Читать книгу La préparation des États-généraux de 1789 en Poitou - H Couturier - Страница 9
II
ОглавлениеOn voit de quel secours serait pour l’histoire du droit français au XVIIIe siècle le dépouillement méthodique des cahiers des Etats généraux de 1789. Il permettrait une reconstitution unique d’une époque à la fois connue dans sa législation et dans l’application pratique de cette législation à travers les régions si diverses et si variées de la France. Mais ce travail ne sera possible qu’après la publication intégrale des doléances exprimées dans les assemblées préparatoires des Etats Cette œuvre gigantesque n’est encore qu’ébauchée, bien qu’elle ait fait dans ces dernières années des progrès considérables, grâce aux efforts de la Commission de recherche et de publication des documents relatifs à la vie économique de la Révolution française. Quand elle sera terminée, les historiens auront entre les mains l’instrument dont l’absence rend caduques toutes les appréciations d’ensemble émises jusqu’à ce jour sur les cahier sde 1789. Pendant trop longtemps, en effet, on a travaillé uniquement sur les cahiers rédigés dans les assemblées les plus importantes, assemblées du Clergé, de la Noblesse, assemblées du Tiers-Etat, tenues au chef-lieu des bailliages ou sénéchaussées qui composaient les circonscriptions électorales les plus importantes, et l’on a raisonné comme s’ils existaient seuls. Il n’y avait là cependant qu’une fraction minime et peut-être la moins intéressante de tous les documents qui ont droit au nom de cahiers.
Cette étiquette s’applique à un très grand nombre de pièces émanées non seulement des assemblées où furent nommés les députés aux Etats généraux, mais encore de toutes les autres réunions préparatoires. «Il faut entendre par cahiers l’ensemble des écrits contenant les vœux, plaintes et doléances rédigés en 1789 dans les assemblées électorales qui avaient un caractère de légalité reconnue, soit parce qu’elles avaient été convoquées en exécution des ordres royaux, soit parce que les députés élus en conséquence de ces assemblées furent admis à l’Assemblée nationale .»
Or les assemblées prévues par les règlements royaux étaient de cinq catégories différentes:1)les cahiers rédigés dans les assemblées de paroisses et communautés, bourgs et villes non comprises dans l’état annexé au règlement , par la totalité des habitants remplissant les conditions requises; les cahiers rédigés par les communautés, corporations d’arts et métiers, dans les villes dénommées à l’état annexé ; les cahiers rédigés dans les villes dénommées à l’état annexé par les députés des corps, communautés et corporations ; les cahiers rédigés dans les assemblées préliminaires du Tiers-Etat (sauf pour les bailliages principaux n’ayant pas de secondaires et ne comptant pas plus de deux cents députés) par les députés des villes et des paroisses rurales ; et enfin les cahiers rédigés dans les assemblées du Clergé, de la Noblesse et du Tiers-Etat, qui devaient députer directement aux Etats généraux.
L’étude de ces cinq catégories de cahiers permettra seule d’émettre un jugement définitif. Malheureusement, en attendant la publication promise, deux d’entre elles seulement sont à la disposition de l’historien, et encore avec des lacunes. Les Archives parlementaires contiennent la majeure partie des cahiers des assemblées générales, et un bon nombre de ceux des assemblées préliminaires; on y trouve en outre quelques rares exemplaires des autres catégories, notamment des cahiers ruraux. En dehors de cette source il faut chercher dans les archives départementales, communales et particulières presque toutes les autres pièces. Celles-ci n’ont, en effet, donné lieu qu’à des publications isolées, faites sans esprit d’ensemble jusqu’au jour où la Commission de recherche a entrepris sa publication méthodique; et encore cette dernière ne pourra jamais être complète: de nombreuses liasses de cahiers sont irrémédiablement perdues. Pendant longtemps encore l’historien aura seulement entre les mains, en dehors de publications dues au hasard des recherches des érudits, une source très particulière qui est bien éloignée de renfermer la totalité des cahiers officiels. Il pourra juger, non pas «les cahiers de 1789» , mais seulement «des cahiers de 1789».
En attendant la possibilité d’un travail d’ensemble, des études particulières demeurent possibles. A défaut de documents publiés, chaque province ouvre à ses habitants, dans les archives départementales et communales, les collections inédites où ils peuvent puiser à pleines mains. Nous avons pensé qu’une telle étude pouvait être entreprise pour la région poitevine, cette vaste et importante province de l’ancienne France. Sans doute des lacunes existent dans sa collection de cahiers de paroisses et de corporations. Mais nos archives cependant nous ont conservé presque tous les cahiers des assemblées générales, plus de deux cents cahiers de paroisses, et près de vingt-cinq cahiers de corporations, c’est-à-dire les éléments d’une investigation suffisante sur la préparation des Etats généraux en Poitou en 1789.