démontre que l’on travailla activement sous la haute direction de la commission intermédiaire. On visa surtout à concentrer l’effort sur certaines routes pour les terminer plus rapidement. Il semble qu’on poussa surtout le perfectionnement de la route de Paris en Espagne et la construction des routes de Poitiers à Parthenay et de Poitiers à Gençay et à Limoges par Lussac, dans l’élection de Poitiers, et des Sables à Saumur dans celle de Fontenay et des Sables; le Bocage, toujours négligé, resta impénétrable. Une prescription malencontreuse, amèrement critiquée, fut jointe au programme: dans le but singulier de rendre du terrain à l’agriculture, on résolut d’ordonner le rétrécissement des routes déjà faites . Après un commencement d’exécution, le rétrécissement fut jugé fâcheux: devant les observations unanimes , il fut suspendu.
Quelque important que fût l’effort de l’assemblée provinciale, il ne pouvait avoir produit au début de 1789 un résultat appréciable; les sommes consacrées aux chemins vicinaux en particulier avaient été minimes, et c’est là que le besoin d’amélioration, de création plus encore peut-être, se faisait le plus vivement sentir. Aussi les plaintes sont-elles amères et générales; presque toutes les paroisses qui insèrent dans leurs cahiers des doléances locales (17 de la sénéchaussée de Civray, 13 de celle de Niort, 12 de celle de Saint-Maixent , Saint-Christophe-de-la-Chartreuse, Saint-Etienne de-Courcoué en Bas Poitou) parlent de leurs chemins pour les dire impraticables. A l’autre extrémité de la province, il n’y a que des chemins défoncés entre Rochechouart et Montmorillon . Certains détails montrent jusqu’où va le mauvais état des tracés qui servent de voies Non seulement les passants sont obligés de faire des écarts dans les champs voisins , et les terres limitrophes, où tous les grains sont foulés et perdus , non seulement il est impossible de circuler huit mois de l’année , mais à Saint-Projet, les chemins sont creusés de manière à pouvoir à peine y passer à cheval.
C’est en vain que les autorités judiciaires se sont efforcées d’apporter quelque remède à cette fâcheuse situation. Les ordonnances de la sénéchaussée de Civray du 17 mars 1786 prescrivant l’élargissement des chemins ruraux par les riverains, et de la sénéchaussée de Châtellerault du 16 mars 1785 conçues dans des termes analogues, n’ont pu améliorer la lamentable situation du réseau vicinal. Il faut faire une exception pour une certaine région du Bas Poitou: certaines municipalités de l’élection de Fontenay constatent en 1788 un état satisfaisant des chemins ; mais même sur ce point, tout n’est pas parfait; les municipalités de Saint-Jean-de-Beugné, Triaize, la Grolle, Saint-Etienne-de-Courcoué, ne laissent aucun doute à cet égard. Les ponts sont peut-être dans un état plus déplorable encore que les chemins. Leur absence est une gêne considérable pour le commerce . Le procès-verbal de l’assemblée du département de Niort porte que des municipalités ont fait des représentations multipliées pour la réparation des ponts. Dans l’élection de Châtillon, plusieurs ponts, dont l’un, celui de la Chapelle-Palluau à Aizenay, construit depuis trois ans, et du coût de 4 à 5.000 livres, sont sur le point de s’écrouler. Dans celle de Fontenay , il y a 7 ponts à reconstruire.
Dans ces conditions, il est inévitable que le paysan souffre. Toutes les paroisses éloignées de la grande route ou d’une rivière navigable, comme la Charente ou la Sèvre , ne peuvent vendre leurs denrées qu’avec la plus grande difficulté ou à des prix de famine . Plus de 20 paroisses insistent sur la gêne qu’elles éprouvent de ce chef. Les foires et marchés sont rares, et cependant peu fréquentés, à cause des mauvais chemins.