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§ II. — Difficultés et obscurités de la convocation.

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Table des matières

I. Difficultés relatives à la désignation des circonscriptions électorales. — II. Compétitions entre officiers. — III Difficultés de temps. — \V. Imprécision des ressorts: paroisses contestées, paroisses mi-parties, paroisses oubliées. — V. Difficultés résultant du choix de l’unité de comparution

Toutes les dispositions du règlement royal étaient loin d’être claires et pratiques. Il avait été décidé que l’on suivrait les règles traditionnelles de la convocation des Etats généraux. On avait admis le principe d’une assimilation avec la convocation des Etats de 1614, mais les renseignements manquaient sur cette convocation même. L’aveu officiel s’en trouve dans l’arrêt du Conseil du 1er juillet 1788 . La convocation se ressentit de cette conception trop vague de ce si important mouvement politique, et des difficultés de toute espèce soulevées sous le couvert de respect des anciens usages entravèrent la calme élaboration de la consultation nationale . Les décisions fragmentaires et particulières des commissaires nommés par arrêt du 4 janvier 1789, pour régler ce qui avait rapport à la convocation des Etats généraux, devaient accroître encore la confusion, en tranchant de façon diverse et suivant l’opportunité les difficultés nées sur tous les points du territoire.

Le Poitou n’échappa pas au sort commun, et de graves difficultés-résultèrent de l’obscurité des textes officiels. Tout d’abord la désignation des circonscriptions électorales non seulement froissa bien des susceptibilités, mais encore, par l’ambiguïté de quelques-uns de ses termes, fut la cause de vives discussions. Dans l’état annexé des bailliages et sénéchaussées devant députer directement «comme en 1614», on relevait les noms de Châtellerault et Loudun chacun avec une députation, et de Poitiers avec sept députations Dans la colonne des bailliages devant députer indirectement, étaient portés Civray et Saint-Maixent, Fontenay-le-Comte, Lusignan, Montmorillon, Niort et Vouvant séant à la Châtaigneraie. Cette seule classification de l’état annexé souleva les réclamations véhémentes de plusieurs villes, en particulier de Fontenay, Montmorillon et Civray. Les habitants de Fontenay, capitale du Bas Poitou, qui avaient exprimé par une lettre du 5 janvier leur espoir de députer directement aux Etats généraux, furent profondément déçus. Il en fut de même de ceux de Montmorillon . Mais le coup devait être plus rude encore pour ceux de Civray: non seulement, en effet, l’état annexé mettait nettement leur ville au rang des sénéchaussées secondaires, mais de plus un rapprochement ambigu allait permettre à la sénéchaussée de Saint-Maixent de secouer les derniers vestiges d’une subordination hiérarchique vis-à-vis du siège de Civray. Contre les deux décisions les officiers de Civray élevèrent vainement la voix.

Le procureur du roi, Jean-François Lelong, en requérant la publication et l’enregistrement des lettres de convocation, observa sur le premier point que l’état annexé faisait du siège royal de la sénéchaussée de Civray un siège secondaire, tandis qu’il aurait dû députer directement, ayant sénéchal d’épée et pour sénéchaussée secondaire Saint-Maixent, ainsi que le prouve l’édit de rétablissement de cette sénéchaussée du mois de juin 1541, et ajouta que la sénéchaussée avait député directement pour les Etats qui devaient avoir lieu à Tours en 1651. Non moins blessé de la situation inférieure qui lui était faite vis-à-vis du lieutenant général de Poitiers, M. Fradin, seigneur de Belabre, lieutenant général de Civray, prit le soin d’insérer dans son ordonnance les mots suivants: «Sans préjudice aux droits de cette sénéchaussée de députer directement aux Etats généraux par elle acquis lors de ceux indiqués à Tours, et sans approuver l’article 16 de l’ordonnance du sénéchal de Poitiers du 14 février 1789 qui refuse le titre de sénéchaussée audit siège de Civray, en le plaçant seulement au rang du siège de Niort.» Il n’y avait pas cependant de résistance possible, et force fut au lieutenant général de Civray de passer «par-dessus ses répugnances» et de se soumettre à l’ordonnance du grand sénéchal de Poitiers

Sur la subordination à Civray de Saint-Maixent, l’hésitation était permise: la juxtaposition des noms voulait-elle signifier qu’on ne devait voir dans les deux sièges royaux qu’une seule sénéchaussée pour la convocation des Etats généraux, ou fallait-il y voir deux sénéchaussées secondaires bien distinctes et n’ayant entre elles aucun rapport pour la tenue des assemblées préliminaires? La lettre même du règlement semble devoir faire préférer la première hypothèse: la façon dont Saint-Maixent est accolé à Civray en dépit de l’ordre alphabétique, jointe à ce fait qu’il n’y avait pour les deux sièges qu’un seul sénéchal d’épée, doit faire penser que l’idée des rédacteurs de l’état annexé était bien de ne voir qu’une unité de convocation dans les deux sièges, de même qu’il n’y avait pour eux qu’un sénéchal d’épée. Mais à Saint-Maixent, on désirait vivement la réalisation de la deuxième interprétation, tandis qu’à Civray, on aurait voulu que la bizarre rédaction de l’état annexé eût pu vouloir dire que Saint-Maixent serait une sénéchaussée secondaire de celle de Civray, devenue sénéchaussée principale, et ayant par conséquent le droit de convoquer à Civray les paroisses des deux sénéchaussées.

L’initiative prise à Poitiers, sous le nom du marquis de Beufvier, par le lieutenant général de Bazoges, trancha le différend en faveur de Saint-Maixent. L’article 16 de l’ordonnance du 14 février portait en effet: «Ordonnons qu’à la diligence du procureur du roi, copie collationnée de la lettre du roi, du règlement y annexé et de notre présente ordonnance sera portée sans délai aux lieutenants généraux de Civray, Niort, la Châtaigneraie. Lusignan et Saint-Maixent et aux sénéchaux de Montmorillon et Fontenay.» Les officiers de la sénéchaussée de Saint-Maixent ne manquèrent pas de se prévaloir par lettre du 23 février de cette notification qui les mettait en devoir de tenir en leur siège l’assemblée préliminaire du Tiers-Etat: «Nous avons un sénéchal d’épée qui a eu des provisions du roi... a été reçu en notre siège comme sénéchal de Saint-Maixent et de Civray, faisant deux sénéchaussées distinctes et séparées... Dans sa lettre du 23, M. le lieutenant général de Poitiers n’a pas fait de difficulté que notre sénéchaussée est du nombre de celles qui doivent députer indirectement. Il nous a envoyé les pièces nécessaires pour convoquer à l’assemblée qui doit se faire devant nous.» Pendant ce temps, les officiers de Civray réclamaient amèrement leurs droits. Le lieutenant général écrivait le 18 février: «Saint-Maixent devrait venir délibérer à Civray. Les ordres doivent parvenir par moi à Saint-Maixent .» En même temps le procureur du roi réclamait à Poitiers des exemplaires du règlement et des différentes pièces à signifier pour les faire envoyer dans le ressort du siège de Saint-Maixent. Force resta à M. de Bazoges, qui répondit qu’il n’accédait pas à cette demande, car il avait déjà fait envoyer par Saint-Maixent les papiers en question. M. Lelong était désarmé, il n’avait point d’imprimerie dans son ressort pour suppléer à la pénurie à laquelle il était réduit. Il se résigna à ne pas convoquer les paroisses ressortissant de Saint-Maixent, et se contenta de protester dans sa lettre du 25 février : le lieutenant général a «divisé ce que le souverain a respecté dans son tableau» ; il protesta encore à l’assemblée préliminaire de,la sénéchaussée de Civray. Toutes les réclamations furent vaines, comme le constata M. de Nanteuil . «11 s’était élevé une difficulté entre les officiers de Civray et ceux de Saint-Maixent sur la question de savoir si ces derniers pourraient convoquer dans leur ressort, ou si le lieutenant général de Civray devait le faire; ce dernier a acquiescé à ce que l’opération fût faite par le lieutenant général de Saint-Maixent.» Ainsi fut solutionnée la contestation soulevée par les termes peu clairs de l’état annexé.

II — Il ne s’éleva pas en Poitou de discussions à l’occasion du pouvoir des sénéchaux d’épée . Ce n’était pas toutefois que les sénéchaux et leurs lieutenants fussent bien fixés sur leurs attributions respectives. M. de Bazoges demandait encore le 22 février ce qu’il aurait au juste à faire, parce qu’il ne pouvait s’entendre avec le sénéchal souffrant . La réponse dut le satisfaire: le sénéchal tient la première place, mais son rôle est tout de parade. «Si le bailli préside l’assemblée des trois ordres, vous pourrez l’accompagner: vos fonctions sont les mêmes que celles que vous remplissez à l’audience lorsqu’il y est présent, et s’il y a quelques ordonnances à rendre, vous emploierez pour les prononcer la même formule dont vous faites ordinairement usage.»

Outre les trois sénéchaux d’épée, il y avait en Poitou, à Montmorillon, Fontenay et Loudun, des sénéchaux de robe longue ayant pleins pouvoirs judiciaires. Il arriva qu’en passant par-dessus la tête des sénéchaussées d’épée pour correspondre directement avec les lieutenants généraux, on oublia les sénéchaux de robe longue. Le procédé souleva les protestations de Savary de Beauregard, sénéchal de robe longue de Fontenay. Le 4 mars, celui-ci prétendit être le premier officier effectif du siège et se plaignit que «toutes les lettres dont l’adresse est au lieutenant général, qui n’est cependant que le deuxième officier du siège, au lieu de lui parvenir directement..., ne lui parviennent qu’en second et par la voie du lieutenant général qui, par absence ou par oubli de sa part de lui faire passer les paquets aussitôt qu’il les a reçus, peut amener du retard dans le service, et c’est même ce qui est déjà arrivé ».

Un incident bizarre se produisit à Niort: le procureur du roi, Hugueteau, fut très affecté d’être avisé des lettres de convocation comme le public, par l’affichage fait dans la ville. Aussi, quand le lieutenant général M. Rouget de Mazeau lui eut communiqué les pièces officielles, pour en requérir publication, M. Hugueteau ne voulut point les rendre et empêcha ainsi leur enregistrement régulier. Le lieutenant général s’en plaignit le 28 février , mais ce ne fut que le 18 avril que l’ordre impérieux arriva au procureur du roi de rendre les documents qu’il détenait irrégulièrement, ce qu’il fit aussitôt.

III. — Ces difficultés furent loin d’être les seules: quand les officiers chargés de la convocation voulurent procéder à celle ci, ils se heurtèrent à des obstacles de toute espèce; le règlement ne permettait pas de faire les convocations dans le temps voulu, et surtout on ne savait pas exactement qui devait être convoqué.

La première difficulté provenait de la date trop rapprochée à laquelle il fallait réunir les diverses assemblées. L’assemblée générale des trois ordres devait se tenir au plus tard le 16 mars , et les assemblées préliminaires devaient avoir lieu dans les sénéchaussées secondaires, quinze jours au moins avant l’assemblée générale , soit dès le début de mars. Si l’on réfléchit que les ordonnances devaient être imprimées, notifiées par des huissiers, que communication devait en être donnée aux habitants au prône des messes paroissiales, et qu’un délai de huit jours était accordé aux paroisses rurales pour tenir leurs assemblées , on s’aperçoit qu’il était matériellement impossible d’observer les délais prescrits. M. de Bazoges l’écrivait dès le 15 février 1789: «La date du 16 mars, la plus éloignée que permette le règlement, est peut-être encore bien rapprochée, eu égard aux opérations qui doivent précéder dans un ressort direct qui comprend plus de 550 paroisses... Il n’y aura pas entre l’assemblée préliminaire et celle des trois Etats la quinzaine désirée .»

De fait, le délai de huitaine ne fut pas laissé dans toutes les circonscriptions aux paroisses pour tenir leur réunion , et toutes les assemblées préliminaires eurent lieu moins de quinze jours avant le 16 mars. Cette précipitation n’était pas faite pour permettre aux Français de mûrir longuement leurs doléances.

IV. — Mais là n’était point la plus grosse difficulté de la convocation. Comme on l’a fait prévoir, le ressort des circonscriptions électorales n’était rien moins qu’arrêté . C’est là un fait général, et qui n’a pas le droit d’étonner, quand on sait que les parlements eux-mêmes ignorent le nombre et la compétence exacte des justices royales soumises à leur juridiction. Les officiers royaux ont le droit de se trouver dans l’incertitude relativement au chiffre réel des paroisses qui forment leur circonscription, quand le 13 décembre 1788, Séguier, transmettant au parlement les résultats de l’enquête sur les grains, ordonnée par l’arrêté du 16 novembre 1788, ne craint pas d’écrire qu’il a consulté les substituts des «226 sièges environ dont est composé le ressort ».

Sans doute il existe bien un dictionnaire des paroisses du ressort du Parlement de Paris ; mais celui-ci, outre qu’il ne concorde pas du tout avec les procès-verbaux des assemblées bailliagères, semble indiquer à chaque pas que ses solutions sont incertaines. Les étais de population dressés sur l’ordre de Necker sont encore plus instructifs en ce qui concerne l’incertitude qui plane sur l’arrondissement des sièges de justice. Dressés par sénéchaussées, avec le nombre des habitants par paroisses, ces états sont véritablement déconcertants par les mentions qu’ils portent. Celles-ci sont de trois sortes. Les premières seules s’expliquent aisément: certaines paroisses relevant du siège ne sont pas du Poitou, et sont indiquées comme ne faisant pas partie de la région dénommée province du Poitou. Mais comment comprendre les secondes? D’un grand nombre de paroisses énumérées dans un état, on dit: «est portée à telle autre sénéchaussée», ou bien: «relève de telle autre sénéchaussée». S’il en est ainsi, pourquoi a-t-on porté à l’état présent des paroisses qui n’en relèvent point? Est-ce parce que la paroisse est du ressort de deux juridictions? L’état auquel on renvoie l’indique parfois, mais pas toujours. Est-ce parce que la sénéchaussée revendique malgré tout sur elle quelques droits et que, suivant l’usage de l’ancien régime, on tient à laisser la question en suspens, sans avoir l’air de la trancher définitivement, ce qui permettra de perpétuer indéfiniment les conflits de juridiction? Il est difficile de solutionner ce problème. Enfin les mentions du troisième genre indiquent que des paroisses relèvent de plusieurs juridictions, et prouvent ainsi le désordre général. Des chiffres le feront mieux approfondir. Dans l’état de la sénéchaussée de Niort, 51 paroisses sont inscrites: 2 sont indiquées comme portées à Poitiers, 2 à Montmorillon, 2 à Fontenay, 2 à Vouvant, 4 à Saint-Maixent, 7 à Civray; voilà 19 paroisses pour lesquelles l’état donne une solution ambiguë. Relèvent-elles de Niort ou d’un autre siège, on n’en sait rien. A Vouvant, sur 88 paroisses, 60 sont dans le même cas. D’autre part, à Fontenay, on ne cite pas moins de 38 paroisses relevant à la fois de Poitiers et de Fontenay; plusieurs relèvent de trois sénéchaussées, et même de quatre ou de six . Grâce à cette incertitude, le combat de ressort a pu continuer jusqu’à la veille de la Révolution .

Mettant à profit ces obscurités, certains officiers s’empresseront en 1789 de convoquer des paroisses discutées et soulèveront ainsi les récriminations de leurs collègues voisins. Ainsi à Poitiers on se plaindra que le lieutenant général du Dorat aitfait signifier les actes de convocation aux paroisses de Charroux, Asnois, la Chapelle-Bâton, Mauprevoir, qui de temps immémorial dépendent de la sénéchaussée de Poitiers, et au Dorat on signifiera que la sénéchaussée de Poitiers cherche tous les moyens pour usurper les justices des baronnies de Charroux, Rochemeneau, Mauprevoir et Saint-Secondin à celle de la Basse Marche. Il est notoire, dit-on, que lesdites justices ont toujours fait partie du comté de la Basse Marche, lequel comté est réuni à la couronne et n’a jamais dépendu de la sénéchaussée de Poitiers . L’ignorance ne peut expliquer seule ces combats de ressort: il s’y ajoute la yolonté d’étendre la circonscription du siège, et du même coup les épices des magistrats. Et c’est ainsi que des convocations injustifiées seront la cause du plus grand nombre des défauts constatés dans certaines sénéchaussées. 24 des paroisses convoquées à Civray y firent défaut; sur ce nombre, 2 comparurent à Saint-Maixent: Baussais et Thorigné ; 4 comparurent à Poitiers: Clussais, Mouton, Saint-Secondin et Saint-Léger-lez-Melle; 5 comparurent à Niort: Brûlain, Juscorps, Marigny, Vouillé et Villiers-en-Bois; 1 à Angoulême: Montjeau. Voilà douze paroisses pour lesquelles la comparution indique à quelle sénéchaussée elles appartiennent réellement . Les officiers de Civray ont vraisemblablement commis sur l’étendue de leur territoire une erreur involontaire ou plutôt préméditée pour ces douze communautés. Sur les douze autres, plusieurs, si elles n’appartenaient pas à un autre siège, luttaient pour changer de ressort. Parmi les défaillantes, en effet, le procureur du roi distingue d’une façon spéciale les 7 paroisses de Garnaud, St-Pardoult, Courcelles, Antezant, Varaize, St-Julien-de-Lescap et Gibourne, et s’attache à démontrer qu’elles relevaient de la sénéchaussée de Civray, tout comme Saint-Pierre-de-Lisle, Vervant et les Eglises d’Argenteuil dont les habitants n’avaient point osé ne pas comparaître et demandaient humblement dans leur cahier à relever du siège de Saint-Jean-d’ Angély . Dans la sénéchaussée de Fontenay, on connaît aussi mal les paroisses ressortissant du siège. Dès la publication de la convocation royale, les officiers dressèrent une liste des paroisses à convoquer; ils en inscrivirent 114 et en oublièrent 5; le procureur du roi fit remarquer cet oubli à l’assemblée préliminaire: «Le procureur du roi nous a observé que, malgré l’exactitude que l’on ait pu apporter pour la formation du tableau des paroisses, il y en a eu 5 qui n’ont pas été comprises, qui sont celles de Girouard-en-Nieuil, Saint-Georges-de-Montaigu, Saint-Martin-sous-Mouzeuil, Saint-Martin-de-Fraigneau, aliàs Tesson, et Sainte-Gemme de Luçon.» D’après le mémoire des officiers de la sénéchaussée de Montmorillon, réclamant une députation directe en date du 6 janvier, le ressort est indiqué comme renfermant 184 communautés . Le procès-verbal d’assemblée signale seulement 148 comparutions et 21 défauts, en tout 169; au moment de la convocation, on ne trouvait plus que 169 paroisses dans le ressort; il fut donc commis une erreur de 15 en trop dans la première évaluation. Le cas des officiers du siège de Vouvant est encore plus fort. Sur 31 paroisses appelées, 18 au moins, plus de la moitié, faisaient effectivement partie de la sénéchaussée de Fontenay .

Les officiers de certains sièges paraissent cependant mieux connaître leur circonscription. Le procès-verbal de l’assemblée préliminaire de Niort signale deux défauts seulement, l’un donné contre Saleignes qui a comparu à Civray, et l’autre contre le village de Breuillac qui est une enclave de Fontaine-Chalandray. Les officiers de ce siège ne méritent donc pas les reproches que l’on peut faire à leurs collègues des autres sénéchaussées; ils n’ont même pas donné défaut contre Vinax qu’ils avaient fait assigner, reconnaissant probablement que cette paroisse n’était pas comprise dans leur ressort.

Une phrase du procès-verbal de l’assemblée préliminaire de Poitiers indique à quel procédé on était réduit pour reconnaître qu’une paroisse était du ressort d’une séné-chaussée. On y classe les paroisses convoquées qui n’ont point comparu en deux catégories: celles qui sont réputées avoir comparu à d’autres bailliages et pour lesquelles on n’a pas trop de regret (elles devaient être contestées, et on les avait appelées sans doute à tout hasard) et celles «qui, n’ayant pas comparu, doivent d’autant plus être réputées de la sénéchaussée qu’elles déposent leurs registres au greffe de ce siège où elles sont défaillantes» ; pour celles-là, on est sûr qu’elles sont de l’arrondissement de Poitiers, et on ne désespère pas de les voir venir; car on décide qu’il sera sursis jusqu’au 16 pour donner défaut contre les absents. Cette simple façon de classer les paroisses défaillantes montre l’incertitude dans laquelle se trouvaient les officiers chargés de la convocation.

La difficulté était accrue par ce fait que certaines paroisses relevaient de plusieurs bailliages ou sénéchaussées ou étaient mi-parties. Dans la sénéchaussée de Châtellerault. le procès-verbal de l’assemblée cite quinze paroisses sur lesquelles le siège ne prend que partie. En envoyant le nombre des feux des paroisses de Montmorillon, on signale que Pleimartige ne relève de Montmorillon que pour 7 feux, Versillac pour 38 (alors que 50 sont dans la Marche) et Pouzioux pour 12; (le reste est dans la baronnie de Chauvigny). Sillards et Nouic sont pour partie de Montmorillon, et la Trimouille pour la grand’rue seulement. Aux Églises d’Argenteuil, un tiers de la paroisse plaide à Saint-Jean-d’Angély, tandis que les deux autres tiers doivent aller à Civray. A Lernay, une seule maison est du ressort de Loudun.

Comment dans ces conditions n’y aurait-il pas eu de nombreuses erreurs? La difficulté d’une exacte convocation s’accroît encore par le fait suivant: le ressort varie avec la qualité des affaires. Une paroisse peut dépendre d’un siège pour les appels ordinaires et d’un autre pour les cas royaux. Quel devait être en cette hypothèse le lieu de sa comparution? Le bailli de Loudun cite des cas de ce genre: les trois paroisses de Bouchet. Ceaux et Chaunay, autrefois du ressort de Loudun, relèvent actuellement de celui de Richelieu, et pour les cas royaux de Loudun. Il n’hésite pas à les convoquer, et sur les trois une seule fait défaut à l’assemblée des trois ordres du pays loudunais.

Y eut-il des paroisses oubliées dans la convocation? Les recherches précises de M. Brette permettent de répondre qu’infime fut en Poitou la proportion des cas de ce genre. Comme on l’a constaté, la tendance n’était nullement à la réduction du ressort, et étant donné l’empressement avec lequel on s’occupait de convoquer une communauté, dès qu’un lien semblait la rattacher au siège, on comprend que très peu durent être omises. Quelques cas peuvent néanmoins être signalés dans la sénéchaussée de Chàtellerault. L’importante agglomération de Lencloître ne figure point sur le procès-verbal ni comme comparante ni même défaillante; de plus, la Tricherie et les Barres ne se trouvent également nulle part. M. Brette laisse supposer que, dans la sénéchaussée de Civray, la paroisse de Brieul n’aurait pas été convoquée. Mais les documents des archives de la Vienne permettent d’affirmer que Brieul a non seulement été appelé, mais a envoyé un cahier de doléances et comparu à Civray.

V. — Les délibérations devaient avoir lieu par bourgs, paroisses ou communautés ayant un rôle séparé d’impositions. Les officiers de justice devaient donc convoquer: 1° les villes; 2° les paroisses rurales; 3° les sections de paroisses rurales ayant leur individualité financière. C’était une complication de plus, au dire de M. Brette . La convocation des Etats généraux était un acte de l’administration ju-diciaire: l’action des officiers de justice devait donc s’étendre par ce principe sur le domaine déjà morcelé à l’infini qui leur, appartenait. L’article 24 du règlement apportait un élément nouveau d’incertitude en basant l’unité de comparution sur l’unité du rôle d’imposition. C’était superposer un arrangement financier à un arrangement judiciaire et créer d’inextricables confusions .

En effet, si à chaque communauté correspondait en général un rôle unique d’imposition, le cas n’était pas rare de paroisses divisées en plusieurs collectes, ou réunies deux à deux en une seule individualité fiscale. Un état préparé pour l’assemblée d’élection de Poitiers indique que, des paroisses de ce département, quelques-unes sont divisées en plusieurs collectes ou municipalités. Quinze d’entre elles sont dans ce cas, sur lesquelles douze forment deux collectes, deux en forment trois, et une, celle de Vouillé, en forme six: Vouillé, Civray, les Essarts, Traversonne, Villiers et Yversay. De même dans la sénéchaussée de Chàtellerault les paroisses de Cenon et Buxeuil en Touraine constituent chacune deux collectes. D’après l’Almanach provincial et historique du Poitou pour l’année 1788, il n’y aurait pas eu dans la généralité de Poitiers moins de 49 hameaux distincts, au point de vue administratif et financier, des paroisses dont ils dépendaient au point de vue religieux, et de 14 paroisses réunies deux à deux pour ne former qu’une seule individualité civile.

Le règlement du 24 janvier, en ordonnant de délibérer par unité de rôle d’imposition, fut obéi: ainsi, par exemple, Lesson, hameau de Benet, délibéra à part; Breloux et Saint-Carlais ne rédigèrent qu’un seul cahier, sous la direction du syndic des deux paroisses.

Mais il y eut des erreurs et des omissions causées par cette complication dans la convocation. L’incident survenu à l’assemblée préliminaire de Fontenay en est une preuve. Le tableau de convocation pour les habitants des campagnes avait été rédigé exclusivement par paroisses; or, au moment de la comparution des députations rurales, des députés qu’on n’avait pas appelés protestèrent: «Et ont comparu Jean Appraillé et Jean Rivière, laboureurs de la paroisse de Saint-Martin-sous-Mouzeuil, lesquels nous ont observé qu’ils étaient imposés à la taille sur un rôle distinct et séparé de celui de la paroisse de Nalliers dont elle est une annexe, et que l’on n’a point fait l’appel des députés de ladite paroisse, pourquoi ils ont demandé à être reçus à nous exhiber au nom de leur communauté leurs pouvoirs et cahiers de la remise desquels ils ont requis acte.»

La préparation des États-généraux de 1789 en Poitou

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