Читать книгу La préparation des États-généraux de 1789 en Poitou - H Couturier - Страница 16

§ V. — Calamités récentes.

Оглавление

Table des matières

I. Sinistres agricoles. — II. Epidémies et froids. — III. Misère.

I. — Des calamités récentes avaient aggravé la situation des campagnes poitevines. La récolte avait manqué en 1785; en 1786, un hiver très rude accabla les cultivateurs, et ceux-ci n’avaient pas encore réparé les pertes éprouvées à cette époque quand la terrible année 1788 vint achever leur ruine. Des inondations précoces, la sécheresse persistante, des nuages de grêle au mois de juillet, se succédèrent, anéantissant leurs espérances. Les procureurs-syndics du département de Niort écrivaient le 24 août 1788 que leur département, et surtout l’arrondissement de Gâtine avait une récolte inférieure de moitié à celles de 1771 et de 1785: «Les laboureurs n’ont pas recueilli pour trois mois», sauf là où on a pu semer les orges de mars, dites baillarges. Le 10 janvier 1789, les députés de la commission intermédiaire, en envoyant l’état des pertes éprouvées en 1788 dans la généralité, demandèrent au directeur général des finances une part dans les secours accordés par Sa Majesté dans l’arrêt du Conseil du 26 juillet 1788. Ils rendaient compte des ravages de la grêle dans les régions de Saint-Maixent, Châtellerault, Thouars et Poitiers, et s’étendaient sur l’insuffisance de la. récolte. La récolte en blé dans tout le département de Thouars donnait à peine la semence en beaucoup d’endroits. Les pertes par les ravages de la grêle et de l’inondation s’élevaient pour la seule élection de Poitiers à 154.776 livres. Il y avait à peine moitié de récolte d’année commune dans les élections de Saint-Maixent et Niort. On comprend les privations aux-quelles étaient condamnés les paysans poitevins, enlisant dans leurs cahiers des phrases comme celles-ci: «Depuis l’année 1781, il ne s’est point presque récolté de blé d’aucune espèce par la stérilité des terres .» «Les récoltes sont mauvaises depuis plusieurs années .» «Les habitants d’Aunay seraient morts de faim en 1786 si le gouvernement n’avait prêté 200 pochées de blé qu’ils n’ont pu encore remettre, parce que leurs blés ont à moitié gelé dans l’hiver 1788-89.» Il en était ainsi dans toute la sénéchaussée de Civray. La détresse n’était point moins grande dans le Montmorillonnais et en Bas Poitou .

La voix des paysans n’est pas la seule à s’élever . La commission intermédiaire de l’assemblée provinciale, les assemblées d’élection, la noblesse de Gâtine et du Bocage, déplorent dès 1788 la disette et la famine. Le gouvernement s’émeut et envoie des secours, soit en nature, soit pour organiser des ateliers de charité, afin de parer à une situation des plus inquiétantes. Non contentes de décrire l’état misérable de la généralité, les autorités locales réclamèrent du pouvoir des mesures plus énergiques encore. Justement alarmée, la commission intermédiaire demanda à Necker, le 20 août 1788, la permission de former comme on l’avait fait en 1785, des approvisionnements qu’on distribuerait l’hiver à cause des mauvaises récoltes. La réponse fut négative. Le 16 avril 1789, la commission intermédiaire revint à la charge sans plus de succès . Des secours n’eussent point cependant été inopportuns, comme en témoignent les résultats de l’enquête ultérieure du contrôleur général Lambert. Le 31 août 1789, ce dernier envoya à remplir un tableau comparatif du résultat des récoltes de 1788 et 1789. Les procureurs-syndics de l’assemblée provinciale du Poitou le transmirent aux bureaux du département le 8 septembre . Les réponses officielles furent des plus instructives. Le bureau de Fontenay écrivit: «Il n’est point d’homme qui ne puisse se rappeler avoir vu le prix du blé au point de cherté où il est au sortir de la récolte.» La récolte de 1788, très médiocre, n’a suffi à Montaigu que parce qu’il y avait en réserve beaucoup de seigle de 1787. A Chantonnay, «les détails de la récolte de 1788 la présentent comme une des plus mauvaises depuis quinze ans.» A Saint-Maixent enfin, malgré les réserves des années antérieures, le blé manqua.

II. — Le Poitou fut en même temps le théâtre d’une redoutable épidémie qui y augmenta la mortalité dans des proportions inquiétantes. Un rapport très complet de M. Gallot, futur député aux Etats généraux, indique dans quelles conditions le fléau sévit dans le département de la Châtaigneraie pendant l’année 1785. Le mal fit de nouveau apparition en 1786 . Quelques cahiers gardent encore le souvenir de ces moments d’angoisse. «Nous fûmes affligés d’une épidémie cruelle qui enleva le tiers d’un village. En vain nous sollicitâmes le secours des médecins; il n’en vint pas .» En 1782, une maladie cruelle enleva le tiers des habitants de Mairé-Levescault. Le gouvernement dut envoyer des secours et fit distribuer des boîtes de médicaments aux curés .

Les animaux avaient été également atteints. Des épidémies redoutables décimèrent les troupeaux qu’un empirisme grossier ne put défendre .

Au début de 1789, le froid ajouta enfin par ses rigueurs à la détresse des paysans. Il dépassa les horreurs de plusieurs hivers historiques, comme le constatèrent les Affiches du Poitou dans leur numéro du 22 janvier 1789: «Le froid est très vif, et le thermomètre est descendu au-dessous de 16° 5 Réaumur.» Le même journal publia le 6 mai suivant une notice plus détaillée sur l’hiver : «Le froid, qui commença à se faire ressentir très vivement vers la fin de novembre 1788 et dont la rigoureuse aspérité dura jusqu’au 8 janvier suivant, pétrifia la Gartempe, et fit fendre de gros chênes. Il parvint à son degré d’intensité entre le 30 et le 31 décembre, où le thermomètre marqua 17°5 Réaumur.» Il faisait encore une température très dure au moment où les députés des paroisses se mirent en route pour les assemblées préliminaires.

III. — Dans de telles conditions, il était fatal qu’une grande misère désolât le Poitou. Partout le même cri se fait entendre: Il y a beaucoup de pauvres . Ils sont la majorité de la paroisse . La misère est à son comble et c’est là une lourde charge pour les moins malheureux qui doivent supporter tout le poids des impositions . Les plus heureux seront ceux qui pourront vivre de privations jusqu’à la prochaine récolte . A Pliboux, sur 130 feux, 80 sont habités par des chefs de famille cotisés à moins de 5 livres du principal de la taille, et 30 de ceux-ci mendient. A Fressines, il n’y a que sept ou huit métairies qui sont obligées d’assister quatre-vingts mendiants. Dans certaines paroisses, il faut émigrer pour échapper à la mort .»

Les dernières récoltes désastreuses ont augmenté le nombre des mendiants . Les habitants abandonnent leurs exploitations pour n’avoir pas à en payer les redevances et les impôts . «Les chemins sont jonchés de pauvres languissants .» «Ces maux n’auront-ils jamais de terme?» s’écrient douloureusement les habitants de François.

Les mendiants si nombreux deviennent à leur tour un fléau public. «Cette espèce de peuple nous cause d’autres pertes... il vient exiger de nous sa nourriture... soit par la force, soit par crainte; la nuit, il vient enlever le peu de bois que nous avons; avec une meilleure police nous ne serions pas obligés de passer la nuit les mains armées et nous faire justice nous-mêmes .» A Saint-Lin, les pauvres sont en très grand nombre; il y a parmi eux des étrangers et l’on s’est aperçu de vols de bestiaux dont on les accuse. Déjà dans une paroisse voisine, à Verruyes, en plus des pauvres de la localité, il y a des étrangers qui passent avec des troupes de petits malheureux . Il en vient un nombre infini. Les métairies isolées dans les campagnes sont exposées; il s’y rend la nuit des gens sans aveu et en nombre sous prétexte de demander la charité, et qui se font donner très abondamment par menace . Ce qui est arrivé à Mairé-Levescault, à Saint-Lin, les habitants d’Azay-le-Brûlé le redoutent, et ils demandent instamment un bureau de charité, «de peur que les pauvres ne s’attroupent». Déjà l’armée qui se livrera aux troubles des années prochaines est toute prête: la faim ne tardera pas à soulever des émeutes à l’occasion des subsistances. Dès 1788, des troubles se produisent dans le Loudunais. Le peuple s’empare des greniers et force les propriétaires à livrer du grain à 30 sous le boisseau . Il devient urgent d’augmenter la maréchaussée pour empêcher les vols .

L’assemblée provinciale n’a pas pu en quelques mois améliorer notablement le sort des populations d-ont elle avait la charge. Elle n’avait pas cependant ménagé ses peines. Tout son premier effort avait tendu à unè connaissance exacte de la province. Elle avait tracé un vaste programme d’enquête auquel les assemblées de département devaient travailler sans relâche. Elle demandait l’état par élection de la taille et des autres impositions, leur répartition par les communautés, la liste des privilégiés et de leurs privilèges, le tableau des villes tarifées, l’état de la voirie et de la mendicité ... Des rapports nombreux furent rédigés sur toutes ces questions: les assemblées d’élection procédèrent avec soin à l’enquête proposée; mais dans le court laps de temps qui sépara la fin de 1787 de la préparation immédiate des Etats généraux, leurs bureaux intermédiaires ne purent guère que préparer des documents assez incomplets sur la situation économique du Poitou, ne réaliser que d’insignifiantes réformes et surtout proposer des vœux .

La préparation des États-généraux de 1789 en Poitou

Подняться наверх