Читать книгу Le Barreau de Paris - Maurice Joly - Страница 18
VI
ОглавлениеGorgias apporte à la tribune les qualités et les défauts qui le distinguent au barreau; mais il sait plier son langage aux formes de la discussion politique; les ornements superflus disparaissent de ses discours; moins fleuri, il est plus nerveux, plus concis. On voit que ce n’est pas sans profit qu’il a lu et copié mainte fois Thucydide, son contemporain, dont le mâle génie sera toujours le modèle des orateurs et des hommes d’État; il lui est resté quelque chose de la forme sévère de ce grand historien; mais il ne sait pas éviter la sécheresse, il divise ses discours en trop de points et son argumentation rappelle trop la méthode du barreau.
Comme on sait qu’il ne monte à la tribune que pour diriger des attaques contre ceux qui mènent la république, un vif mouvement de curiosité se manifeste toujours parmi la foule quand le héraut public annonce à haute voix qu’il va parler; mais il ne se fait jamais écouter avec autant de plaisir que Lysias dans ses spirituelles diatribes contre l’archonte-roi, à propos des embellissements d’Athènes; il n’a pas la souplesse de ce dernier pour dire des choses désagréables; aussi l’âpreté de ses agressions excite souvent des rumeurs au milieu du peuple, dont il ne saisit pas toujours les dispositions du moment, tact indispensable à quiconque veut acquérir du crédit dans les assemblées. Du reste, son opinion paraît n’influer que très-légèrement sur le sort des délibérations publiques; c’est que l’on se défie de son jugement; le fait est qu’il est en général assez médiocrement inspiré quand il ouvre un avis: soit qu’il parle sur les impôts ou sur les colonies, soit qu’il blâme l’expédition d’un généralissime comme dans la dernière guerre contre les Étoliens, il est rare qu’il présente une solution utile, un moyen pratiquable: Lycophron, qui se pique d’être un homme pratique, lui dit un jour qu’il savait mieux arranger les phrases que les affaires.