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§ II. — LA DOCTRINE DE M. OLIER SUR LA CRÉATION EXCLUT L’IDÉE DU PANTHÉISME.

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Table des matières

Quelques philosophes, entre autres Cousin, chef de l’école éclectique, ont cru voir une idée de panthéisme dans ce que M. Olier dit de la création. Transformer M. Olier en panthéiste était une imagination bizarre, qui ne pouvait naître que dans l’esprit d’un lecteur très superficiel, ou engoué de ce système absurde, qui tentait de former une théorie philosophique de toutes les aberrations des philosophes anciens et modernes.

L’idée de la grandeur, de l’immensité, des perfections infinies d’un Dieu personnel et créateur était si profondément imprimée dans les âmes chrétiennes du dix-septième siècle, que l’on ne pensait pas alors que des termes qui, pris isolément, paraîtraient aujourd’hui susceptibles d’un sens contraire à ces croyances, pussent sembler équivoques.

M. Olier, pénétré de cette pensée, consignée dans les saintes Écritures: Deus omnia in omnibus, parlait très souvent du tout de Dieu et du néant de la créature; mais quelle différence entre le sens de ces termes dans sa bouche ou sous sa plume, et celui que lui donnent les panthéistes! Dieu est réellement le Tout pour nous, parce qu’il est le principe, le soutien et la fin dernière de toutes choses; nous ne sommes rien par nous-mêmes, parce que nous ne sommes et ne subsistons que par la vertu de Dieu.

Observons d’ailleurs que, même dans les textes les plus énergiques sur le néant et la dépendance de la créature, M. Olier met presque toujours des correctifs, qui en tempèrent le sens. Nous tenons à en citer deux qui sembleraient plus difficiles à expliquer, et dont le sens est très pur, malgré une certaine exagération ou incorrection de langage.

Nous lisons dans le traité des Attributs divins: «Dieu

«est tout être par lui-même; il est être sans bornes

«et essence infinie qui est la source de tout être et

«de toute essence qui subsiste hors de lui. Tout l’être

«qui paraît, est une émanation sortie de lui en nous

«et qui doit être comparée à l’émanation du Verbe,

«qui reçoit dans lui l’essence de son Père, par un

«écoulement perpétuel de cette divine essence en

«lui. Il est vrai que l’Écriture, en parlant de la créa-

«ture sortie du sein de Dieu, dit: Ipse dixit, et facta

«sunt, parce que le Père a influé en nous; il a donné

«son être et son essence selon qu’il l’a destinée et

«dans la proportion de la libéralité qu’il nous a voulu

«faire. Cela n’est point dit du Fils de Dieu, parce

«qu’il a donné à son Verbe tout l’être qu’il avait, et,

«le donnant avec nécessité, il le donne sans dépen-

«dance. Et cette nécessité fait que le Fils reçoit tout

«l’être sans restriction et sans bornes, et est en lui

«tout l’être que possède son Père. Cette émanation

«si féconde est un Verbe qui est tout ce qu’est Dieu

«en lui: dans l’émanation des créatures, elles ne disent

«en elles-mêmes ce qu’est Dieu que selon ce qu’elles

«sont. Si elles sont vie, elles disent Dieu vie. Si elles

«sont substance, elles disent Dieu substance. Si

«elles sont en activité, elles disent Dieu activité. Si

«elles sont en lumière, elles disent Dieu lumière.

«Ainsi de chaque créature particulière qui dit en son

«langage, selon tout ce qu’elle est, que Dieu en lui

«est ce qu’elle est, et beaucoup plus davantage.

«La comparaison donc est en ce que la créature

«n’a rien en soi qu’elle n’ait reçu de Dieu, et elle

«voit encore que tout ce qu’elle n’a pas et que les

«autres créatures possèdent en elles, elles le reçoi-

«vent de lui: en lui est tout l’être qu’elles possèdent.

«La substance qui émane de lui, et tout le monde en-

«semble, dit d’une voix commune cette parole qui n’a

«point de silence et qui ne se taira jamais tant que la

«créature subsistera: Ipse fecit nos, et non ipsi nos.

«C’est Dieu qui nous a faits et qui a donné l’être et

«la vie à toute chose qui subsiste. De sorte qu’il est

«vrai que tout l’être qui émane de Dieu est si étroi-

«tement uni à lui, il est si nécessairement dépendant,

«que le Fils éternel n’est pas plus attaché à son Père

«et dans la nécessité de recevoir son être que toute

«créature. La créature ne peut non plus vivre, sub-

«sister et se mouvoir sans Dieu, que le Fils n’est capa-

«ble de vivre, d’être et d’opérer sans la personne de

«son Père. Il n’en est pas des enfants de la terre à

«l’égard de leur père, comme il en est du Fils de

«Dieu. Car les pères en la terre, nous ayant donné

«l’être une fois, n’ont plus de part à notre conserva-

«tion, et tout de même que l’eau passée par un canal

«ne dépend plus de son canal et n’a besoin de lui

«que pour être portée au réservoir. Ainsi en est-il

«de l’essence qui descend dans nous. Elle passe de

«Dieu notre source par des canaux qui sont nos pa-

«rents; après quoi nous la possédons en nous dans la

«dépendance seulement de Dieu, qui se sert encore

«de quelques autres moyens, comme des créatures

«dont nous usons, sous l’extérieur desquelles il nous

«conserve, quoiqu’il le fasse beaucoup plus immé-

«diatement par lui-même.»

Voici le second passage que nous voulions citer:

«Dieu, sortant hors de lui par sa fécondité et la pléni-

«tude de son être, est comme une nourrice regor-

«geant de lait qui s’épanche hors d’elle-même et qui

«fait découler sa substance sur autrui. Dieu regorge

«de biens en lui-même; il est plein d’une substance

«exubérante qu’il met hors de lui, sans en séparer

«pourtant de lui aucune, quoique à nos yeux ces êtres

«et ces substances qui émanent de lui en vérité et qui

«sont inséparables de lui-même, comme les ruisseaux

«de leurs sources, semblent être divisés et distincts

«de lui. Dieu, en ses êtres auxquels il se répand, est,

«sans comparaison, comme ces corps qui se raréfient

«ou ces animaux qui se produisent et s’étendent hors

«d’eux-mêmes et se retirent en eux. Le limaçon sor-

«tant de sa coquille parait beaucoup plus grand

«qu’il n’était auparavant quoiqu’il ne soit pourtant

«rien que le même; il est vrai qu’il quitte un lieu pour

«en remplir un autre, et qu’il parait autrement plus

«vaste et plus étendu qu’il n’était pas auparavant.

«Dieu, sans comparaison, semble s’étendre par la

«création dans le néant, il semble se raréfier, il semble

«quasi se grossir et paraître sous les habits des

«créatures où auparavant il ne paraissait pas, et cette

«substance visible, qui parait, n’est point séparée de

«lui, elle est en lui et ne peut être éloignée de lui.

«C’est la substance de Dieu paraissant au dehors et

«rendue visible à nos sens .»

Aux difficultés que présentent ces deux passages, on peut ajouter ce que M. Olier dit très fréquemment des âmes parvenues à la perfection de la vie chrétienne: elles sont absorbées, anéanties, consommées en Dieu. N’est-ce pas ainsi, dirait-on, que les philosophes de l’Inde parlent de l’absorption des hommes dans le tout universel?

Eh bien, non. S’il y a quelque similitude dans des termes isolés, dans quelques comparaisons, séparés du contexte et de l’ensemble de la doctrine, il n’y a rien de commun dans les idées. L’idée chrétienne du tout de Dieu est essentiellement distincte du tout panthéistique, elle lui est absolument opposée.

Remarquons: 1° que M. Olier, lorsqu’il parle de la création, dit que Dieu sort de lui, que les créatures sont hors de Dieu, qu’elles en sont sorties; ce qui distingue les actes immanents de Dieu, la génération éternelle du Verbe, et la procession éternelle du Saint-Esprit, des œuvres extérieures, dont nous avons dit un mot: opera ad extra; — 2° que les créatures procèdent de Dieu par un acte libre de sa volonté, acte de pure bonté, et non par quelque nécessité de son être, tandis que le Verbe et le Saint-Esprit procèdent éternellement et nécessairement de Dieu; — 3° qu’elles n’ont d’être qu’avec les bornes et dans les limites que Dieu a posées librement, et qu’elles dépendent si essentiellement de lui, qu’elles retomberaient dans le néant, s’il cessait un moment de les conserver. Dieu est souverainement indépendant de ses créatures. Elles émanent de lui, parce que l’être qu’elles ont reçu a sa source dans la puissance créatrice de Dieu.

Voilà dans quel sens les créatures sont un écoulement, une émanation de Dieu; de quelle manière elles ont en elles la substance ou l’essence de Dieu. Cette doctrine, chacun le voit facilement, est tout à fait contradictoire au panthéisme. Les termes que nous avons cités, les comparaisons indiquées, ne doivent donc pas se prendre à la lettre, mais dans le sens de l’auteur, tel qu’il résulte clairement du contexte et des autres écrits de M. Olier que nous venons de citer.

Il nous a dit que Dieu possède tout l’être et toute la génération de l’être en éminence; ce qui signifie qu’il a en lui-même, d’une manière infiniment parfaite, tout ce qu’il y a d’être, de bonté, de beauté, dans chaque créature. Il voit dans son essence toutes les idées réalisables à l’extérieur; il les produit par la création, selon sa souveraine sagesse, dans la mesure et pour le temps qu’il juge convenables; et ces créatures ainsi produites sont inséparables de lui, en ce sens que l’être qu’elles ont reçu ne peut subsister sans lui: il cesserait, si Dieu cessait de le soutenir .

Quant aux termes d’absorption, d’anéantissement, de consommation des âmes en Dieu, ils ne présentent pas une difficulté plus sérieuse. Ce sont des expressions employées par les auteurs mystiques, qui n’ont jamais entendu par là que les âmes perdent leur personnalité propre. M. Olier, parlant dans ses Mémoires de la bienheureuse Vierge Marie, assure qu’elle était toute possédée de Dieu, comme Jésus-Christ était en son humanité, «sans toutefois que la très sainte

«Vierge eût perdu sa personne propre, sinon mora-

«lement et mystiquement, tandis que Jésus-Christ

«l’avait perdue réellement ».

Les auteurs mystiques usent de ces termes pour indiquer l’état d’une âme qui est parvenue, par la pratique du détachement et de l’amour de Dieu, à ne plus suivre les inclinations de la nature, mais bien les inspirations et les mouvements de la grâce. La vie naturelle, sensible, animale, est comme anéantie pour faire place à la vie surnaturelle . Et encore, même dans cet état, les âmes ont-elles besoin de veiller sur elles-mêmes, observe M. Olier, car elles peuvent déchoir, tant qu’elles sont ici-bas dans les épreuves.

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