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§ II. — LA DOCTRINE DE M. OLIER SUR LA CORRUPTION DE L’HOMME DÉCHU, N’A RIEN DE COMMUN AVEC LES ERREURS CONDAMNÉES DANS BAIUS.

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Table des matières

Avant toute autre preuve de cette assertion, une observation se présente à nous, observation préjudicielle, qui seule pourrait nous suffire. L’histoire de l’Église de France au dix-septième siècle nous apprend que le jansénisme eut peu d’adversaires plus constants que M. Olier. Sans attendre une condamnation solennelle des opinions de Jansénius, il les tint comme déjà proscrites par la bulle d’Urbain VIII, et il voulut qu’au séminaire on les considérât comme telles. Lorsqu’il fut question de déférer au Saint-Siège les cinq fameuses propositions, il fit tout ce qui dépendait de lui pour procurer des adhésions à la lettre des évêques de France; il fournit, avec M. de Breton villiers et saint Vincent de Paul, les sommes nécessaires aux frais de voyage et de séjour à Rome, de trois députés envoyés pour solliciter et poursuivre la cause de la condamnation de ces erreurs. Dès que la bulle d’Innocent X eut été publiée, il dévoila dans ses discours aux paroissiens de Saint-Sulpice, dans ses entretiens et dans ses lettres, les manœuvres insidieuses des sectaires, les pièges qu’ils tendaient aux fidèles . Nous reviendrons sur ces faits avant de terminer notre travail, quand nous rappellerons sommairement les travaux de M. Olier, comme curé de Saint-Sulpice, ce qu’il fit pour préserver sa communauté et sa paroisse des erreurs du jansénisme; ne sommes-nous pas autorisé à conclure, à priori, que ce prêtre vénérable n’a jamais eu la moindre attache aux erreurs de Baius?

Une autre observation importante, est qu’il ne faudrait pas soupçonner de baianisme un écrivain pour cela seul que l’on surprendrait dans son livre une proposition qui, prise matériellement, et en elle-même, abstraction faite du contexte et de la doctrine connue de cet écrivain, serait semblable à une des propositions condamnées dans Baius. Tout le monde sait que ces propositions sont condamnées in sensu auctoris, et que quelques-unes fort innocentes, si on les prenait isolément, sont fausses ou perfides dans le sens de l’auteur: c’est le sens que le Saint-Siège avait en vue quand il les a condamnées.

La doctrine de M. Olier sur la corruption de l’homme déchu comprend ces trois idées: 1° L’homme déchu est enclin au mal dès son enfance. 2° Cette inclination n’est pas une force irrésistible qui le prive de sa liberté morale. 3° Les païens eux-mêmes conservent cette liberté, et ils sont responsables devant Dieu de leurs actes mauvais quand ils pèchent.

I. — Que nous ayons tous une inclination au mal dès notre enfance, personne ne peut le contester; nous avons vu l’auteur de la Genèse l’affirmer en termes exprès. «L’inclination première que nous avons de

«retourner dans notre origine, qui est le rien, fait que

«nous commettons mille fautes qui se font par défail-

«lance du bien, et qui est une source perpétuelle de

«péché.» Ces paroles de M. Olier, que nous avons citées plus haut, ne doivent pas s’entendre d’une inclination naturelle qui nous ferait aspirer au néant, à l’anéantissement de notre être, mais d’une tendance au mal, qui est le rien; c’est ainsi que l’auteur de l’Imitation nous a dit: Ex le semper tendis ad nihilum. Le sens est le même dans les deux écrivains. Toute créature, par cela seul qu’elle est créature, qu’elle n’est rien par elle-même, est sujette à la défaillance, si la main toute-puissante qui lui a donné l’être, ne la soutient dans son existence et dans la pratique du bien. A plus forte raison voyons-nous cette inclination dans la créature déchue de son état primitif par le péché originel, auquel sont venus le plus souvent s’ajouter beaucoup de péchés actuels.

II. — Cette inclination au mal ne va pas cependant jusqu’à priver l’homme de sa liberté. M. Olier n’est pas moins affirmatif sur cet article. Il repoussait, comme une odieuse calomnie, qu’on l’accusât de nier la liberté et de confondre le surnaturel. «Ils (les jansénistes) en

«viennent jusqu’à ne pouvoir souffrir et regardent

«comme une hérésie, quand on prêche... que les com-

«mandements sont possibles, que l’on résiste souvent à

«la grâce... La raison qu’ils allèguent pourquoi ils

«s’élèvent avec tant de feu dans l’Église, c’est parce

«que, disent-ils, nous sommes tous pélagiens et semi-

«pélagiens, que nous donnons tout à la nature, et

«rien à la grâce. Nous répondons à ces messieurs

«que nous ne donnons rien à la nature de toutes les

«choses surnaturelles, que nous reconnaissons que la

«grâce en est seul le principe... Nous disons que nous

«ne pouvons aucun bien de nous, que nous pouvons

«et faisons le mal par nous; et quoique Dieu nous

«offre et nous présente sa grâce, nous ne laissons

«pas de nous porter au mal, pouvant faire le bien .»

Voilà, sans aucun doute, le dogme de la liberté bien reconnu. M. Olier le suppose constamment dans ses écrits, dans ses lettres, dans sa direction. Comment un homme qui ne cesse, de nous exhorter à combattre nos mauvais penchants, à pratiquer la mortification, aurait-il douté de la liberté ? Expliquant, dans le Catéchisme de la vie intérieure, les paroles de saint Paul sur les combats de l’esprit contre la chair et de la chair contre l’esprit, il nous dit: «D’un côté, le Saint-Esprit,

«qui est en nous, nous porte au mépris, à la pauvreté,

«aux souffrances. Et, de l’autre côté, notre chair

«désire l’honneur, le plaisir, les richesses. Notre

«âme peut se jeter du côté qui lui plaît, ou bien

«adhérer à l’Esprit par la grâce, ou bien s’y oppo-

«ser, en adhérant à la chair, par sa propre ma-

«lice , etc.» Il écrivait à un homme du monde,

pour lui inspirer une salutaire défiance de lui-même:

«Depuis la dégradation, la chair est si corrompue, si

«faible pour le bien, si portée au mal, que sa vérita-

«ble définition est une espèce d’impuissance de se

«défendre du péché. Sa pente y est si grande, que

«si elle y résiste dans quelque occasion, elle y suc-

«combe en d’autres; et quand, enfin, elle ne s’y

«précipite pas, c’est un effet de la bonté de Dieu,

«qui la soutient, contre son inclination, au-dessus de

«la nature .»

Il parlait donc d’une impuissance morale, non absolue, et il supposait que l’homme, par ses forces naturelles, toujours pourtant avec le concours de Dieu, peut résister au mal, dans quelques occasions. Nous avons vu que, suivant le pieux écrivain, cela est toujours possible, avec la grâce de Jésus-Christ, le Saint-Esprit nous faisant triompher de la nature.

III. — Les païens eux-mêmes ne sont pas privés de liberté ; ils répondent à Dieu de la violation de la loi naturelle, dans la mesure où elle leur est connue.

Il est dit dans la préface de la Journée chrétienne:

«Depuis le péché, ces traits de ressemblance avec Dieu,

«si purs et si saints, ont été effacés, et l’homme est de-

«venu si perverti et si corrompu qu’il n’est presque rien

a resté en lui de ce qu’il avait reçu de Dieu. L’image

«de la divinité y est bien demeurée, mais gâtée et

«souillée dans ses principales beautés. L’àme accom-

«pagnée de ses trois puissances capitales, l’entende-

«ment, la volonté, la mémoire, qui représentent

«l’essence de Dieu et les trois personnes divines, est

«à la vérité dans son entier, quant à son être natu-

«rel; mais pour les avantages dont il l’avait revêtue,

«qui la rendaient si considérable et qui faisaient sa

«beauté, savoir la sainteté et le regard de Dieu en

«toutes choses, elle les a absolument perdus ...

«S’il y a quelque chose en nous qui ne soit point pé-

«ché, c’est-à-dire corrompu par le péché dans nos

«puissances, nous en devons rendre grâces à Dieu,

«qui l’a opéré par sa bonté .»

M. Olier disait, au rapport de son disciple, M. de Bretonvilliers: «Tout ce qui n’est point la foi, ou en-

«gendré de la foi, porte ordinairement au péché, ou

«est péché soi-même;» donc les œuvres des infidèles

ne sont pas toujours des péchés .

Mais comment entendre le passage produit plus haut, où il est parlé d’une force irrésistible qui entraîne les païens vers le mal? Les païens étaient-ils dans la nécessité de pécher? la vertu du sang de Jésus-Christ ne s’est-elle pas étendue sur eux pour leur procurer les secours nécessaires? M. Olier dit dans cet endroit que la loi de vie en Jésus-Christ nous délivre de la loi de péché et de mort qui entraîne ceux qui y sont soumis, avec une véhémence qui leur ôte la force de résister. Quels sont ceux-là ? Il nous l’explique deux pages plus bas. Ce sont ceux «qui vivent selon

«la chair et dans la chair; qui goûtent les mouvements

«de la chair et y adhèrent... L’esprit étant étouffé

«dans la chair et se tirant d’un lieu infâme, où on lui

«ôte sa vigueur et sa vie .»

La vertu du sang de Jésus-Christ s’est étendue sur tous les hommes, dès l’origine du monde; nous verrons, dans le chapitre suivant, que, dès lors, le corps spirituel de Notre-Seigneur s’est formé des hommes dociles aux inspirations du Saint-Esprit; mais autrefois, comme aujourd’hui, beaucoup mettent obstacle à la bonne volonté de Dieu, se laissent aveugler et entraîner par leurs passions charnelles et sont sous la loi du péché, tandis que les hommes dociles à la voix de Dieu vivent dans une vraie liberté.

IV. — On voit, par ces citations et ces explications, ce qui distingue essentiellement la doctrine de M. Olier des erreurs condamnées dans Baius. L’homme, quoique déchu et enclin au mal, n’a point perdu sa liberté ; il peut en user pour correspondre à la grâce ou pour commettre le péché ; la force de la convoitise ne devient irrésistible en lui que par l’effet des mauvaises dispositions qui sont, par sa faute, un obstacle à la grâce.

Pour mieux connaître ces doctrines, qui ne sont nullement particulières à M. Olier, il est bon de considérer ce qu’il entendait par la chair et par l’esprit. L’homme chrétien, «dans toute la doctrine de

«saint Paul, dit M. Olier, est composé de deux choses:

«l’une se nomme la chair, et l’autre se nomme l’es-

«prit; c’est ainsi que se partage l’homme en l’Écri-

«ture .»

La chair, dans le langage de l’Apôtre, est le principe de toutes les inclinations qui nous portent au mal; c’est l’homme, en tant qu’il n’est pas régénéré, ou qu’il est opposé à la grâce du baptême. Ce terme ne convient donc pas seulement au corps et à la partie inférieure de l’âme, mais aussi à notre esprit quand il a des pensées et des mouvements conformes aux sentiments de la chair; et à la volonté elle-même, quand elle adhère à ces mêmes sentiments. Le principe de cette corruption est le démon, père de l’homme pécheur en Adam.

D’un autre côté, l’esprit, qui est l’esprit de Notre-Seigneur, habite dans le chrétien fidèle et lui donne des inclinations semblables à celles qu’il a mises dans la sainte âme de Notre-Seigneur; de sorte que le chrétien pense, juge, vit comme son divin Maître. Il pratique les vertus de religion, de charité, d’humilité, de détachement des choses créées; en un mot, il estime, il aime, il porte la croix.

L’âme de l’homme est ainsi sollicitée de deux côtés: elle devient esprit si elle adhère à Notre-Seigneur; elle devient chair si elle cède aux inclinations déréglées de la nature. Il n’y a donc dans le chrétien que l’esprit et la chair, les facultés naturelles étant comprises, selon qu’elles servent l’un ou l’autre, sous le nom d’esprit, ou sous celui de chair. Ainsi s’expliquent les paroles que nous avons citées dès le commencement de ce chapitre, telles que celles-ci: «Toutes les actions que nous faisons, qui ne sont pas faites par le mouvement du Saint-Esprit, par les sentiments de charité et les maximes de la foi, sont péché.»

Il est à remarquer que saint Paul, qui parle si souvent de la chair et de l’esprit, de la sagesse de la chair et de la sagesse de l’esprit, des œuvres de la chair et des œuvres de l’esprit, ne met pas de milieu entre l’un et l’autre. Les auteurs mystiques interprètent dans ce sens les épîtres de l’Apôtre, et ne parlent pas autrement que M. Olier. «Tout ce qui ne tend point à l’amour «éternel tend à la mort éternelle,» écrit saint François de Sales, dans son Traité de l’amour de Dieu . L’enseignement d’un très grand nombre de théologiens aboutit aux mêmes conclusions.

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