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§ II. — NÉCESSITÉ D’UNE SAGE RÉSERVE DANS L’USAGE DES CRÉATURES, POUR SE MAINTENIR DANS L’ORDRE ÉTABLI PAR LA DIVINE PROVIDENCE.

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Table des matières

Ces sentiments de M. Olier nous montrent quels ont dû être ceux d’Adam innocent. Dieu avait communiqué au premier homme une grâce abondante, et il avait répandu sa bénédiction sur les créatures, pour qu’il en usât avec sagesse et sobriété, et qu’il goûtât dans cet usage une jouissance légitime, une félicité temporelle qui ne l’éloignerait pas de son créateur, qui l’élèverait même à lui, par reconnaissance et amour, comme à la source unique de tout bien. Les créatures n’étaient donc pas, dans cet état, un obstacle pour l’homme; elles étaient plutôt un moyen d’aller à Dieu. Cet ordre primitif a été troublé par la désobéissance de l’homme. A peine se fut-il révolté contre Dieu, qu’il sentit en lui-même un désordre dans son être, qui l’avertit que sa chair se révoltait contre lui; il avait perdu l’empire que Dieu lui avait donné sur lui-même. Dieu se retira alors des créatures, comme nous l’a dit M. Olier, en ce sens, qu’il cessa d’accorder à l’homme la grâce qu’il lui avait donnée de pouvoir en jouir sans danger pour son âme; il dut plutôt s’imposer des privations, et assurer son salut par la vigilance et par la mortification. Il dut lutter contre un instinct mauvais qui l’inclinait à jouir des créatures pour lui-même, sans rapport à Dieu.

Le Saint-Esprit nous a dit les suites de notre déchéance et les dangers que nous courons dans l’usage des créatures, en nous avertissant, dans le livre de la Genèse, que l’esprit et le cœur de l’homme sont portés au mal dès son enfance: Sensus et cogitatio humani cordis in malum prona sunt ab adolescentia ; et c’est bien dans ce sens aussi que nous pouvons entendre ce que l’auteur inspiré du livre de la Sagesse nous enseigne, à l’occasion des idoles; que les créatures sont une cause de tentation pour les hommes et comme un piège sous le pied des insensés: Creaturæ Dei... factæ sunt in tentationem animabus hominum, et in muscipulam pedibus insipientium .

Nous en faisons l’expérience tous les jours, on pourrait dire à tout moment; les saints eux-mêmes éprouvent cette inclination vers les choses sensibles, qui demande une attention continuelle pour ne pas passer de l’usage à l’abus. Saint Augustin décrit d’une manière touchante, et fort instructive pour nous, cette inclination dangereuse pour les âmes, même les plus exercées dans la pratique du bien; c’est dans le livre de ses Confessions, où il nous parle de la curiosité des yeux, de la sensualité des oreilles trop sensibles à l’harmonie des sons, de l’appétit pour les aliments. Voici comment il parle des aliments: «Jusqu’à ce que ces corps corruptibles soient revêtus d’incorruptibilité, nous sommes obligés d’en réparer les ruines par le boire et par le manger... Vous m’avez appris sur cela, Seigneur, à ne prendre les aliments que comme des remèdes; mais quand je veux passer, de l’état fâcheux de la faim et du besoin, à l’état plus tranquille où nous nous trouvons quand nous avons donné à la nature ce qu’il lui faut, la sensualité me tend ses pièges dans ce passage; car la volupté s’y trouve: il faut nécessairement passer par là pour arriver à ce soulagement dont nous ne saurions nous priver. Au lieu donc que l’on ne doit ni boire ni manger que pour la santé, le plaisir se met de la partie et me fait faire pour lui ce que je ne crois faire que pour le soutien de mes forces. Or, l’un va bien plus loin que l’autre; ce qui suffit pour la santé ne suffit pas pour le plaisir. Il arrive même souvent qu’on ne voit pas bien si c’est encore le besoin du corps qui nous fait manger, ou si ce n’est point la volupté qui nous trompe et qui nous emporte, et l’âme est assez misérable pour aimer cette incertitude: car, comme elle espère s’en faire une excuse, elle est bien aise de ne pas voir les bornes de ce qui suffirait pour sa santé, afin que le prétexte du besoin lui donne lieu de satisfaire la volupté. Je suis tous les jours aux prises avec ces tentations, et dans cet état j’appelle à mon secours votre main toute-puissante, et vous expose mes agitations et mes peines.»

Saint Augustin fait des considérations semblables sur le sens de l’ouïe et de la vue; il remarque dans les satisfactions les plus légitimes en elles-mêmes, de la musique, de la vue des belles choses, un danger de sensualité contre lequel nous devons nous tenir en garde .

Cette doctrine s’est perpétuée dans l’Église. De nos jours, le P. Roothaan, supérieur général de la compagnie de Jésus, a expliqué en ces termes la doctrine de saint Ignace sur l’usage des créatures. La première manière d’honorer Dieu dans l’usage des créatures est de s’élever, par la considération des choses créées, à la connaissance du Créateur... La seconde est de régler cet usage selon la nécessité ou l’utilité... La troisième est de nous abstenir de l’usage des biens délectables, par la mortification. «Cette troisième manière, dont l’application était si facile dans l’état d’innocence, est devenue, dit le P. Roothaan, dans l’état de la nature déchue, d’une nécessité extrême et devrait être, je ne dis pas fréquente, mais presque continuelle; en sorte que si, dans la pratique, nous n’employions pas cette manière de faire servir les créatures à notre fin, nous manquerions infailliblement de fidélité et de modération dans la deuxième, et nous nous rendrions absolument incapables de la première. Car si l’homme n’est pas constamment le maître de lui-même dans l’usage des créatures, il est hors de doute qu’il excédera les bornes de la tempérance et que, loin de s’élever au Créateur par la considération et l’usage des créatures, il demeurera attaché à la matière, qui se changera pour lui en une fange dans laquelle il s’enfoncera tous les jours de plus en plus .»

Il est donc bien vrai que les sens nous portent au mal et que les créatures nous détourneront de Dieu, pour nous attirer à elles, si nous ne nous mortifions pas. L’esprit supérieur tend en haut, et la chair nous incline et nous fait descendre en bas. Faclus sum mihimetipsi gravis, dum spiritus sursum et caro quærit esse deorsum ; d’où il résulte que «nous devons

«nous en détacher par la foi et être séparés de tout

«en affection ,» comme nous l’enseigne M. Olier.

Dieu a miséricordieusement pourvu aux besoins de nos âmes. Nous disions que, dans l’état primitif, il éclairait l’homme innocent et l’attirait à lui par les créatures; il continue à se servir d’elles pour nous montrer une partie de ses beautés et nous faire admirer la conduite de sa providence. Les âmes chrétiennes considéreront avec admiration et avec une filiale reconnaissance, les œuvres qu’il a produites et qu’il conserve pour nous. M. Olier nous indique, dans sa Journée chrétienne, le fruit que nous devons recueillir du spectacle de ce monde; il entre dans beaucoup de détails; il nous donne des conseils et des pratiques pour le temps de la maladie et du retour à la santé ; il nous apprend ce qu’il convient de faire quand on va aux champs ou à la promenade, quand on découvre les beautés de la campagne, quand on voit le soleil, la terre, les herbes, les fleurs, les fruits, quand on entend le chant des oiseaux. Toute la nature parle à une âme attentive.

Mais il nous invite à réfléchir sur la conduite de Dieu, qui, à la suite du changement opéré dans l’homme par l’effet de son péché, a établi un moyen pour le connaître plus parfaitement, et pour nous détacher des créatures, afin que, dans l’usage que nous en faisons, elles ne nous nuisent pas. Ce grand moyen, c’est la bienheureuse venue de Jésus-Christ. Dieu se manifeste à nous en son divin Fils, bien plus parfaitement que dans la création du monde. «Il

«a mis en lui, nous dit M. Olier, l’image de la beauté

«divine; il y a mis toutes les grâces qui peuvent

«être hors de sa majesté. Si bien qu’en lui, il veut

«qu’on le connaisse; que toute créature jette les

«yeux sur ce portrait, et qu’on le connaisse plus

«saintement et plus purement que dans l’être gros-

«sier du monde. En lui, en ses paroles paraît plus de

«sagesse qu’en tout l’univers, plus de puissance que

«dans la création. En sa mort, il parait plus de jus-

«tice de Dieu que dans tous les châtiments de l’an-

«cienne loi; en ses miracles, plus de merveilles que

«dans les générations passées; en son extérieur,

«plus de beauté que dans toutes ces campagnes par-

«semées de fleurs; en son intérieur, plus de sagesse

«et de science que dans tous les anges. En un mot,

«il comprend plus de perfection qu’il n’y en a dans

«toutes les créatures, et il nous montre mieux en

«lui seul ce que c’est que Dieu, que ne peuvent faire

«toutes les images les plus pures de la divinité .»

Doctrine de M. Olier

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