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§ I. — M. OLIER NE PARLE PAS DE LA CORRUPTION DE L’HOMME DÉCHU AUTREMENT QUE N’EN ONT PARLÉ LES HOMMES DE SON TEMPS, LES PLUS RESPECTABLES PAR LEUR ATTACHEMENT AUX DOCTRINES DE L’ÉGLISE.

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Table des matières

Citons d’abord ce qui se trouve de plus fort dans les écrits de M. Olier sur cette matière. Il dit dans son Catéchisme de la vie intérieure: «Il en est des en-

«fants d’Adam comme des enfants d’un lépreux,

«dont la corruption est si grande que toute la masse

«de la chair et toute la substance sont corrom-

«pues... Il en est encore comme d’une source cor-

«rompue; les ruisseaux qui en sortent sont égale-

«ment corrompus et retiennent son infection. Notre

«chair, qui vient d’Adam comme de sa source, est

«remplie de la même malignité .»

Dans la Journée chrétienne: «Le corps des chrétiens

«n’a qu’un seul principe de vie, qui est le saint Esprit

«de Jésus-Christ... Saint Paul dit: Autant que vous

«êtes baptisés, vous avez été revêtus de Jésus-Christ,

«qui anime l’intérieur de votre esprit de ses dispo-

«sitions, de ses vertus et de ses mœurs. Tous ceux

«donc qui opèrent en ce principe et en ces dis-

«positions intérieures sont véritablement chrétiens;

«au contraire, qui n’est pas opérant en ce principe

«intérieur, n’est pas chrétien; et il répondra, au

«jour du jugement, de ce qu’il aura fait hors de l’es-

«prit de Jésus-Christ: car comme cet esprit descend

«dans le corps de l’Église, pour opérer par elle et

«pour l’animer d’une vie qui seule plaît à Dieu,

«celui qui aura voulu opérer en soi-même, en sa

«volonté, en son esprit, en son amour propre, sera

«réprouvé comme un membre d’Adam, qui aura

«opéré en chair et non pas en esprit. Les chrétiens

«sont en cela différents des païens, qu’ayant une

«même chair avec eux, ils ne vivent pas selon cette

«chair, mais selon les lumières et les sentiments de

«Jésus-Christ habitant en eux par son Esprit, depuis

«le baptême, où il leur a donné une vie nouvelle et

«un nouveau principe d’agir, auquel ils sont obligés

«d’obéir.» Quelques pages plus haut, l’auteur avait

dit: «La chair ne peut porter à Dieu; elle ne peut

«tendre qu’à elle-même, et par conséquent elle ne

«peut avoir de mouvement qu’au péché, par elle-

«même .»

Dans les Mémoires; «Nous devons nous confondre

«et nous humilier, voyant ce que nous sommes, qui

«est le néant et le péché ; et cette inclination pre-

«mière que nous avons de retourner dans notre ori-

«gine, qui est le rien, fait que nous commettons

«mille fautes qui se font par une défaillance du

«bien qui est une source perpétuelle du péché .»

Enfin dans le Traité des Mystères de Notre-Seigneur:

«La loi de l’Esprit de vie en Jésus-Christ me délivre

«de la loi de mort et de péché, c’est-à-dire de l’im-

«pression de la concupiscence, qui est dans les

«païens une loi absolue, une force, une véhémence

«et une impétuosité dessus eux, où ils n’ont point

«de force pour résister, si bien que c’est une loi de

«mort pour eux. Lex spiritus vitæ in Christo Jesu libe-

«ravit me a lege peccati et mortis .» (Ad Rom., VII, 2.)

Ces idées se rencontrent très fréquemment sous la plume de M. Olier, qui avait conçu une grande horreur pour ce que saint Paul appelle la chair. La lecture habituelle des épîtres de l’Apôtre, et les épreuves auxquelles il plut à Dieu de le soumettre pendant plus de deux ans, au début de sa vie sacerdotale, contribuèrent beaucoup à lui inspirer l’idée de l’impuissance de la nature pour opérer le bien, et de la corruption de l’homme déchu. Pendant ces épreuves, Dieu semblait lui avoir retiré la vertu naturelle qui soutient le corps; son âme était comme si elle n’avait pu gouverner les sens; il se trouvait, par rapport aux puissances spirituelles, dans des langueurs et dans une sorte d’hébétement qu’on ne saurait comprendre. Il ne se souvenait de rien, il ne pouvait rien apprendre; s’il voulait parler, les mots lui manquaient. Une autre peine bien autrement grave, et qui fit alors le tourment de son cœur, était que, privé de tous les dons surnaturels sensibles, fatigué par toute sorte de tentations, il se considérait comme réprouvé de Dieu .

Ces états amenèrent M. Olier à sentir très vivement ce qu’il y a dans l’homme de lui-même, et ce qu’il y a de Dieu, dans l’ordre de la nature, comme dans celui de la grâce. Nous tenons toutefois à constater qu’au fond il ne parle pas un autre langage que celui qu’ont employé de son temps, et dans les siècles antérieurs, les hommes les plus attachés aux doctrines de l’Église. Qu’il nous suffise de citer quelques paroles de saint Thomas, de sainte Thérèse, du cardinal Bona, de Corneille la Pierre, du bienheureux Grignon de Montfort, des vénérables pères de la Colombière et Jean Eudes, enfin du pieux auteur du livre de l’Imitation.

Saint Thomas, voulant expliquer le sens de ces paroles de saint Paul aux Corinthiens: Nonne carnales estis et secundum hominem ambulatis, nous dit: «Affectus rationis humanæ secundum ea quæ sunt carnis movetur, nisi spiritus hominis per spiritum Dei supra hominem elevetur; unde dicitur in Eccli., XXXIV: Sicut parturientis, cor tuum phantasias patitur, nisi ab altissimo fuerit emissa visitatio. Est ergo sensus, secundum hominem, id est secundum naturam humanam sibi a Dei spiritu derelictam; sicut et in Psalmo IV dicitur: Filii hominum, usquequo gravi corde, ut quid diligitis vanitatem et quæritis mendacium?... Nonne homines estis, scilicet carnales et non spirituales, utpote zelum et contentionem habentes pro rebus humanis ?» Parce qu’il est conforme à la nature humaine d’acquérir ses connaissances au moyen des sens extérieurs ou de la chair, le saint docteur conclut que les affections de la volonté se portent vers ce qui est de la chair, si elle n’est élevée au-dessus de la nature humaine par l’esprit de Dieu.

Sainte Thérèse: «C’est une grande vérité que, loin

«de rien posséder de bon par nous-mêmes, nous

«n’avons au contraire en partage que la misère, et

«que nous ne sommes que néant. Quiconque n’entend

«pas cela marche dans le mensonge; et plus on

«l’entend, plus on se rend agréable à la souveraine

«vérité .»

Le cardinal Bona donne comme une règle infaillible de discernement, pour l’appréciation du principe d’où procède une pensée, que toute idée bonne, tout instinct du bien, vient de Dieu; que toute pensée mauvaise vient de nous ou d’une cause extérieure et mauvaise; il s’exprime en ces termes: «Humani spiritus nomine quo intrinsecus movemur et incitamur, illum intelligi qui a natura nostra peccato originali infecta emanat, diximus. Illud ante omnia considerandum, quod hic instinctus, ideo ad malum semper impellit, quia homo per peccatum primi parentis a Deo desertus et in se ipsum relapsus, nisi gratia divina sublevetur, pravis semper subjacet concupiscentiæ motibus .»

Cornelius à Lapide, sur ces mots de saint Paul: Caro concupiscit adversus spiritum, dit: «Omnes potentiæ (hominis) per peccatum originale hoc concupiscentiæ fermento infectæ sunt. Dicuntur tamen caro, vel carnalis appetitus, per synecdochum a potiori parte, quia hic est potissimus, creberrimus, vehementissimus appetitus in homine, qui fere semper carnalis concupiscentiæ motus in eo suscitat .»

Le bienheureux Grignon de Montfort écrit dans une lettre aux amis de la croix: «Soyez bien per-

«suadés que tout ce qui est en nous est tout corrompu

«par le péché d’Adam et par nos péchés actuels;

«non seulement les sens du corps, mais toutes les

«puissances de l’âme; et dès lors que notre esprit

«corrompu regarde quelque don de Dieu en nous

«avec réflexion et complaisance, ce don, cette action,

«cette grâce devient toute souillée et corrompue, et

«Dieu en détourne ses yeux divins. Comme la chair est

«toute corrompue et criminelle, tout ce qui en naît

«est corrompu, et même, elle ne peut être soumise,

«par elle-même, à la volonté de Dieu .»

Le Père de la Colombière, méditant sur la chute de saint Pierre, dit: «J’ai conçu avec étonnement et

«avec frayeur combien nous sommes faibles: cela

«me fait frémir; j’ai en moi les sources et les semen-

«ces de tous les vices, il n’y en a pas un que je

«ne sois capable de commettre. Il n’y a, entre moi

«et l’abîme de tous les désordres, que la grâce de

«Dieu qui m’empêche de tomber. Que cela est humi-

«liant! que cette pensée doit donner de confusion

«aux plus saintes âmes !»

Le Père Jean Eudes, instituteur de la congrégation de Jésus et Marie, fait ces considérations sur la nécessité de l’abnégation: «Il est impossible que nous

«suivions Jésus, si nous ne renonçons à nous-mêmes;

«puisque de nous-mêmes nous ne sommes que ténè-

«bres, que péché, que mort, qu’enfer, et que les

«ténèbres ne peuvent pas suivre ou imiter la lu-

«mière; ni le péché, la grâce; ni la mort, la vie; ni

«l’enfer, le paradis... Notre esprit est tout plein de

«ténèbres et tout empoisonné du venin du péché...

«Le péché a perverti tout ce qui est en nous, au corps

«et à l’âme, depuis les pieds jusqu’à la tête. Il a

«rempli d’obscurité et de malice la partie supérieure

«de notre âme. Il a déréglé toutes les passions de la

«partie inférieure. Il a rendu notre chair esclave du

«péché, ce qui oblige saint Paul de l’appeler la chair

«du péché, le corps du péché, et le corps de la

«mort. Il a empoisonné tout le sang de nos veines

«et nous a fait naître enfants d’ire et de malédic-

«tion, Natura filii iræ (Ephes., II,3), à raison de quoi

«nous avons en nous la source de tout mal et nous

«sommes nous-mêmes un abîme de perdition et

«un vrai enfer. De là vient que renoncer à soi-

«même n’est pas une chose de conseil seulement,

«mais de commandement et d’obligation. C’est pour-

«quoi, si nous désirons avoir part à la régénération

«et rédemption de Jésus-Marie, en la grâce et salut

«du nouvel homme, il est nécessaire absolument que

«nous renoncions à tout ce que la génération d’Adam

«a mis en nous, c’est-à-dire au vieil homme et à nous-

«même .»

Terminons ces citations par les paroles bien connues de l’auteur de l’Imitation, qui a consacré deux chapitres à exposer les mouvements opposés de la nature et de la grâce, et à nous expliquer la corruption de la nature. Le pieux auteur affirme dans ces chapitres, comme il l’a fait dans plusieurs autres, que la nature se recherche en tout, qu’elle ne tend qu’à la satisfaction personnelle de l’homme, sans rapport à Dieu, ce qui est le fond de sa corruption et la cause de ses fautes. Natura se semper pro fine habet... Natura omnia ad se reflectit... Natura ad malum semper prona ab adolescentia... Ex te semper ad nihilum tendis .

Ces écrivains, et des milliers d’autres que l’on pourrait citer, se sont inspirés du langage de l’Église, disons mieux, des doctrines de l’apôtre saint Paul. Dans la prose que l’Église nous fait chanter, le jour de la Pentecôte, on dit au Saint-Esprit: Sine tuo numine, nihil est in homine, nihil est innoxium. Il n’y a donc rien de pur, rien d’innocent dans l’homme, s’il n’est animé et soutenu par le Saint-Esprit. Le concile d’Orange, dont l’autorité est si grande dans l’Église, a donné cette définition contre les semipélagiens: Nemo habet de suo, nisi mendacium et peccatum.

Nous avons invoqué de plus les épîtres de saint Paul, dans lesquelles il est affirmé que la chair n’est pas soumise à Dieu, et qu’elle ne peut pas l’être; que si nous vivons selon la chair, nous mourrons: Sapientia carnis inimica est Deo; legi enim Dei non est subjecta, nec enim potest .

Ainsi se justifie la proposition que nous avons émise: M. Olier n’a pas tenu, sur la corruption de la nature humaine déchue, un autre langage que celui d’un grand nombre d’hommes de son temps considérés comme parfaitement orthodoxes; en particulier le bienheureux Grignon de Montfort et le vénérable Père Jean Eudes, dont les écrits ont été examinés par la sacrée Congrégation.

Doctrine de M. Olier

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